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    Devoir de mémoire envers les personnes handicapées

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    Devoir de mémoire envers les personnes handicapées Empty Devoir de mémoire envers les personnes handicapées

    Message par bye Mer 19 Fév - 19:17

    sur le net un article :
    Devoir de mémoire envers les personnes handicapées - 18 janvier 2006
    par Martine Lozano militante des droits des handicapés et militante du collectif handicap Paris centre.
    http://www.humanite.fr/node/41108


    ci-dessous, un longue enquête :
    Les « aliènés » morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’occupation
    http://www.mensongepsy.com/fr/2010/01/les-%C2%AB-alienes-%C2%BB-morts-de-faim-dans-les-hopitaux-psychiatriques-francais-sous-l%E2%80%99occupation/

    Isabelle von Bueltzingsloewen  | mensongepsy.com | 30 janvier 2010

    Des dizaines de milliers de malades mentaux sont morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques français entre 1940 et 1945. La polémique sur cette tragédie s’est concentrée, depuis plusieurs années, sur l’hôpital lyonnais du Vinatier, où deux mille d’entre eux n’ont pas survécu aux années noires. Elle a conduit, en octobre 2000, au lancement d’une enquête confiée à une équipe de spécialistes d’histoire de la santé et d’histoire de la France de l’Occupation. Coordinatrice de cette équipe, Isabelle von Bueltzingsloewen retrace l’histoire de la polémique, avant d’exposer les préalables méthodologiques de l’enquête en cours. On ne trouvera pas ici de résultats définitifs mais le rigoureux travail de construction d’un objet de recherche, loin des raccourcis sommaires et des jugements à l’emporte-pièce.
    Le 9 décembre 1944, à l’âge de 62 ans, Pauline D. meurt à l’hôpital psychiatrique du Vinatier (Lyon/Bron). Dans le registre des décès de l’établissement figure la mention suivante : « décédée par cachexie d’origine alimentaire ». Pauline D., internée pour schizophrénie depuis 1935, fait partie d’un convoi de 68 aliénées évacuées de l’asile d’Aix-en-Provence le 5 avril 1944 [1]. Dans son dossier médical, on peut lire à la date du 5 décembre : « Signalée en 6e D(ivision) comme s’affaiblissant beaucoup. Œdèmes des membres inférieurs et des mains. On note présence d’albumine dans les urines. Très amaigrie. Cœur arythmique : on lui donne de la digitaline. Escarre dans la région lombaire ». L’état de la malade a été signalé à sa sœur, Madame D., résidant à Marseille, dans un courrier du 14 novembre dont on ne connaît pas la teneur. Madame D. a répondu par une lettre du 27 novembre dans laquelle on peut lire [2] : « Votre réponse me navre au sujet de ma sœur […] je sais bien que les restrictions et les bombardements ont fait maigrir les gens puisque tous nous y sommes passé, mais est-ce que pour ma sœur cela vient-il de cette raison ou bien est-ce l’éloignement d’avec moi qui lui procure cela, je me le demande elle avait tellement l’habitude que j’allais la voir, je lui écrit en même temps qu’à vous pour lui demander de réagir un peu et lui suggère que la guerre sera vite finie et qu’elle pourra retourner ». Bien qu’inquiète, Madame D. ne semble pas consciente de la gravité de la situation, interprétant la maigreur de sa sœur comme la manifestation d’un état dépressif. Ce n’est qu’en découvrant le corps de Pauline D. qu’elle comprend la cause de sa mort comme en témoigne une seconde lettre, datée du 18 décembre 1944, dans laquelle la douleur se mêle à une stupeur et à une colère teintées de résignation : « J’ai assisté mardi dernier 12 courant aux obsèques de ma sœur Madame D. La surveillante en chef que j’avais vue m’avait dit de vous écrire pour avoir des renseignements sur la mort de ma sœur, mais je ne viens pas vous en demander car j’ai pu voir non par le cadavre de ma sœur mais bien devant son squelette qu’elle est morte littéralement de faim ainsi que beaucoup d’autres surement, mais vous auriez pu Monsieur le Docteur, lorsque je vous demandais de ses nouvelles m’écrire dans votre bulletin son état et je serais venue la chercher au moins serait-elle morte chez moi avec un peu plus de soins. Je vous présente Monsieur le Docteur mes respects ». Cette lettre ne demeure pas sans réponse. Le docteur n’esquive pas. Il ne dément pas non plus même s’il euphémise : « Dans le bulletin de santé que je vous ai adressé vers le milieu novembre, je vous signalai l’état d’amaigrissement dans lequel se trouvait votre malade et le caractère précaire de sa santé. Il est certain que les restrictions alimentaires jointes aux conditions de vie anormales d’un long internement ont joué un rôle important. Je lui avais d’autre part trouvé dans les derniers temps quelques troubles cardiaques et elle avait présenté de l’enflure des membres inférieurs et des mains. Son état mental dans les derniers temps était resté à peu près stationnaire », écrit-il à Madame D. le 24 décembre 1944 [3].

    À la lecture du dossier de Pauline D., retrouvé dans l’un des services de l’hôpital du Vinatier, nous comprenons combien est vaine notre prétention à travailler sereinement. La rigueur prendra le pas sur l’émotion mais devra cheminer avec elle. Nous n’avons pourtant rien découvert et nous ne prétendons rien révéler. Le cas de Pauline D. nous a seulement permis, en quelques instants, de prendre la mesure d’un drame collectif dont nous étions parfaitement informée. Nous savions, avant de commencer notre enquête, que des milliers de malades mentaux étaient morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques français entre 1940 et 1945, probablement 2 000 dans le seul hôpital du Vinatier. Nous savons également, parce que nous nous intéressons à l’évolution de la psychiatrie contemporaine et que nous avons noué de nombreux contacts dans l’institution, que le sujet que nous abordons a suscité des prises de position passionnées et des conflits qui ne peuvent être réduits à des querelles de personnes. Dans cet immense établissement psychiatrique où travaillent environ 3 000 personnes, le deuxième de France, la polémique gronde depuis plus de vingt ans. Elle resurgit périodiquement sans jamais complètement retomber.

    ◦ DEUX DECENNIES DE POLEMIQUE

    En 1979, la bibliothèque municipale de Lyon présente au public une exposition consacrée à un peintre lyonnais totalement méconnu : Sylvain Fusco (1903-1940) [4]. À l’origine de cette initiative, l’Association lyonnaise pour la recherche psychologique sur l’art et la créativité qui, depuis sa fondation en 1976, rassemble, autour d’une réflexion sur le rapport de la créativité et de la psychose, des soignants en psychiatrie, des patients, des artistes et des représentants des milieux de l’art. Les années 1960 et 1970 ont été particulièrement fécondes pour le développement de l’art-thérapie et Sylvain Fusco est devenu le symbole d’un mouvement qui a pris naissance dans les années 1930, porté par une nouvelle génération de psychiatres novateurs. Atteint de schizophrénie, Fusco a été interné dans un pavillon de malades agités du Vinatier le 9 avril 1930. C’est sous l’influence du Dr André Requet, nommé médecin-chef au Vinatier en 1934, qu’il sort de sa prostration et se met à peindre, à partir de 1935, sur les murs de la cour de sa division puis sur des feuilles, un univers fantastique peuplé de femmes. Pour le Dr Requet, l’exposition de 1979 est enfin l’occasion de faire connaître l’œuvre d’un patient qu’il a particulièrement investi. Elle est aussi pour lui un important moment de témoignage. Fusco, mort le 29 décembre 1940, est en effet, selon André Requet, la première victime de la faim à l’hôpital du Vinatier. La table ronde organisée à l’issue du vernissage de l’exposition Fusco [5] ainsi qu’une longue interview, publiée dans le quotidien rhône-alpin Le Journal, donnent à ce témoin à la retraite depuis dix ans l’opportunité de raconter l’horreur : « C’était une époque horrible, à l’hospice. Les produits que nous recevions étaient absolument insuffisants pour nourrir trois mille malades. J’ai vécu des scènes affreuses comme dans les camps de concentration. Des malades se mangeaient les doigts… Ils faisaient des rêves exclusivement alimentaires. J’ai connu un malade qui a mangé tout d’un coup un colis qu’il avait reçu. Il en a fait une rupture gastrique, son estomac a éclaté, et il est mort. Ils buvaient leur urine, mangeaient leurs matières, c’était courant. Nous vivions dans une ambiance de “camp de la mort”. Il y avait une ferme dans l’hospice, elle était notoirement insuffisante pour nourrir tous les malades. Et la pauvre ration que l’on nous fournissait de l’extérieur était complètement déséquilibrée et ne pouvait pas les nourrir […] Nous étions complètement dépassés par le problème. Les malades prenaient les jambes grosses… Et, peu à peu, ils mouraient. Jusqu’en 44-45, il en est mort plus de 2 000 [6]. »
    La restitution du destin tragique d’un « peintre maudit » a donc conduit à évoquer, devant un public restreint mais en partie extérieur au milieu psychiatrique, un épisode particulièrement sombre de l’histoire du Vinatier [7]. Dans ce processus, la parole des témoins occupe une place essentielle mais le travail de mémoire qui s’engage alors est porté par des représentants des générations suivantes, en particulier la plus jeune. En octobre 1981, un interne de l’hôpital du Vinatier, Max Lafont, présente devant l’université Claude Bernard (Lyon I) une thèse de doctorat en médecine intitulée Déterminisme sacrificiel et victimisation des malades mentaux. Enquête et réflexions au sujet de la mortalité liée aux privations dans les hôpitaux psychiatriques français pendant la période de la seconde guerre mondiale. Ce travail n’est pas l’œuvre d’un franc-tireur : Max Lafont bénéficie de soutiens au sein de l’établissement dont il a pu consulter les archives – conservées sur site – ainsi qu’à la faculté de médecine où il trouve en la personne du Pr Colin, professeur de médecine légale et chef du service des urgences psychiatriques de l’hôpital Édouard Herriot (pavillon N), un directeur de thèse pour l’encourager dans sa démarche [8]. Celle-ci suscite cependant des remous puisque – fait rare – le président de l’université demande à Max Lafont de revoir ses conclusions avant d’autoriser la soutenance à l’issue de laquelle le candidat se voit finalement accorder la mention très honorable avec les félicitations du jury. Remous encore lorsque, quelques semaines plus tard, en novembre 1981, Max Lafont et des infirmiers de la cellule CFDT de l’hôpital apposent – pendant quelques minutes – sur le pilier de la grille d’entrée du Vinatier une plaque en bois perpétuant le souvenir des malades morts de faim pendant l’Occupation. Plaque sur laquelle on peut lire : « Pendant la période de guerre 1939-1945 2 000 malades sont morts de sous-alimentation, victimes de l’isolement et de l’indifférence. Afin que cesse l’oubli ». Cet acte de militantisme est couvert par la presse locale [9]. Mais la polémique n’est relayée au plan national que cinq ans plus tard, le 10 juin 1987, sur fond de procès Barbie [10], avec la publication par le quotidien Le Monde d’un long article du Dr Escoffier-Lambiotte [11] intitulé Les asiles de la mort. Quarante mille victimes dans les hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation.

