Polop, une commune de la province d’Alicante qui n’avait jusqu’à ce jour pas beaucoup fait parler d’elle, s’apprête à ériger dans son cimetière une stèle honorant l’OAS, formation responsable de la mort de plus de 2 700 personnes, créée… en Espagne le 11 février 1961 avec l’aide de Ramón Serrano Súñer, organisateur de la rencontre entre Hitler et Franco le 23 octobre 1940 à Hendaye, puis entre Franco et Mussolini le 12 février 1941 à Bordighera.
L’inauguration de la stèle est prévue pour le 7 juin. Seront ainsi « gravés dans le bronze », comme l’annonce un document interne de l’Adimad, Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française, bien connue pour ses liens étroits avec l’extrême droite, les noms de :
– Jean Bastien-Thiry, ingénieur militaire, lieutenant-colonel de l’armée de l’air, organisateur de plusieurs attentats contre le général de Gaulle, dont celui du Petit-Clamart le 22 août 1962 ;
– Roger Degueldre, lieutenant du 1er régiment de parachutistes de la Légion étrangère, déserteur en décembre 1960, cofondateur avec Jean-Claude Perez des commandos Delta de l’OAS, responsables d’une centaine d’attentats à l’explosif et de nombreux assassinats, dont celui de six inspecteurs des Centres sociaux créés en Algérie par Germaine Tillion, parmi lesquels l’écrivain Mouloud Feraoun ;
– Albert Dovecar, sergent au 1er régiment de parachutistes de la Légion étrangère ayant participé au putsch d’avril 1961 puis déserté pour rejoindre Degueldre, devenu chef du commando Delta 1, responsable en particulier de la mort le 31 mai 1961 du commissaire Roger Gavoury, poignardé à son domicile algérois alors qu’il venait d’être nommé commissaire central à la suite du putsch ;
– Claude Piegts, ancien légionnaire au 1er régiment de parachutistes, membre du commando Delta 1, également responsable de l’assassinat du commissaire Gavoury, première action d’éclat avec laquelle se manifeste l’OAS.
Quatre hommes qui ont été jugés, condamnés à mort et fusillés, le 7 juin 1962 (Dovecar et Piegts), le 6 juillet 1962 (Degueldre) et le 13 mars 1963 (Bastien-Thiry). Où l’on voit que le choix de la date du 7 juin pour l’inauguration de la stèle de Polop ne doit rien au hasard… Il faut dire que, pour les membres de l’Adimad tout autant que pour Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen et nouvel élu du Parlement européen, les membres de l’OAS « sont des héros », des « résistants de l’Algérie française » comparables à ceux qui combattirent pendant l’Occupation. Que dire alors des 4 condamnés à mort et fusillés ? Des martyrs !
Selon El Periódico qui, après El Watan – « L’OAS passe les Pyrénées pour glorifier ses tueurs », édition du 20 mai – , vient de consacrer un article à cette affaire, l’érection de la stèle serait due à une initiative privée. Le maire (socialiste !) de Potop annonce très tranquillement qu’il assistera à l’inauguration. Dans cette ville qui compte autant d'habitants que l'OAS a fait de victimes, « ont trouvé refuge » une centaine de jusqu’au-boutistes de l’Algérie française (sur un total de quatre cents pour la province d’Alicante) qui sont « bien intégrés », il a justement épousé une de leurs descendants. Pour lui : « Ce n'est pas une question de gauche ou de droite, il s'agit tout simplement de placer une pierre tombale en l'honneur des disparus en Algérie, afin que les gens aient un endroit où aller pour se recueillir. » Phrase emblématique où se retrouvent le « ni droite, ni gauche » brillamment analysé par Zev Sternhell (1) et la rhétorique caractéristique d'une idéologie qui s’emploie à investir les consciences en distordant le langage et en inversant les valeurs (2). Dans le même registre, sur le document de l’Adimad évoqué ci-dessus, qui n’est autre qu’une invitation signée de son président Jean-François Collin – ancien conseiller municipal FN de la ville de Hyères, nommé en 2011 chevalier de la Légion d'honneur, nomination annulée en 2013 – et envoyée à tous ses membres pour qu’ils assistent à l’inauguration (non sans leur recommander la plus grande discrétion en raison des medias et des « ennemis »), il est précisé que « ce mémorial aura aussi pour vocation de remercier le peuple espagnol de l’accueil réservé aux combattants de l’Algérie française en 1962 ».
