Hépatite C : bras de fer sur le coût du nouveau traitement
http://www.lesechos.fr/economie-france/social/0203790867498-hepatite-c-bras-de-fer-sur-le-cout-du-nouveau-traitement-1045032.php
Solveig Godeluck / Journaliste | Le 22/09 à 06:00, mis à jour à 14:51
Le Sovaldi permet de soigner 9 cas sur 10 d'hépatite C. Mais la cure coûte très cher. - Photo MCT/Zuma/Réa
Le médicament Sovaldi de Gilead a déjà coûté plus de 300 millions d’euros à la Sécurité sociale.
Les ministres de la Santé européens cherchent une stratégie commune.
C’est un début de coalition européenne pour freiner les appétits de la firme pharmaceutique Gilead. Aujourd’hui et demain à Milan se tient une réunion informelle des ministres de la Santé. Ils doivent se pencher sur la question épineuse du Sovaldi. Ce médicament miracle permet de soigner 9 cas sur 10 d’hépatite C. En France, son « service médical rendu » a obtenu la deuxième meilleure note sur une échelle de 5. Les traitements précédents permettaient de guérir en moyenne un patient sur trois.
Mais il y a un hic : une cure de Sovaldi, qui dure trois mois, coûte cher. En Allemagne, c’est 49.000 euros, en Angleterre 44.000 euros. En France, c’est même 56.000 euros par patient, selon les termes de l’autorisation temporaire d’utilisation. La charge pour l’Assurance-maladie a déjà dépassé 300 millions d’euros depuis sa mise sur le marché au début de l’année. Pour cette année, l’Assurance-maladie s’attend à 15.000 patients sous Sovaldi, soit une dépense supérieure à 800 millions d’euros, alors que l’ensemble du budget médicaments en France est de 24 milliards d’euros… Le temps où le médicament était le bon élève de la maîtrise des dépenses de santé risque de prendre fin cette année avec Gilead.
La négociation sur le prix permanent du Sovaldi est en cours avec le Comité économique des produits de santé. L’Assurance-maladie espérait encore en juillet un tarif de 15.000 à 25.000 euros. D’autant que Pharmasset, la société qui a développé ce traitement et qui a été rachetée en 2012 par Gilead, pensait initialement commercialiser ce médicament pour 18.000 euros par patient. Le nouveau propriétaire qui pèse 160 milliards de dollars en Bourse et dont l’action a grimpé de 41 % cette année, a visiblement revu à la hausse ce tarif....
Version générique dans les pays en développement
Mais le socialiste Gérard Bapt compte bien semer le désordre dans cette stratégie. Vendredi, le député membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a envoyé un courrier au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Il lui demande d’expliquer pourquoi le médicament concurrent, l’association Viekirax et Exviera du laboratoire AbbVie, n’a toujours pas obtenu son autorisation temporaire en France, alors que les deux produits « sont d’efficience comparable pour les patients, avec un taux de guérison de 90 à 100 % ». Il faut croire AbbVie sur parole, puisque, pour l’instant, ce médicament est encore en attente d’homologation aux Etats-Unis et en Europe. Gérard Bapt espère que la concurrence fera baisser le prix du Sovaldi. Au cas où l’option Viekirax ne serait pas retenue, le parlementaire réclame une « licence obligatoire » pour le Sovaldi.
De son côté, Gilead assure faire payer les riches pour aider les pauvres. Il a autorisé une version générique de son produit dans 91 pays en développement – coût : 300 dollars par mois en Inde. De plus, certaines études montrent que les traitements précédents étaient moins chers (36.000 euros), sauf si on les rapportait au taux de guérison : 100.000 euros contre 65.000 euros pour Sovaldi. « Si le coût était amorti sur toute la durée de la vie ou sur vingt ou trente ans, le coût de traitement par année serait de l’ordre de 2.000 euros par an, et le débat actuel n’aurait pas lieu », ajoute Michel Joly, qui dirige Gilead France. Mais qui voit si loin ?
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Solveig Godeluck / Journaliste | Le 22/09 à 06:00, mis à jour à 14:51
Le Sovaldi permet de soigner 9 cas sur 10 d'hépatite C. Mais la cure coûte très cher. - Photo MCT/Zuma/Réa
Le médicament Sovaldi de Gilead a déjà coûté plus de 300 millions d’euros à la Sécurité sociale.
Les ministres de la Santé européens cherchent une stratégie commune.
C’est un début de coalition européenne pour freiner les appétits de la firme pharmaceutique Gilead. Aujourd’hui et demain à Milan se tient une réunion informelle des ministres de la Santé. Ils doivent se pencher sur la question épineuse du Sovaldi. Ce médicament miracle permet de soigner 9 cas sur 10 d’hépatite C. En France, son « service médical rendu » a obtenu la deuxième meilleure note sur une échelle de 5. Les traitements précédents permettaient de guérir en moyenne un patient sur trois.
Mais il y a un hic : une cure de Sovaldi, qui dure trois mois, coûte cher. En Allemagne, c’est 49.000 euros, en Angleterre 44.000 euros. En France, c’est même 56.000 euros par patient, selon les termes de l’autorisation temporaire d’utilisation. La charge pour l’Assurance-maladie a déjà dépassé 300 millions d’euros depuis sa mise sur le marché au début de l’année. Pour cette année, l’Assurance-maladie s’attend à 15.000 patients sous Sovaldi, soit une dépense supérieure à 800 millions d’euros, alors que l’ensemble du budget médicaments en France est de 24 milliards d’euros… Le temps où le médicament était le bon élève de la maîtrise des dépenses de santé risque de prendre fin cette année avec Gilead.
La négociation sur le prix permanent du Sovaldi est en cours avec le Comité économique des produits de santé. L’Assurance-maladie espérait encore en juillet un tarif de 15.000 à 25.000 euros. D’autant que Pharmasset, la société qui a développé ce traitement et qui a été rachetée en 2012 par Gilead, pensait initialement commercialiser ce médicament pour 18.000 euros par patient. Le nouveau propriétaire qui pèse 160 milliards de dollars en Bourse et dont l’action a grimpé de 41 % cette année, a visiblement revu à la hausse ce tarif....
Version générique dans les pays en développement
Mais le socialiste Gérard Bapt compte bien semer le désordre dans cette stratégie. Vendredi, le député membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a envoyé un courrier au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Il lui demande d’expliquer pourquoi le médicament concurrent, l’association Viekirax et Exviera du laboratoire AbbVie, n’a toujours pas obtenu son autorisation temporaire en France, alors que les deux produits « sont d’efficience comparable pour les patients, avec un taux de guérison de 90 à 100 % ». Il faut croire AbbVie sur parole, puisque, pour l’instant, ce médicament est encore en attente d’homologation aux Etats-Unis et en Europe. Gérard Bapt espère que la concurrence fera baisser le prix du Sovaldi. Au cas où l’option Viekirax ne serait pas retenue, le parlementaire réclame une « licence obligatoire » pour le Sovaldi.
De son côté, Gilead assure faire payer les riches pour aider les pauvres. Il a autorisé une version générique de son produit dans 91 pays en développement – coût : 300 dollars par mois en Inde. De plus, certaines études montrent que les traitements précédents étaient moins chers (36.000 euros), sauf si on les rapportait au taux de guérison : 100.000 euros contre 65.000 euros pour Sovaldi. « Si le coût était amorti sur toute la durée de la vie ou sur vingt ou trente ans, le coût de traitement par année serait de l’ordre de 2.000 euros par an, et le débat actuel n’aurait pas lieu », ajoute Michel Joly, qui dirige Gilead France. Mais qui voit si loin ?