    Cet article en forme de scoop est en réalité un compte rendu de la thèse de Max Lafont qui vient de paraître chez un petit éditeur issu d’un atelier thérapeutique, l’AREFPPI [12], sous un titre accrocheur L’Extermination douce. La mort de 40 000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le Régime de Vichy. « Pour la première fois, une étude complète et détaillée est publiée sur un drame peu connu de l’Occupation : la mort de nombreux malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques français, victimes du froid ou de la malnutrition. Quarante mille victimes, d’après le Dr Max Lafont, qui rend compte de cette tragédie dans un ouvrage intitulé L’Extermination douce. En Allemagne, où l’eugénisme était au cœur de l’idéologie, l’extermination fut systématique. En France, on laissa dépérir ces “non-valeurs sociales”, selon une expression de l’époque, dans l’indifférence quasi générale d’un corps médical qui y voyait là un magnifique sujet d’étude scientifique… Aujourd’hui encore, la lâcheté et l’inconscience de ces psychiatres, sous le régime de Vichy, apparaissent difficilement explicables […] grâce à l’ouvrage du Dr Lafont, un voile se lève enfin sur la conspiration du silence qui a, jusqu’à présent, régné sur cet énorme scandale », peut-on lire sous la plume du Dr Escoffier-Lambiotte.
    Lâcheté et inconscience. Ces mots très durs malmènent violemment l’image d’une catégorie de médecins qui a toujours occupé une place à part au sein du corps médical. Les réactions sont d’autant plus vives que la diffusion de la thèse de M. Lafont était restée quasi confidentielle et que la plupart des psychiatres n’en ont pris connaissance qu’à travers l’exégèse radicale du Dr Escoffier-Lambiotte. Le 8 juil-let 1987, Le Monde publie quatre lettres adressées à la rédaction par des psychiatres hospitaliers [13] qui témoignent de la virulence du débat qui agite alors le milieu psychiatrique [14]. L’une d’elles rend compte du profond désarroi qui frappe une grande partie de ses représentants, soucieux de disculper leurs aînés qui ont parfois été leurs maîtres : « Mais que pouvaient-ils faire ? Démissionner ? Défiler sur la voie publique ? S’immoler ? C’est mal prendre en compte le climat de l’époque. Ce que je peux affirmer, c’est qu’ils n’ont pas abandonné leurs malades aux heures dramatiques… », écrit ainsi le Dr Pierre Flot, interne à l’hôpital psychiatrique de Rennes de 1943 à 1945. Même indignation de la part de Charles Brisset qui écrit, dans un compte rendu du livre de M. Lafont publié dans Psychiatrie française [15] : « Eh bien non ! C’en est trop. Que les psychiatres des hôpitaux n’aient pas tous été héroïques pendant les années de guerre c’est probable. Mais d’abord certains d’entre eux sont parvenus à protéger leurs malades contre la famine. Tous ne l’ont pas pu, et les exemples effroyables du Vinatier et de Clermont-de-l’Oise méritent une étude historique véritable, qui permettrait probablement une vue sévère de certains actes. Mais qu’on ne mélange pas tout. De quel droit peut-on condamner des hommes et des faits que l’on connaît insuffisamment, par l’éclairage de cette thèse, en y découvrant seulement, soigneusement triés, les faits qui permettent la dénonciation vertueuse, en oubliant ceux qui permettraient de corriger les misères du Vinatier par les “sauvetages” de Ville-Évrard ou du Puy ? Pourquoi comparer les psychiatres à l’évêque de Münster, dont la position, héroïque certes, est celle d’un pasteur, d’un homme de parole ? Il a osé parler, et sa parole était une action. La parole d’un psychiatre n’est pas celle d’un évêque. Qui l’écouterait ? ».
    La vigoureuse controverse qui vient de naître se prolonge dans les années qui suivent. Le 8e colloque de la Société Internationale d’Histoire de la Psychiatrie et de la Psychanalyse qui se tient à l’hôpital psychiatrique de la Chartreuse à Dijon le 17 novembre 1990 sur le thème « La seconde guerre mondiale. Nuit et brouillard en psychiatrie ? » [16] permet à Max Lafont de revenir sur le sens de sa démarche : « Avec un titre comme L’extermination douce il me semble n’avoir réussi qu’à réveiller la polémique […] C’est du moins l’impression qui ressort de certains commentaires m’attribuant le rôle de l’homme “par qui le scandale arrive” et à me compter parmi les détracteurs de la psychiatrie. Pour ma part, je pense seulement avoir fait la première étude un peu approfondie vis-à-vis d’un phénomène qui continuait à fonctionner comme une rumeur, alors que les paroles des témoins étaient répétées sans être entendues ou pire restaient l’objet d’un certain doute sceptique jusqu’à les accuser, eux, de n’être pas sérieux ». À Dijon, la génération des témoins est représentée par l’un des grands noms de la psychiatrie d’après guerre, Lucien Bonnafé, ancien résistant, communiste, qui a préfacé l’ouvrage de Max Lafont dans lequel il voit « une revanche sur quarante-six ans de censure » [17]. Les organisateurs de la rencontre ont également invité un représentant de la résistance gaulliste, Pierre Scherrer, médecin-directeur de l’hôpital psychiatrique d’Auxerre de 1942 à 1975. Pierre Scherrer vient de publier, aux éditions de l’atelier Alpha Bleue, un ouvrage intitulé Un hôpital sous l’Occupation qui s’appuie sur ses souvenirs mais aussi sur un travail d’archives. Sa position dans le débat tranche sur celle de Lucien Bonnafé et de Max Lafont comme en témoigne cet extrait tiré de l’introduction de son livre : « Les malades mentaux, la tempête passée, furent les plus durement frappés par les restrictions de toutes sortes, mais particulièrement alimentaires. Beaucoup moururent de faim ou de froid, et cela pendant les quatre années où l’ennemi vainqueur occupait notre sol et imposait sa loi. Récemment, certains ont “découvert” le drame des malades mentaux morts de faim et ont voulu y voir une intention délibérée “d’extermination douce” de malades irrécupérables, pour aligner la France sur l’expérience allemande de liquidation par la chambre à gaz. Ce livre, qui est un témoignage, pas seulement le récit d’un témoin mais aussi le récit d’un acteur, était écrit déjà. Je n’y ai rien changé. J’accepte et même je revendique mes responsabilités. À l’auteur d’un témoignage sur la Résistance, le général de Gaulle écrivait : “Nous avons fait ce que nous avons pu…”. Nous aussi, nous avons fait ce que nous avons pu. Je souhaite qu’en lisant ce livre le public comprenne mieux le drame que nous avons vécu [18]. »
    En mars 1996, un second colloque consacré au sort des malades mentaux pendant la guerre se tient à l’hôpital psychiatrique de Stephansfeld-Brumath [19]. Il s’agit cette fois d’étudier le cas spécifique des hôpitaux psychiatriques alsaciens et, à travers lui, d’évoquer l’extermination des malades mentaux allemands sous le nazisme. La rencontre fait suite à l’inauguration, le 5 mai 1995, dans la cour d’honneur de l’établissement d’un monument sur lequel on peut lire : « Le 5 janvier 1944, 50 malades mentaux hospitalisés à Stephansfeld furent déportés vers l’asile de Hadamar en Allemagne pour y être exterminés ; un seul en est revenu ». Le cas français est à nouveau largement évoqué, en particulier à travers les interventions de M. Lafont et de L. Bonnafé. Plusieurs communications [20] sont consacrées à la question de la responsabilité des psychiatres. L’une évoque ainsi l’itinéraire de Maurice Dide, psychiatre résistant mort à Buchenwald en mars 1944. Une autre traite du cas du petit hôpital psychiatrique de Saint-Alban en Lozère, où s’est caché, un temps, Paul Eluard, et où la mortalité des malades a pu être limitée grâce à l’engagement des médecins de l’établissement [21].