Rappelons que semblables monuments ont été installés dans plusieurs villes françaises, à la suite du premier d’entre eux, le mémorial de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, inauguré le 1er novembre 2002. En plus de l’inscription « À tous nos camarades tombés pour la défense de l’Algérie française », on trouve une mise en regard des quatre fusillés avec la date de leur mort, sans que soient évoquées les circonstances de celle-ci, avec ceux des sept manifestants morts le 24 janvier 1960 lors de la fusillade du Plateau des Glières à Alger au début de la « semaine des barricades » (3).
© DR
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Peu après, une stèle érigée dans un cimetière de Perpignan est inaugurée le 5 juillet 2003. Avec, supportée par un bloc de granit, une sculpture monumentale en bronze représentant un homme en train de s’effondrer, les mains liées à un poteau d’exécution, accompagnée de l’inscription en lettres capitales : « Aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l’Algérie française ». Des plaques portant plusieurs noms (144 en tout) sont apposées sur le socle. Avec au centre et tout à l’avant, sous l'inscription « Terre d'Algérie » en lettres d'or et mis en valeur par la symétrie de l’ensemble et la sculpture qui les domine dont ils semblent constituer la légende, ceux superposés de Bastien-Thiry, Degueldre, Dovecar et Piegts.
© M. Dandelot
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Sa jumelle est installée en 2005 dans le cimetière de Marignane sur une parcelle généreusement donnée par le maire Daniel Simonpiéri.
© Adimad
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Démantelée en 2008 après le jugement du tribunal administratif de Marseille, (voir ici et là), elle a été réinstallée trois ans plus tard après de légères modifications des inscriptions flanquant la sculpture en bronze.
© DR
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Enfin, un troisième bronze identique a été plus récemment apposé sur un mur dans l’enceinte d’un lieu privé, la Maison Maréchal Juin ou Maison des rapatriés d’Aix-en-Provence et inauguré le 7 juin 2013 par la maire Maryse Joissains-Masini. Jean-François Picheral, membre du parti socialiste, qui était maire d'Aix-en-Provence avant Mme Joissains-Masini et avait soutenu le projet de cette Maison, était présent lors de cette cérémonie.
© S. Mercier
© S. Mercier
Ce jour-là, la plaque nommant les quatre condamnés à mort n'était pas sur le mur. Elle a été ajoutée ensuite.
On trouve d'autres monuments à la gloire de ces assassins. Par exemple, dans le cimetière de Béziers, où figurent les quatre noms.
© La Dépêche
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Ou à Nice, square Alsace-Lorraine, avec une stèle dédiée à Roger Degueldre « symbole de l’Algérie française ».
© DR
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Et il semble qu'il y ait aujourd'hui le projet d'une nouvelle stèle à Saint-Raphaël, « en hommage à ceux qui sont tombés pour que vive la France en Algérie ».
Cependant, il ressort de l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2011 – suite à la demande de l’Adimad que soit annulé l’arrêt du 23 avril 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille avait rejeté sa requête en annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2008 – que : « Est illégale la délivrance par un maire d'une autorisation d'occuper pendant quinze ans un emplacement dans un cimetière en vue d'y installer une stèle ne constituant pas un simple monument commémoratif à la mémoire de personnes défuntes mais manifestant une prise de position politique et procédant à l'apologie de faits criminels, dès lors qu'elle permet l'occupation du domaine public communal pour un usage qui, d'une part, n'est pas compatible avec la destination normale d'un cimetière et, d'autre part, est de nature à entraîner des troubles à l'ordre public. »
C'est sans doute l'une des raisons qui ont poussé l’Adimad à s'aventurer de l’autre côté des Pyrénées. Plusieurs indices laissent à penser qu'une sculpture identique à celles de Perpignan, Marignane et Aix-en-Provence ornera la stèle de Polop. Selon le journaliste d'El Periódico qui a interrogé les autorités françaises sur la signification de cet acte et ses conséquences, le porte-parole de l’ambassade de France à Madrid a confirmé qu'il s'agit d'une initiative « entièrement privée » et précisé que « les autorités françaises n’y sont aucunement associées ». Faut-il se contenter de mots qui ne rassureront que ceux qui refusent de voir ce qui est en train d’advenir dans cette Europe de l’Ouest qui pensait en avoir fini avec ses fantômes ? Ne peut-on espérer une intervention ferme du gouvernement français avant la date du 7 juin ?