    En permettant à des points de vue divergents de s’exprimer, les rencontres de Dijon et de Brumath ont montré la capacité du milieu psychiatrique à réfléchir sur un épisode particulièrement traumatisant de son histoire. On pouvait alors penser que les tensions étaient en voie d’apaisement. Mais la polémique rebondit avec la publication, en 1998, du livre de Patrick Lemoine intitulé Droit d’asiles. Cette fois encore c’est à l’hôpital du Vinatier que se noue le conflit. Patrick Lemoine, spécialiste reconnu des maladies du sommeil et des dépressions résistantes, est en effet médecin-chef au Vinatier. Interne en même temps que M. Lafont, il a été le principal initiateur de l’exposition Fusco et de la table ronde consacrée à la guerre [22]. Dans les années qui ont suivi, il a recueilli de nombreux témoignages auprès d’anciens membres du personnel du Vinatier, médecins mais aussi représentants du personnel administratif, infirmier et technique, et a également fréquenté les archives. Sa démarche n’en est pas moins très différente de celle de Max Lafont. Patrick Lemoine veut en effet toucher le grand public et a opté pour le roman historique : Droit d’asiles relate l’histoire d’amour entre Joseph et Josette, deux infirmiers employés au Vinatier sous l’Occupation. Sa diffusion est garantie par un éditeur prestigieux, Odile Jacob, chez qui l’auteur a déjà publié un ouvrage [23].
    Odile Jacob est spécialisée dans la publication d’essais à caractère scientifique mais, précisément, le livre de Patrick Lemoine cultive l’ambiguïté puisqu’il comporte des annexes documentaires, une bibliographie et une préface, assortie de notes, dans laquelle l’auteur présente son analyse des faits. On peut notamment y lire : « Il m’a été impossible de savoir si cette extermination par la famine et le froid était dictée par Vichy, si elle était l’expression d’un seul homme, si cet homme avait été victime de circonstances difficiles, s’il était incompétent ou s’il adhérait personnellement à la politique nazie. Selon Gérard Chauvy, Angeli, le préfet de l’époque, était un homme de Laval dont l’esprit de collaboration avec les nazis ne serait plus à démontrer. Aurait-il reçu, transmis ou élaboré des directives de Berlin visant à exterminer les malades mentaux ? Je me sens incapable de répondre à cette question. Je n’ai pas trouvé trace de ce type de documents dans les archives que j’ai consultées […] Le fait que les mêmes scènes se soient répétées dans les autres hôpitaux psychiatriques publics, aussi bien en zone occupée qu’en zone libre, laisse penser que des directives pourraient avoir été données en provenance d’Allemagne où une politique d’extermination officielle des malades mentaux avait été mise en œuvre, mais que leur application aurait été faite avec plus ou moins de zèle par les diverses administrations concernées. Ce n’est absolument pas prouvé ». C’est à cette préface – à son ton autant qu’à son contenu – qui reprend la thèse de l’extermination et de l’occultation dans sa version la plus radicale [24], que réagissent les collègues de P. Lemoine au Vinatier. Reste que les difficultés de Patrick Lemoine au sein de l’établissement ne font pas obstacle au succès médiatique de Droit d’asiles qui fait l’objet de nombreux comptes rendus et articles dans la presse. Plusieurs conférences et débats sont organisés autour du livre. Patrick Lemoine intervient sur plusieurs chaînes de radio, en particulier sur France Culture, et signe un article intitulé Sinistres réminiscences dans la rubrique Débats du quotidien Libération [25] . Son livre est récompensé aux Psy d’Or 98 et reçoit le prix du roman historique.
    Cette reconnaissance médiatique est significative d’un déplacement des enjeux. Certes la virulence des discussions suscitées par le livre de P. Lemoine à l’hôpital du Vinatier montre que la question du sort des malades mentaux sous l’Occupation reste un « problème de mémoire » interne au milieu psychiatrique. Mais entre la publication de la thèse de M. Lafont et celle du roman de P. Lemoine, les relais extérieurs se sont multipliés. Sur fond de polémique autour d’Alexis Carrel [26], le sort des aliénés sous l’Occupation mobilise désormais les militants engagés sur le terrain du « devoir de mémoire ». La réédition, en septembre 2000, du livre de Max Lafont aux éditions Le Bord de l’Eau témoigne de cette évolution. L’ouvrage, qui est en fait une version profondément remaniée du texte de 1987 [27], est préfacé par Antoine Spire qui participe activement à sa promotion. Quelques mois plus tard, en mars 2001, les éditions Syllepse rééditent, dans la collection « Classiques du silence », le livre de Pierre Durand intitulé Le train des fous [28] . Cette fiction documentée, qui évoque le sort des malades de l’hôpital de Clermont-de-l’Oise sous l’Occupation, est l’œuvre d’un non-psychiatre, ancien résistant communiste déporté, président du Comité International Buchenwald-Dora. Parue en 1988 aux éditions Messidor, elle n’avait alors guère attiré l’attention. Mais en 2001 le contexte a changé. En publiant, dans sa revue Le Patriote Résistant [29], un long entretien avec le Dr Lemoine, la Fédération Nationale des Déportés, Internés et Résistants Patriotes (FNDIRP) a clairement manifesté son intérêt pour le drame des malades mentaux. Moins d’un an plus tard, le 7 avril 1999, le secrétaire d’État aux Anciens Combattants, sollicité par le maire de la ville, a inauguré, dans le cimetière de Clermont-de-l’Oise, une stèle érigée à la mémoire des 3 063 malades morts pendant la guerre à l’hôpital psychiatrique.
    La réédition du roman de Pierre Durand, long d’un peu plus de 130 pages, est précédée d’une présentation d’Armand Ajzenberg, vice-président des éditions Syllepse, intitulée « Quand 40 000 êtres humains risquent de passer du statut de “malades sans intérêt” à celui de “morts sans intérêt” » [30]. L’ouvrage comporte également deux préfaces, l’une de Patrick Tort qui a pour titre « Cris et brouillard. D’un usage sordide du contexte en histoire » et l’autre de Lucien Bonnafé qui s’intitule « Résister à l’inhumain » [31]. Présentation et préfaces couvrent plus de 40 pages. Mais surtout la sortie du livre s’accompagne du lancement d’une pétition, initiée par Ajzenberg [32], Tort, Bonnafé et Durand. Intitulé « Pour que douleur s’achève », ce texte énonce l’impératif du devoir de mémoire en ces termes : « Le temps est désormais venu pour les plus hautes autorités de l’État français d’aujourd’hui de reconnaître les responsabilités de l’État français d’hier (celui de Vichy) dans ce désastre-là, comme elles l’ont fait pour d’autres désastres ayant frappé d’autres victimes. Il est temps aussi de faire entrer l’histoire de cette hécatombe dans les programmes et les manuels scolaires destinés aux élèves des Collèges et des Lycées, pour lesquels jusqu’ici elle n’a pas d’existence. Nous demandons que soit reconnu par les plus hautes autorités françaises l’abandon à la mort, par l’État français de Vichy, des êtres humains enfermés dans les hôpitaux psychiatriques pendant la deuxième guerre mondiale en France. Nous demandons que soient situées et analysées, en terme d’idéologie globale et de système politico-institutionnel, les responsabilités relatives à ces faits. Nous demandons que ceux-ci et la mention de leurs causes assignables soient inscrits dans les programmes et les manuels scolaires. Ainsi, après une amnésie presque générale concernant les conditions de cette immense agonie, le renouvellement de drames analogues sera, nous en sommes convaincus, rendu plus difficile ».
    Disponible sur plusieurs sites Internet et publiée dans le quotidien L’Humanité du 1er mars 2001 et dans la revue Politis, la pétition est présentée par Armand Ajzenberg dans l’émission Dispute du 13 mars 2001 sur France Inter. Elle recueille la signature de nombreux professionnels de la santé mentale, psychiatres des hôpitaux et libéraux mais aussi intervenants non médecins en psychiatrie qui jusque-là avaient eu peu d’occasions de prendre position [33], de la Serpsy [34], de la Fnap-Psy [35], d’un certain nombre d’intellectuels, de responsables des principaux syndicats de gauche, du PCF et des Verts, des organisations de défense des droits de l’homme, de la FNDIRP… À l’hôpital du Vinatier, la pétition circule également. L’un des médecins de l’établissement accompagne sa signature de la mention suivante : « Nous avons en cours, à l’hôpital du Vinatier, une recherche d’historiens universitaires sur le thème de la “surmortalité” excessive des patients de notre établissement pendant la période qui correspond à votre texte ».

    ◦ L’INTERVENTION DES HISTORIENS

    Sur la quatrième de couverture de la réédition du train des fous on peut lire : « Quand en 1988 paraît Le train des fous, un éminent historien nie la responsabilité de Vichy dans ce drame. Il avance, pour l’expliquer, l’argument du contexte historique. Il lui aura fallu, cependant, pour rendre crédible son argumentation, éliminer des faits : d’abord les réticences vichystes à donner aux malades mentaux des suppléments alimentaires (représentant 1,25 calories – moins d’un gramme de pain – par Français et par jour), suppléments accordés aux malades des hôpitaux généraux. Ensuite il lui faudra éliminer les idéologies qui feront que les élites vichystes, de 1940 à 1945, aient pu, sans décrets exterminatoires, choisir la façon la plus « économique » (l’expression est d’Alexis Carrel) de traiter les fous : par la faim et le froid. Une telle manière de fabriquer l’histoire conduirait, si on l’acceptait, à ce qu’entrent dans celle du temps présent, comme « morts sans intérêt » ceux qui pendant la seconde guerre étaient « des malades sans intérêt ».
    L’historien en question est Henry Rousso auteur, en 1989, d’un compte rendu des livres de Max Lafont et de Pierre Durand publié dans la revue Vingtième Siècle dans lequel il écrit : « Il n’est pas facile de rendre compte de l’ouvrage de M. Lafont, tiré d’une thèse de médecine, et dont l’auteur avoue qu’il n’est “ni historien, ni sociologue, encore moins journaliste”. On est partagé entre l’intérêt certain que peut susciter un sujet assez original et sans conteste mal connu, et l’agacement face à un manque évident de méthode et, plus grave, la sollicitation permanente des faits en vue de soutenir une thèse radicale […] Or à aucun moment n’est analysée une quelconque politique de Vichy visant à supprimer les malades mentaux. Et pour cause, car il semble bien qu’il s’agisse là d’un pur procès d’intention et non d’une réalité […] Seul fait apparemment tangible, encore que non démontré autrement qu’avec des témoignages : les hôpitaux psychiatriques de l’époque ne reçurent pas les mêmes suppléments de rations que les hôpitaux généraux, entraînant une sous-alimentation sévère et expliquant la surmortalité de la période de l’Occupation. Pourquoi cette négligence ? À quel niveau se situe la responsabilité : l’État, le préfet, l’administration hospitalière ? Autant de questions qui restent entières, et ce ne sont ni les digressions sur la politique antijuive de Vichy (quel rapport direct ?), ni celles sur Alexis Carrel, ni même celles sur la description de la politique allemande d’euthanasie (d’ailleurs erronée : l’auteur reprend sans le critiquer le chiffre de 200 000 victimes, alors que les estimations sont de 71 000) qui peuvent tenir lieu de réponse […] Était-il besoin, en définitive, pour parler d’un problème mal connu et qui ressort visiblement plus de l’histoire de l’institution psychiatrique elle-même que de celle d’un régime politique, de reprendre des accusations datées et sans réels fondements ? Le placard vichyste est déjà bien encombré sans qu’il soit besoin de l’enrichir de nouveaux cadavres » [36].
    Lorsqu’en 1990, Claude Quétel et Olivier Bonnet, tous deux spécialistes d’histoire de la psychiatrie, sont invités à participer au colloque de Dijon, ils s’inscrivent d’emblée dans la dynamique amorcée par les historiens des « années noires » : dénoncer les faux tabous et, de façon plus large, stigmatiser les dérives, les excès et les abus de la mémoire [37]. Pour autant ils ne sous-estiment pas l’ampleur du phénomène étudié. Contraints de travailler dans l’urgence, ils mobilisent des sources nouvelles, en particulier les archives du ministère de la Santé qui leur permettent d’établir, selon une méthodologie rigoureuse, que le nombre des victimes de la faim dans les établissements psychiatriques doit être réévalué à la hausse, sans doute plus proche de 50 000 (sur un total de 76 000 morts) que de 40 000. Bien que préoccupés d’invalider la thèse exterminationniste, ils restent nuancés dans leurs conclusions : « Mais encore une fois, point d’holocauste dans tout cela. Certes, comme le fait remarquer Henry Rousso, il est toujours difficile d’établir une hiérarchie de l’horreur – et ces 76 000 morts constituent bien évidemment un phénomène horrible, comme a été horrible cette dernière guerre avec ses quelques 50 millions de morts. Toutefois, parvenus à ce stade de nos réflexions, nous nous prenons à hésiter. S’agit-il d’éclairer un point de l’histoire ou d’aller à l’encontre d’une accumulation : celle de “l’holocauste des malades mentaux” ? […] Peut-on nier par ailleurs qu’un consensus sournois se soit établi ici ou là ? Que les autorités n’aient que mollement réagi ? Que l’opinion publique, qui aujourd’hui s’effarouche si facilement, n’ait pas à l’époque inconsciemment accepté l’équation asile = mouroir ? ».
    Trois ans plus tard, alors que la polémique s’est amplifiée dans les médias, l’article de Quétel et Bonnet est cité, à titre d’expertise, par Éric Conan et Henry Rousso dans Vichy, un passé qui ne passe pas. À propos d’une émission de La Marche du siècle diffusée le 30 juin 1993 et consacrée à l’accès aux archives de la période de l’Occupation, les auteurs écrivent : « Cette livraison de La Marche du siècle a en outre évoqué un autre “tabou”, le sort des malades mentaux durant l’Occupation, en se faisant l’écho de thèses qui prétendent que des dizaines de milliers d’entre eux furent sciemment exterminés par Vichy, à l’instar des malades euthanasiés par le IIIe Reich. On a même pu entendre dans le commentaire du reportage consacré à ce sujet : “Au gouvernement de Vichy, Alexis Carrel administre une bonne part des hôpitaux psychiatriques”, une précision des réalisateurs qui relève de la pure affabulation. L’émission reprenait là aussi des thèses récentes. Non contents d’inventer un “génocide”, certains prétendent avoir trouvé son responsable en la personne du Dr Alexis Carrel, connu pour ses théories eugénistes et devenu depuis quelques années une nouvelle figure diabolique en vogue. Or Alexis Carrel n’a jamais fait partie du gouvernement de Vichy et n’a jamais eu une quelconque responsabilité à l’époque dans la politique pratiquée dans les hôpitaux psychiatriques […] Que certaines de ses théories soient nauséabondes est une chose, prétendre qu’elles ont été la cause d’un crime de masse prémédité par Vichy et occulté par la suite, alors qu’il est imaginaire, en est une autre. Cet exemple entre mille montre à quel point un programme télévisé, pourtant de valeur, peut amplifier des polémiques infondées, qui, sans les caméras, ne rencontreraient qu’un écho limité et sans conséquences, sinon dans un milieu restreint » [38].
    Armand Ajzenberg réplique, dans un article publié en 1996 dans la revue Chimères sous le titre « Drôles d’histoires : l’extermination douce » [39]. Il accuse les historiens de tricherie, leur reprochant d’attribuer la surmortalité des fous aux seules (tristes) circonstances. Le scénario est désormais classique, quasi rituel. D’un côté des historiens universitaires – nous en faisons partie – irrités voire révulsés par le manque de rigueur méthodologique, les hypothèses mal étayées, l’accumulation des erreurs, petites et grandes, la multiplication des anachronismes, l’absence de nuances, les comparaisons hasardeuses, les effets d’amalgame dont témoignent des travaux qui se présentent pourtant comme scientifiques. De l’autre des militants (faut-il rappeler que le terme n’a rien de péjoratif ?) qui récusent l’objectivité des historiens professionnels, leur reprochent leur morgue et les accusent d’être à la solde du pouvoir, jusqu’à inverser l’histoire pour transformer les bourreaux en victimes. De l’agressivité de part et d’autre, pas de véritable dialogue (est-il possible ?). Les arguments circulent néanmoins comme en témoigne la pétition de mars 2001 – dont le texte est très en retrait par rapport à tout ce que l’on a pu lire jusque-là et dans laquelle les mots d’extermination, de génocide ou d’holocauste ne sont jamais mobilisés [40].
    Reste que ce climat de confrontation a incontestablement été dommageable à la recherche. Ici, et contrairement à ce qui s’est passé récemment en Suède et en Suisse, la polémique n’a pas aiguillonné la recherche mais l’a au contraire paralysée [41]. Les historiens, qui, avant 1990, n’avaient jamais travaillé sur la question, n’ont pas poursuivi la démarche engagée par Claude Quétel et Olivier Bonnet lors du colloque de Dijon [42]. Le très faible intérêt des historiens de la santé pour la psychiatrie contemporaine constitue sans aucun doute un facteur d’explication essentiel. Du côté des spécialistes de la seconde guerre mondiale, le relais n’a pas non plus été pris : à l’irritation a succédé une abstention que reflètent les synthèses récentes consacrées à Vichy. Depuis le milieu des années 1990, plusieurs mémoires de maîtrise soutenus dans des facultés d’histoire ont certes permis d’éclairer le cas particulier de quelques établissements : celui de Saint-Égrève (Isère), celui de Saint-Alban (Lozère) et celui de Quimper [43]. Mais il s’agit de travaux dispersés qui ne s’inscrivent pas dans une véritable dynamique de recherche [44]. C’est à cette absence de dynamique que prétend remédier ce projet d’enquête qui mobilise des chercheurs spécialistes d’histoire de la santé et des chercheurs spécialistes de la France de l’Occupation [45]. Au même moment le thème inspire également des documentaristes et des cinéastes [46].