Pour Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) et fils du commissaire assassiné en mai 1961 : « le contexte des élections européennes invite à réfléchir sur le sens et la portée d’un projet hispanique de stèle à la gloire de l’OAS, dont la conception même ne doit rien au hasard. Au cours de ces quarante dernières années, le monumentalisme antirépublicain a frappé la partie française du littoral méditerranéen depuis Nice jusqu’à Perpignan. S’il vise aujourd’hui l’Espagne, ce n’est pas dans une perspective de réhabilitation supranationale de quelques assassins que la justice et l’histoire ont définitivement proscrits. Ce n’est pas non plus dans un esprit de retour aux sources de l’OAS, née au cœur de l’Espagne franquiste en février 1961. C’est en réalité pour établir précisément en face de l’Algérie plus qu’une continuité revancharde, un véritable front de la renaissance du fascisme ».
Liens : http://www.elperiodico.com/es/noticias/internacional/espana-acoge-monumento-homenaje-terroristas-franceses-3284990
http://www.elwatan.com/hebdo/france/l-oas-passe-les-pyrenees-pour-glorifier-ses-tueurs-20-05-2014-257858_155.php
(1) Zev Sternhell, Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France, réédité avec une nouvelle préface en 2013. Voir l’article de Jacques Dubois dans l’édition Bookclub.
(2) Cf. la citation d’Amos Oz faite par Taky Varsö en commentaire d’un billet récent de Daniel Salvatore Schiffer : « C'est la distorsion du langage qui a pavé la voie “de l'extermination des juifs”. Des générations avant la naissance de Hitler, les auteurs de massacres savaient déjà qu'il faut corrompre les mots avant de corrompre ceux qui les emploient, afin de rendre les gens capables d'assassiner en guise de purification, de nettoyage, de guérison » Amos Oz, Les Deux Morts de ma grand-mère.
(3) Voir sur le site d’Henri Pouillot, infatigable traqueur des hommages aux assassins et tortionnaires de l’OAS.
http://blogs.mediapart.fr/blog/anne-guerin-castell/300514/cinquante-trois-ans-apres-l-oas-l-honneur-en-espagne
L’inauguration de la stèle est prévue pour le 7 juin. Seront ainsi « gravés dans le bronze », comme l’annonce un document interne de l’Adimad, Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française, bien connue pour ses liens étroits avec l’extrême droite, les noms de :
– Jean Bastien-Thiry, ingénieur militaire, lieutenant-colonel de l’armée de l’air, organisateur de plusieurs attentats contre le général de Gaulle, dont celui du Petit-Clamart le 22 août 1962 ;
– Roger Degueldre, lieutenant du 1er régiment de parachutistes de la Légion étrangère, déserteur en décembre 1960, cofondateur avec Jean-Claude Perez des commandos Delta de l’OAS, responsables d’une centaine d’attentats à l’explosif et de nombreux assassinats, dont celui de six inspecteurs des Centres sociaux créés en Algérie par Germaine Tillion, parmi lesquels l’écrivain Mouloud Feraoun ;
– Albert Dovecar, sergent au 1er régiment de parachutistes de la Légion étrangère ayant participé au putsch d’avril 1961 puis déserté pour rejoindre Degueldre, devenu chef du commando Delta 1, responsable en particulier de la mort le 31 mai 1961 du commissaire Roger Gavoury, poignardé à son domicile algérois alors qu’il venait d’être nommé commissaire central à la suite du putsch ;
– Claude Piegts, ancien légionnaire au 1er régiment de parachutistes, membre du commando Delta 1, également responsable de l’assassinat du commissaire Gavoury, première action d’éclat avec laquelle se manifeste l’OAS.
Quatre hommes qui ont été jugés, condamnés à mort et fusillés, le 7 juin 1962 (Dovecar et Piegts), le 6 juillet 1962 (Degueldre) et le 13 mars 1963 (Bastien-Thiry). Où l’on voit que le choix de la date du 7 juin pour l’inauguration de la stèle de Polop ne doit rien au hasard… Il faut dire que, pour les membres de l’Adimad tout autant que pour Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen et nouvel élu du Parlement européen, les membres de l’OAS « sont des héros », des « résistants de l’Algérie française » comparables à ceux qui combattirent pendant l’Occupation. Que dire alors des 4 condamnés à mort et fusillés ? Des martyrs !
Selon El Periódico qui, après El Watan – « L’OAS passe les Pyrénées pour glorifier ses tueurs », édition du 20 mai – , vient de consacrer un article à cette affaire, l’érection de la stèle serait due à une initiative privée. Le maire (socialiste !) de Potop annonce très tranquillement qu’il assistera à l’inauguration. Dans cette ville qui compte autant d'habitants que l'OAS a fait de victimes, « ont trouvé refuge » une centaine de jusqu’au-boutistes de l’Algérie française (sur un total de quatre cents pour la province d’Alicante) qui sont « bien intégrés », il a justement épousé une de leurs descendants. Pour lui : « Ce n'est pas une question de gauche ou de droite, il s'agit tout simplement de placer une pierre tombale en l'honneur des disparus en Algérie, afin que les gens aient un endroit où aller pour se recueillir. » Phrase emblématique où se retrouvent le « ni droite, ni gauche » brillamment analysé par Zev Sternhell (1) et la rhétorique caractéristique d'une idéologie qui s’emploie à investir les consciences en distordant le langage et en inversant les valeurs (2). Dans le même registre, sur le document de l’Adimad évoqué ci-dessus, qui n’est autre qu’une invitation signée de son président Jean-François Collin – ancien conseiller municipal FN de la ville de Hyères, nommé en 2011 chevalier de la Légion d'honneur, nomination annulée en 2013 – et envoyée à tous ses membres pour qu’ils assistent à l’inauguration (non sans leur recommander la plus grande discrétion en raison des medias et des « ennemis »), il est précisé que « ce mémorial aura aussi pour vocation de remercier le peuple espagnol de l’accueil réservé aux combattants de l’Algérie française en 1962 ».
Rappelons que semblables monuments ont été installés dans plusieurs villes françaises, à la suite du premier d’entre eux, le mémorial de Théoule-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, inauguré le 1er novembre 2002. En plus de l’inscription « À tous nos camarades tombés pour la défense de l’Algérie française », on trouve une mise en regard des quatre fusillés avec la date de leur mort, sans que soient évoquées les circonstances de celle-ci, avec ceux des sept manifestants morts le 24 janvier 1960 lors de la fusillade du Plateau des Glières à Alger au début de la « semaine des barricades » (3).
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Peu après, une stèle érigée dans un cimetière de Perpignan est inaugurée le 5 juillet 2003. Avec, supportée par un bloc de granit, une sculpture monumentale en bronze représentant un homme en train de s’effondrer, les mains liées à un poteau d’exécution, accompagnée de l’inscription en lettres capitales : « Aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l’Algérie française ». Des plaques portant plusieurs noms (144 en tout) sont apposées sur le socle. Avec au centre et tout à l’avant, sous l'inscription « Terre d'Algérie » en lettres d'or et mis en valeur par la symétrie de l’ensemble et la sculpture qui les domine dont ils semblent constituer la légende, ceux superposés de Bastien-Thiry, Degueldre, Dovecar et Piegts.
© M. Dandelot
© M. Dandelot
Sa jumelle est installée en 2005 dans le cimetière de Marignane sur une parcelle généreusement donnée par le maire Daniel Simonpiéri.
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Démantelée en 2008 après le jugement du tribunal administratif de Marseille, (voir ici et là), elle a été réinstallée trois ans plus tard après de légères modifications des inscriptions flanquant la sculpture en bronze.
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Enfin, un troisième bronze identique a été plus récemment apposé sur un mur dans l’enceinte d’un lieu privé, la Maison Maréchal Juin ou Maison des rapatriés d’Aix-en-Provence et inauguré le 7 juin 2013 par la maire Maryse Joissains-Masini. Jean-François Picheral, membre du parti socialiste, qui était maire d'Aix-en-Provence avant Mme Joissains-Masini et avait soutenu le projet de cette Maison, était présent lors de cette cérémonie.
© S. Mercier
© S. Mercier
Ce jour-là, la plaque nommant les quatre condamnés à mort n'était pas sur le mur. Elle a été ajoutée ensuite.