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    Devoir de mémoire envers les personnes handicapées Empty Re: Devoir de mémoire envers les personnes handicapées

    Message par bye Mer 19 Fév - 19:17

    ( suite )

    UN CADRE ORIGINAL POUR UNE ENQUETE SENSIBLE

    En 1997, une structure nouvelle voit le jour à l’hôpital du Vinatier : la FERME du Vinatier (Fondation pour l’Étude et la Recherche sur les Mémoires et l’Expression du Vinatier) [47]. Dans le cadre du programme national « Culture à l’hôpital » lancé par le ministère de la Culture, son ambition est de développer un projet culturel autour de la réhabilitation de l’ancienne ferme de l’établissement, qui tombe alors en ruine [48]. L’enjeu est de désenclaver une institution toujours symbole de fermeture voire de réclusion, et de contribuer ainsi à faire évoluer son image et celle de la pathologie mentale. Cette entreprise de démarginalisation doit passer par l’organisation de manifestations artistiques de qualité, en collaboration avec des partenaires extérieurs, qui rassembleront des patients et leur famille, des membres du personnel mais aussi des publics sans lien avec l’institution, qui pourront ainsi se familiariser avec elle dans le cadre d’une « rencontre positive ».
    Ce pari ambitieux a été tenu comme en témoignent le jumelage mis en place avec le Cinéma Les Alizés de Bron, la collaboration de la FERME avec l’ensemble des Solistes de Lyon de Bernard Tétu, sa participation à la Fête du livre de Bron, à la Fête de la musique, aux journées du patrimoine ainsi qu’à des événements lyonnais tels que la Biennale d’Art contemporain. La FERME s’est également donné pour mission de contribuer à la préservation et à la valorisation du patrimoine de l’hôpital, mission qui englobe aussi bien le sauvetage de bâtiments tels que la ferme ou la chapelle que la conservation des archives ou des objets dits patrimoniaux (matériel médical, matériel agricole, mobilier, photographies…). Mais, dès l’origine – et c’est ce qui fait son originalité par rapport à des initiatives comparables développées dans d’autres hôpitaux, psychiatriques ou généraux – le projet de la FERME a intégré une dimension scientifique. Il s’agit de mobiliser des chercheurs représentants des sciences humaines intéressés par le champ de la santé mentale afin d’accompagner l’institution dans une réflexion sur ses pratiques, sur son identité et son devenir. La création d’un conseil scientifique pluridisciplinaire qui se réunit régulièrement à l’hôpital et rassemble des psychiatres de l’établissement, des sociologues, des anthropologues et des historiens a permis de concrétiser rapidement la volonté d’ouverture du projet vers la recherche [49].
    C’est dans le cadre de ce conseil qu’est d’abord discutée l’idée d’une enquête sur la période de l’Occupation. En travaillant sur le contenu scientifique de l’exposition présentée à la FERME de novembre 1999 à juin 2000 sous le titre Sept propos sur le septième ange. Une histoire du Vinatier, la difficulté à rendre compte de cet épisode de l’histoire de l’institution a en effet été soulignée à plusieurs reprises. Les débats qui ont accompagné la réunion des « groupes mémoire », constitués dans le cadre de l’exposition afin de recueillir la « mémoire vivante » des « anciens du Vinatier », témoignent également, alors que le livre de Patrick Lemoine n’en finit pas d’agiter l’établissement, d’une volonté des personnels de clarifier les termes d’un débat qui apparaît quelque peu confus. Enfin, au cours du colloque Questions à la « révolution psychiatrique », organisé par nous-même en décembre 1999 dans le cadre du cycle de rencontres scientifiques Tumulte et silences de la psychiatrie qui accompagne l’exposition, la question de l’expérience traumatique de la guerre comme matrice des transformations spectaculaires qui ont marqué la psychiatrie française des années 1950 aux années 1970 est posée par la plupart des intervenants.
    En octobre 2000, la FERME dépose une réponse à l’appel d’offres 2000/2001 du Conseil Scientifique de la Recherche (CSR) de l’hôpital. Ce conseil, créé en 1996, a pour vocation de cofinancer, en collaboration avec des instances extérieures à l’institution, des projets de recherche en lien avec la santé mentale, y compris des recherches sans ancrage clinique relevant des sciences humaines. Dans notre cas, l’instance partenaire est le groupe de recherche « Enfermements, Marges et Société » (EMS), programme de recherche pluridisciplinaire qui dépend du ministère de la Recherche et de l’Université Jean Moulin Lyon III [50]. Notre projet, qui, par souci d’information et compte tenu de son caractère sensible, a préalablement été présenté devant le CA et la CME [51], est retenu, en même temps que cinq autres [52]. Une demande de financement complémentaire est adressée au Conseil général du Rhône. La réponse est également positive. Reste à obtenir auprès de la direction des Archives de France, après accord du directeur général de l’hôpital, les dérogations nécessaires pour consulter les archives incommunicables de l’établissement, dont une partie vient d’être transférée aux Archives départementales du Rhône [53]. La démarche prend quelques semaines. Dans le strict respect de l’anonymat des personnes, nous sommes autorisés à exploiter des sources en principe inaccessibles, l’ensemble des registres de l’hôpital (entrées, décès, mouvement…), les dossiers du personnel, les dossiers administratifs et médicaux des patients.
    Notre intervention s’inscrit donc dans un dispositif particulier. Il ne s’agit pas d’un travail de commande mais d’un partenariat hôpital/université matérialisé par la signature d’une convention de recherche qui nous permet de disposer d’une autonomie suffisante pour maîtriser nos questionnements. L’ancrage du projet dans la FERME du Vinatier est pour nous un atout majeur [54]. Il nous permet d’entrer en douceur dans une institution réputée fermée et facilite grandement nos démarches telles que le repérage des archives médicales dispersées dans l’ensemble des services de l’établissement, l’identification de témoins encore vivants… Mais surtout il correspond à notre volonté de ne pas réduire l’hôpital à un simple terrain d’étude et de nouer, à partir de notre recherche, un véritable dialogue avec ceux qui y travaillent et souhaitent se réapproprier l’histoire d’une institution dont ils se sentent partie prenante. À terme il fournira également un cadre privilégié à une réflexion sur les modalités de restitution de notre travail au-delà de la communauté scientifique, dans le milieu psychiatrique et, plus largement, dans une société qui a toujours du mal à intégrer le handicap mental. Sachant qu’étant donné le caractère éminemment polémique du sujet, d’inévitables malentendus surgiront avec ceux qui attendent que nous jouions les arbitres ou les juges… voire les psychanalystes.

    ◦ ORIENTATIONS METHODOLOGIQUES

    Notre premier objectif est de comprendre, dans le cadre d’une enquête approfondie s’appuyant sur un exemple monographique, dans quelles circonstances exactes près de 50 000 personnes sont mortes de faim dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation. Rappeler que les aliénés n’ont pas été exterminés par un régime qui aurait mis en œuvre un programme systématique de mise à mort comparable à l’opération T 4 – et à celles qui ont suivi dans les frontières du Reich – ne sera sans doute pas inutile. On sait en effet que le flou entretenu par certains articles de presse [55] nourrit les extrémismes et les sectarismes en tout genre comme en témoigne la récupération du thème par l’Église de scientologie, engagée par le biais de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme, créée en 1974, dans une entreprise agressive de disqualification de la psychiatrie [56]. Reste que les malades mentaux n’ont pas été soumis à une sorte de fatalité qui rendrait toute démarche interprétative inopérante. Certes, l’historien ne peut prétendre, de façon mécaniste, reconstituer le scénario catastrophe qui a conduit à l’hécatombe mais il peut, en requestionnant minutieusement des sources déjà analysées et en les croisant avec des nouvelles, avancer des hypothèses susceptibles de clarifier les conditions dans lesquelles un tel drame a pu se produire. Car à ce jour, beaucoup de questions restent encore sans réponse. Il faudra ainsi déterminer pourquoi les malades des hôpitaux généraux, désignés comme prioritaires à l’instar d’autres catégories de la population, ont, au moins jusqu’au début de l’année 1943, bénéficié de rations alimentaires plus élevées que les aliénés des hôpitaux psychiatriques [57]. Cette décision (prise à quel niveau ?) d’établir une distinction de statut entre malades somatiques et malades mentaux pose un problème d’interprétation que l’on ne saurait éluder. Elle renvoie au rapport de la société à la maladie mentale, rapport qui nous conduira à questionner, au-delà du contexte de l’Occupation, l’évolution de la pratique et de l’institution psychiatriques dans les décennies qui ont précédé la guerre. Sans sombrer dans un déterminisme qui conduirait à gommer l’importance du contexte politique et idéologique particulier dans lequel celui-ci prend place, il s’agit d’inscrire le drame vécu par les aliénés dans le cadre beaucoup plus large d’une histoire de la psychiatrie qui, pour le 20e siècle, reste encore à écrire.
    Il n’en faudra pas moins qualifier l’événement que constitue la mort massive des aliénés pendant la guerre et nous demander si cet événement correspond à l’acception rigoureuse des termes de génocide, d’extermination ou d’holocauste, dont l’utilisation s’est banalisée dans le débat public. Il conviendra aussi de déterminer pourquoi, dans un établissement tel que le Vinatier, qui possédait une ferme prospère et des terrains disponibles susceptibles d’être mis en culture, l’insuffisance des rations et l’impossible accès au marché noir n’ont pu être compensés par des apports caloriques supplémentaires. La question se pose également de savoir si, pour limiter l’hécatombe, l’administration et les médecins des hôpitaux psychiatriques ont tenté, lorsque le lien avait été préservé, de faire pression sur les familles pour qu’elles « récupèrent » leur malade. L’examen de la correspondance conservée dans les dossiers d’un certain nombre de patients devrait également nous permettre d’établir si, de leur côté, les familles ont fait des démarches pour demander la sortie d’un des leurs [58] et si elles ont manifesté, à l’instar de la sœur de Pauline D., sur le moment ou après la guerre, une quelconque réaction (demande d’explication, protestation…) à l’annonce de la mort d’un de leurs proches. Au vu de la forte diminution des admissions dans les hôpitaux psychiatriques entre 1939 et 1945, généralement imputée à des facteurs sanitaires ou médicaux [59], il paraît légitime de postuler que la société a développé des mécanismes de tolérance [60] vis-à-vis de la pathologie mentale qui ont permis d’éviter à un certain nombre de malades un internement qui aurait peut-être signifié une condamnation à mort. Une hypothèse qui n’est pas incompatible avec celle de l’« abandon » des aliénés. Reculer devant ce genre de contradictions équivaudrait à abdiquer devant la complexité du réel et donc à mettre en cause la finalité de la démarche historique.
    Afin de rendre compte de cette complexité, nous avons choisi de combiner trois types d’approche. Une approche statistique tout d’abord. L’évaluation de l’ampleur du drame devra être l’occasion de réfléchir, afin d’éviter l’écueil qui consiste à juxtaposer des chiffres qui ne sont pas comparables, sur la signification des indicateurs de mortalité produits pour rendre compte du phénomène. Plutôt que de nous limiter aux seuls registres des décès, nous avons choisi d’exploiter les registres d’admission (dits « livres de la loi ») de l’établissement. À partir de cette source très riche [61] nous constituerons une base de données regroupant tous les individus présents dans l’établissement au 1er janvier 1939, soit un peu moins de 2 800 personnes. Cette démarche, certes coûteuse en temps, se justifie par notre souci de ne pas limiter notre enquête aux seuls malades décédés entre 1939 et 1945 mais de comparer le profil des victimes à celui des malades survivants. On peut en effet postuler que tous les internés n’étaient pas égaux devant la faim, la conjugaison d’une fragilité biologique et d’une fragilité sociale exacerbée ayant conduit certains d’entre eux à une mort quasi certaine. Ainsi l’isolement familial, accentué par la guerre (en particulier pour les aliénés réfugiés) et probablement d’autant plus grand que l’internement était ancien, a très certainement contribué à sceller nombre de destins à un moment où le maintien de liens avec l’extérieur pouvait s’avérer vital. Une seconde base de données, dans laquelle seront recensés les malades admis au Vinatier au cours des années de guerre, permettra d’établir si les nouveaux internés présentent un profil significativement différent de la population des malades présents en 1939 et, de façon plus globale, si l’hôpital psychiatrique a changé de fonction sous l’Occupation.
    Cette démarche statistique, nécessairement désincarnée, n’a de sens que si elle se combine avec une démarche biographique. Car la mort de milliers d’aliénés dans les hôpitaux psychiatriques de la France occupée n’est pas seulement un phénomène collectif dont on peut rendre compte en alignant des taux de mortalité, aussi effroyables soient-ils. Elle est la somme de destins individuels dont l’unicité, irréductible, doit être restituée. On s’efforcera donc, à partir des dossiers administratifs et des dossiers médicaux, de reconstituer autant que faire se peut le parcours d’un certain nombre de malades internés dans l’établissement. La réflexion engagée à partir du cas de Pauline D. nous a convaincu de l’intérêt de cette approche qui nous permettra, là encore, de rendre compte de la complexité de la réalité étudiée. A priori Pauline D., dont on n’a pas encore déterminé l’origine sociale, n’a pas le profil d’une « victime désignée ». D’abord parce qu’elle ne meurt qu’en décembre 1944 alors qu’on sait qu’une très grande majorité des décès liés à la malnutrition a eu lieu entre 1941 et 1943. D’autre part parce qu’elle a gardé un lien familial fort avec sa sœur qui lui rend visite régulièrement, lui apportant peut-être de la nourriture. Ici c’est le déracinement brutal lié au transfert qui semble jouer le rôle essentiel alors que l’organisme de Pauline D. est probablement déjà très affaibli. L’histoire de Pauline D. nous conduira à considérer avec une attention particulière le cas des malades réfugiés qui constituent une population particulièrement nombreuse au Vinatier.
    Notre enquête implique enfin la mise en œuvre d’une approche comparatiste. Il faudra évidemment sortir du cadre monographique en multipliant les comparaisons avec d’autres établissements français, publics et privés. Mais il nous paraît également indispensable de regarder au-delà des frontières pour comparer la situation française, elle-même contrastée, avec celle d’autres pays occupés tels que la Norvège, les Pays-Bas ou la Belgique. Le sort réservé aux malades mentaux allemands et à ceux des pays annexés (la Pologne en particulier) devra également être documenté à l’aune des travaux les plus récents. Il faudra en outre esquisser, tout en soulignant les problèmes méthodologiques que pose ce type de démarche, une comparaison avec la première guerre mondiale. Il semble en effet que la mortalité dans les asiles français ait connu alors une forte poussée, même si celle-ci n’est pas comparable avec celle observée dans les asiles des pays soumis au blocus où les questions de ravitaillement se sont posées de façon plus aiguë, en particulier en Allemagne et en Autriche-Hongrie. Il nous semble enfin indispensable de nous intéresser au cas d’autres populations « reléguées » telles que les détenus des prisons et des camps et surtout les vieillards des hospices. En l’absence d’études sur la question, il paraît en effet légitime de s’interroger sur le devenir de cette population elle aussi vulnérable et particulièrement défavorisée par la politique de rationnement mise en œuvre par le gouvernement de Vichy.
    Le second objectif de notre travail sera de montrer comment, selon quelle chronologie et autour de quels enjeux, la « mémoire du drame » s’est progressivement construite dans le milieu psychiatrique depuis 1945. Le rôle qu’a joué la référence à la période de la guerre, fréquemment mobilisée par les pionniers de la « révolution psychiatrique », dans les mutations profondes qu’a connues l’institution psychiatrique française depuis le début des années 1950 (désaliénisme, psychothérapie institutionnelle, sectorisation…) mérite en effet d’être analysé. Incontestablement le souvenir d’une tragédie qui a démontré la faillite du système asilaire a constitué un événement fondateur pour la psychiatrie française des années 1950 et 1960. Il a nourri une dynamique de réformes qui certes avait été amorcée dans les années 1930 mais qui n’a pu s’affirmer que dans le contexte particulier de la Libération. Il faudra montrer que la résurgence du thème à partir du début des années 1980 s’inscrit dans un contexte différent. D’abord parce que Max Lafont et Patrick Lemoine sont les représentants d’une nouvelle génération de psychiatres qui n’a pas connu la guerre et qui n’a pas eu les « grands témoins » pour maîtres. D’autre part parce que la crise économique a mis fin à un climat d’optimisme qui avait marqué la psychiatrie des deux décennies précédentes et en particulier la création du secteur, aboutissement d’une mobilisation de longue durée. Dès lors l’enjeu n’est plus seulement de lutter pour la mise en œuvre d’une politique de santé mentale ambitieuse, dont l’objectif est de soigner les malades mais aussi de les réintégrer dans une société dont on espère changer le regard sur la folie. Pour les psychiatres qui, comme M. Lafont et P. Lemoine, commencent leur activité au début des années 1980, l’urgence est de défendre les acquis en dénonçant vigoureusement, sur fond de restrictions budgétaires et de rationnement des soins, les menaces qui pèsent sur un système psychiatrique considéré par certains comme le meilleur du monde. Mais aussi les dérives du mouvement de déshospitalisation et d’une « médicalisation psychotropique » qui conduit à négliger l’écoute des malades, créant ainsi les conditions d’un nouvel abandon.