On trouve d'autres monuments à la gloire de ces assassins. Par exemple, dans le cimetière de Béziers, où figurent les quatre noms.
© La Dépêche
© La Dépêche
Ou à Nice, square Alsace-Lorraine, avec une stèle dédiée à Roger Degueldre « symbole de l’Algérie française ».
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Et il semble qu'il y ait aujourd'hui le projet d'une nouvelle stèle à Saint-Raphaël, « en hommage à ceux qui sont tombés pour que vive la France en Algérie ».
Cependant, il ressort de l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2011 – suite à la demande de l’Adimad que soit annulé l’arrêt du 23 avril 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille avait rejeté sa requête en annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2008 – que : « Est illégale la délivrance par un maire d'une autorisation d'occuper pendant quinze ans un emplacement dans un cimetière en vue d'y installer une stèle ne constituant pas un simple monument commémoratif à la mémoire de personnes défuntes mais manifestant une prise de position politique et procédant à l'apologie de faits criminels, dès lors qu'elle permet l'occupation du domaine public communal pour un usage qui, d'une part, n'est pas compatible avec la destination normale d'un cimetière et, d'autre part, est de nature à entraîner des troubles à l'ordre public. »
C'est sans doute l'une des raisons qui ont poussé l’Adimad à s'aventurer de l’autre côté des Pyrénées. Plusieurs indices laissent à penser qu'une sculpture identique à celles de Perpignan, Marignane et Aix-en-Provence ornera la stèle de Polop. Selon le journaliste d'El Periódico qui a interrogé les autorités françaises sur la signification de cet acte et ses conséquences, le porte-parole de l’ambassade de France à Madrid a confirmé qu'il s'agit d'une initiative « entièrement privée » et précisé que « les autorités françaises n’y sont aucunement associées ». Faut-il se contenter de mots qui ne rassureront que ceux qui refusent de voir ce qui est en train d’advenir dans cette Europe de l’Ouest qui pensait en avoir fini avec ses fantômes ? Ne peut-on espérer une intervention ferme du gouvernement français avant la date du 7 juin ?
Pour Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) et fils du commissaire assassiné en mai 1961 : « le contexte des élections européennes invite à réfléchir sur le sens et la portée d’un projet hispanique de stèle à la gloire de l’OAS, dont la conception même ne doit rien au hasard. Au cours de ces quarante dernières années, le monumentalisme antirépublicain a frappé la partie française du littoral méditerranéen depuis Nice jusqu’à Perpignan. S’il vise aujourd’hui l’Espagne, ce n’est pas dans une perspective de réhabilitation supranationale de quelques assassins que la justice et l’histoire ont définitivement proscrits. Ce n’est pas non plus dans un esprit de retour aux sources de l’OAS, née au cœur de l’Espagne franquiste en février 1961. C’est en réalité pour établir précisément en face de l’Algérie plus qu’une continuité revancharde, un véritable front de la renaissance du fascisme ».
Liens : http://www.elperiodico.com/es/noticias/internacional/espana-acoge-monumento-homenaje-terroristas-franceses-3284990
http://www.elwatan.com/hebdo/france/l-oas-passe-les-pyrenees-pour-glorifier-ses-tueurs-20-05-2014-257858_155.php
(1) Zev Sternhell, Ni droite, ni gauche. L’idéologie fasciste en France, réédité avec une nouvelle préface en 2013. Voir l’article de Jacques Dubois dans l’édition Bookclub.
(2) Cf. la citation d’Amos Oz faite par Taky Varsö en commentaire d’un billet récent de Daniel Salvatore Schiffer : « C'est la distorsion du langage qui a pavé la voie “de l'extermination des juifs”. Des générations avant la naissance de Hitler, les auteurs de massacres savaient déjà qu'il faut corrompre les mots avant de corrompre ceux qui les emploient, afin de rendre les gens capables d'assassiner en guise de purification, de nettoyage, de guérison » Amos Oz, Les Deux Morts de ma grand-mère.
(3) Voir sur le site d’Henri Pouillot, infatigable traqueur des hommages aux assassins et tortionnaires de l’OAS.
http://blogs.mediapart.fr/blog/anne-guerin-castell/300514/cinquante-trois-ans-apres-l-oas-l-honneur-en-espagne