    NOTES

    [1] Même s’il est encore couramment employé après cette date, le terme d’asile a officiellement été remplacé par celui d’hôpital psychiatrique par un décret du 5 avril 1937. L’asile départemental d’aliénés de Bron devient alors l’hôpital psychiatrique départemental du Vinatier. En revanche, bien que concurrencée par celle de malade, la dénomination d’aliéné reste en vigueur jusqu’en 1958.
    [2] L’orthographe, la syntaxe et la ponctuation originales ont été conservées.
    [3] Cette lettre a été recopiée dans le dossier médical de Pauline D.
    [4] 112 œuvres de Sylvain Fusco sont actuellement conservées au Musée de l’Art Brut de Lausanne.
    [5] À cette rencontre participent deux autres médecins-chefs du Vinatier en poste sous l’Occupation, Paul Balvet et Maurice Beaujard.
    [6] « L’obsession du Dr André Requet », propos recueillis par André Mure, Le Journal. Quotidien Rhône-Alpes, 9 avril 1979, p. 16. Voir aussi la biographie de Sylvain Fusco rédigée par Requet dans le catalogue de l’exposition Fusco publié en 1979 sous le titre Sylvain Fusco ou la folie des femmes.
    [7] À l’hôpital psychiatrique de Montdevergues-les-Roses, près d’Avignon, c’est le destin de Camille Claudel, décédée le 19 octobre 1943, qui conduit à s’interroger sur le sort des malades de l’établissement pendant la guerre. À Clermont-de-l’Oise, où le nombre des victimes a été particulièrement élevé, c’est Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis, servante-peintre internée en 1932 et décédée le 11 décembre 1942, qui incarne le drame vécu par les malades mentaux.
    [8] Le Pr Colin avait présidé la table ronde de l’exposition Fusco.
    [9] Voir l’article de Gérard Clavairoly dans le quotidien Le Progrès du 26 novembre 1981. Le 8 décembre de la même année, Le Progrès publie un autre article du même journaliste intitulé « Le génocide par l’oubli » qui est un compte rendu de la thèse de Lafont.
    [10] Rappelons que Klaus Barbie, jugé à Lyon, est condamné à la perpétuité le 4 juillet 1987.
    [11] À cette date le Dr Escoffier-Lambiotte est, avec Claire Brisset et Jean-Yves Nau, collaboratrice régulière du journal sur les questions de santé. Le 4 mai 1979, Le Monde avait publié un très bref compte rendu de la thèse de Lafont sous le titre « Un holocauste au Vinatier ».
    [12] Les éditions de l’AREFPPI émanent de la Fondation ?, association nantaise qui regroupe des psychanalystes de la mouvance lacanienne se réclamant du mouvement de psychothérapie institutionnelle. Cette fondation, abritée dans un château appartenant à Louis de Funès, dans la commune du Cellier près de Nantes, n’existe plus aujourd’hui.
    [13] Dont le président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux, Jean Ayme.
    [14] Voir en particulier Jean Ayme, « À propos de l’extermination douce », Bulletin du syndicat des psychiatres des hôpitaux, septembre 1987, p. 59-60. Dans sa première livraison, en février 1988, la revue Nervure publie un éditorial de Gérard Massé intitulé : « Les psychiatres ont-ils les mains sales ? ».
    [15] Charles Brisset, « Amalgame ou méconnaissance ? À propos du livre de Max Lafont : L’extermination douce. Psychiatrie française, n° 4, août-septembre 1987, p. 111-115. Charles Brisset a publié un autre compte rendu du livre de M. Lafont dans L’Évolution Psychiatrique, 52, 4, octobre 1987, p. 959-965 sous le titre « À propos de l’extermination douce de M. Lafont : un scandaleux amalgame du journal Le Monde ».
    [16] Les actes sont publiés en mars 1991 dans la revue Nervure.
    [17] Citation d’un article qu’il a publié dans Le Généraliste, 14 juillet 1987. Bonnafé avait déjà évoqué le drame à plusieurs reprises en particulier dans son livre intitulé Dans cette nuit peuplée… publié aux Éditions sociales en 1977. Un autre psychiatre issu de la résistance communiste, Sven Follin, intervient également.
    [18] Pierre Scherrer, Un hôpital sous l’Occupation, Atelier Alpha Bleue, Paris, 1989, p. 10-11. Pour des raisons de santé, Scherrer n’a pu participer au colloque.
    [19] Il est organisé par l’APREPA (Association pour la recherche en psychiatrie en Alsace) avec le soutien de l’AFPP (Association française des psychiatres de service public).
    [20] Publiées dans la livraison d’octobre 1996 de L’Information Psychiatrique.
    [21] Sachant que d’autres facteurs ont joué, en particulier l’implantation rurale de l’établissement.
    [22] C’est d’ailleurs la reproduction d’un tableau de Fusco, Le corsage vert, qui orne la première de couverture de son livre.
    [23] Publié en 1996 sous le titre Le mystère du placebo.
    [24] Une thèse que l’on retrouve sous une forme particulièrement contractée dans le dernier ouvrage de P. Lemoine publié chez Flammarion sous le titre « Je déprime, c’est grave docteur ? Comprendre et soigner la dépression ». Dans la note 22 du chapitre X (p. 85), Patrick Lemoine écrit : « Le meilleur exemple de cette agressivité extrême de la société vis-à-vis des malades mentaux est donné par la politique allemande et française au cours de la deuxième guerre mondiale qui a conduit à l’extermination de plusieurs centaines de milliers d’entre eux, soit dans les chambres à gaz, soit par la faim ».
    [25] Libération, 6 mars 1998.
    [26] Rappelons que c’est en mars 1994 qu’a eu lieu la tentative de débaptisation de la rue Alexis Carrel à Paris. Cette manifestation a été précédée par la rédaction d’une pétition. À cette date une des facultés de médecine de Lyon, aujourd’hui rebaptisée faculté de médecine Laënnec, portait encore le nom d’Alexis Carrel.
    [27] Même si le titre L’extermination douce. La cause des fous. 40 000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux sous Vichy ne diffère que très légèrement de celui du livre de 1987.
    [28] Les éditions Syllepse sont présidées par le Dr Patrick Silberstein.
    [29] Livraison de septembre 1998.
    [30] Armand Ajzenberg s’était déjà exprimé sur le sujet dans un article paru dans la revue Chimères sous le titre « Drôles d’histoires : l’extermination douce », hiver 1996, p. 135-148.
    [31] Patrick Tort et Lucien Bonnafé ont publié en commun L’homme, cet inconnu ? Alexis Carrel, Jean-Marie Le Pen et les chambres à gaz paru en 1992 aux mêmes éditions Syllepse.
    [32] Qui avait déjà lancé celle de 1993 demandant la débaptisation de la rue Alexis Carrel à Paris.
    [33] Des infirmiers surtout mais aussi des psychanalystes, psychologues, ergothérapeutes, formateurs, éducateurs et assistants sociaux. Précisons qu’un certain nombre d’infirmiers tels qu’André Roumieux et Gilbert Léon, fondateurs de la SERHEP (Société d’études et de recherches historiques en psychiatrie – hôpital de Ville-Évrard), s’intéressent depuis longtemps à la question. Plusieurs syndicats infirmiers ont signé la pétition.
    [34] Association Soin, Étude et Recherche en Psychiatrie.
    [35] Fédération Nationale des Associations de Patients et ex-patients en Psychiatrie.
    [36] Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 21, janvier-mars 1989, p. 156-157.
    [37] Voir Olivier Bonnet, Claude Quétel, « La surmortalité asilaire en France pendant l’Occupation », Nervure, IV, 2, mars 1991, p. 22-32.
    [38] Éric Conan, Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, p. 27-28.
    [39] Armand Ajzenberg, « Drôles d’histoires : l’extermination douce », op. cit.
    [40] Les rédacteurs leur ont préféré le terme d’abandon à la mort. Signalons également que le sous-titre du roman de Pierre Durand Le génocide des malades mentaux en France n’a pas été repris dans la réédition. Néanmoins, lorsqu’il présente la pétition sur France Culture, Ajzenberg parle sans nuance de « génocide des fous ».
    [41] En Suède et en Suisse la mise au jour par la presse, en 1997, du scandale de la stérilisation forcée des malades mentaux a rapidement suscité des programmes de recherche financés par des crédits publics. Sur l’enquête conduite par les historiens suisses voir Geneviève Heller, Gilles Jeanmonnod, « La stérilisation des malades et handicapés mentaux dans les cantons de Fribourg et de Genève au 20 e siècle », Revue Médicale de la Suisse Romande, 120, n° 12, décembre 2000, p. 959-966.
    [42] Depuis lors Claude Quétel a cessé de travailler sur la psychiatrie pour prendre la direction scientifique du Mémorial de Caen. Olivier Bonnet, qui achève actuellement, sous la direction d’Olivier Faure, une thèse sur le « long siècle asilaire » à travers le cas de l’hôpital psychiatrique (privé) Sainte-Marie à Clermont a publié : « De l’assistance aux malades mentaux pendant la seconde guerre mondiale : “une extermination douce ?”. L’exemple de l’hôpital psychiatrique Sainte-Marie à Clermont », dans André Gueslin, Pierre Guillaume (dir.), De la charité médiévale à la sécurité sociale, Paris, éditions de l’Atelier, 1992, p. 185-193.
    [43] Sur Saint-Égrève voir Samuel Odier, Condition d’internement des aliénés à l’hôpital psychiatrique de Saint-Égrève des années 1930 aux années 1950, mémoire soutenu en 1993 à l’université de Lyon 2 et édité par l’hôpital de Saint-Égrève en 1998. Samuel Odier achève actuellement, sous la direction d’Olivier Faure, une thèse consacrée à la fin du système asilaire dans les départements du Rhône et de l’Isère (1930-1955). Sur Saint-Alban : Marion Rochet, La vie de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère) de septembre 1939 à mai 1945, mémoire soutenu en 1993 à l’université de Saint-Étienne. Marion Rochet, qui a participé au colloque de Brumath, a publié : « Saint-Alban-sur-Limagnole : un hôpital psychiatrique pendant la guerre » (avec une note complémentaire de Lucien Bonnafé), L’Information Psychiatrique, octobre 1996, p. 758-766. Sur Saint-Alban voir également Florian Sidobre, L’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole de 1939 à 1945 : quand la psychiatrie fait de la résistance, mémoire soutenu en 1999 à l’université de Montpellier III. Sur Quimper voir Gaële Nicolas-Quénet, La vie quotidienne à l’hôpital psychiatrique de Quimper de 1938 à 1945, mémoire soutenu en 2000 à l’université de Brest. Gaële Quénet prépare actuellement, à l’université de Paris X, un DEA dans la prolongation de son travail de maîtrise.
    [44] Il en va différemment du mémoire soutenu à l’université Lumière Lyon 2 en septembre 2001 par Anne Marescaux sous le titre Vie et mort dans les hôpitaux psychiatriques pendant la seconde guerre mondiale : l’exemple de Saint-Jean-de-Dieu à Lyon. Suite à son travail, Anne Marescaux a été recrutée comme vacataire dans le cadre de notre projet.
    [45] L’équipe, coordonnée par moi-même, est constituée d’Olivier Faure (Lyon III), de Dominique Dessertine (CNRS), de Laurent Douzou (IEP de Lyon), de Dominique Veillon (IHTP) et d’Olivier Bonnet (professeur agrégé d’histoire-géographie). Elle comprend en outre deux vacataires, Laurent Teil (doctorant) et Anne Marescaux (titulaire d’une maîtrise).
    [46] En particulier Dominique Cabrera qui a déjà réalisé L’autre côté de la mer, Nadia et les hippopotames et Le lait de la tendresse humaine. Dans Folle embellie, qui devrait sortir en 2003, Dominique Cabrera a choisi de s’intéresser au destin des malades d’un hôpital psychiatrique pendant l’exode.
    [47] L’artisan du projet est Carine Delanoë-Vieux qui dirige toujours la FERME.
    [48] Comme la plupart des hôpitaux psychiatriques français de construction ancienne, l’hôpital du Vinatier, mis en service en 1876, comportait en effet une importante exploitation agricole (70 à 80 ha à la veille de la seconde guerre mondiale) qui a fonctionné jusqu’au début des années 1970. La ferme, dirigée par un chef de culture, employait des ouvriers agricoles mais la main-d’œuvre était surtout constituée de malades travailleurs (hommes et femmes) qui touchaient un pécule.
    [49] La signature, en juin 1997, d’une convention entre l’hôpital et la faculté d’anthropologie et de sociologie de l’université de Lyon 2 a en outre permis aux étudiants intéressés de faire des stages dans l’établissement.
    [50] Cette équipe de recherche, dirigée par Olivier Faure et Bernard Delpal, s’est toujours intéressée à la psychiatrie. En mars 1997, elle a invité Max Lafont à un séminaire-débat organisé autour de son livre avec pour discutant Olivier Bonnet.
    [51] Respectivement Conseil d’administration et Commission Médicale d’Établissement.
    [52] Parmi lesquels un projet intitulé Récits de la maladie par le sujet malade. Expérience et évaluation d’un dispositif thérapeutique en milieu psychiatrique et un autre qui a pour titre Recherche d’un déficit dopaminergique rétinien par l’étude de la sensibilité au contraste dans le syndrome d’impatience des membres au cours de l’éveil (SIME) et des mouvements périodiques des jambes au cours du sommeil (MPJS).
    [53] En l’occurrence les archives de la période 1876-1939. L’inventaire de ces archives vient d’être publié par les Archives départementales.
    [54] Même si la FERME est perçue par certains comme une vitrine qui permet à l’institution de dissimuler ses insuffisances et d’améliorer à bon compte son image de marque auprès du public.
    [55] Ainsi, à la suite de la publication du livre de Patrick Lemoine, l’hebdomadaire Lyon Capitale titrait en première page 2000 malades exterminés au Vinatier (livraison du 11 au 17 février 1998).
    [56] Le prosélytisme des scientologues vis-à-vis des malades mentaux et de leur famille est une réalité inquiétante. Le jour où nous organisions, à l’Institut des Sciences de l’Homme, le colloque Questions à la révolution psychiatrique, des adeptes de la secte sont venus distribuer aux participants une lettre d’information non datée dans laquelle on pouvait lire un article qui s’intitulait Le Vinatier. Un hôpital psychiatrique au passé chargé de cadavres. La brochure comprenait cinq autres articles : La psychiatrie démasquée (éditorial), Le viol, pratique trop courante chez certains psychiatres. Un psychologue lyonnais inculpé pour viols, Mauvais traitements : la triste réalité asilaire. Un cas de mort suspecte à Lyon, Le scandale des internements sous contrainte, La vérité sur les électrochocs couramment pratiqués dans les hôpitaux psychiatriques lyonnais.
    [57] Il faut en effet attendre décembre 1942 pour qu’une circulaire accorde un supplément de ration aux aliénés.
    [58] Sachant que la très grande majorité des malades relevaient du PO (placement d’office) et ne pouvaient donc sortir qu’avec l’accord du médecin et du préfet.
    [59] En particulier au recul marqué de l’alcoolisme mais aussi à la moindre tendance à la décompensation des malades en période de guerre.
    [60] Même si cette plus grande tolérance peut aussi s’expliquer par des raisons économiques, en l’occurrence le manque de main-d’œuvre, en particulier en milieu rural.
    [61] Elle contient des indications telles que l’âge du patient, son sexe, sa profession, son origine géographique (lieu de naissance et adresse), sa situation matrimoniale, la date de son internement, sa pathologie, la date de sa sortie, de son transfert ou de son décès (dans ce cas la cause du décès est toujours précisée)… mais aussi des indications sur l’évolution de sa maladie à travers les bulletins de situation établis par les médecins, sur les changements dans son statut (entré comme volontaire, un patient peut être dans un second temps placé d’office), les liens éventuels avec sa famille.
    [*]Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Lumière Lyon 2, Isabelle von Bueltzingsloewen travaille actuellement sur l’histoire de la psychiatrie au 20e siècle. Sur ce thème elle vient de publier « Révolution au quotidien, révolution du quotidien : les transformations de la pratique psychiatrique à l’hôpital du Vinatier dans les années 1950 », dans Isabelle von Bueltzingsloewen, Olivier Faure (dir.), Questions à la « révolution psychiatrique », Lyon, 2000, p. 19-36

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