Pourquoi E.ON, le géant électrique allemand, se démantèle et se recentre sur l’énergie verte
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/01/pourquoi-e-on-se-demantele-et-se-recentre-sur-l-energie-verte_4532012_3234.html
LE MONDE ECONOMIE | 01.12.2014 à 10h57 • Mis à jour le 01.12.2014 à 13h10 | Par Blandine Milcent (Berlin, correspondance)
« Un nouveau départ courageux. » Voilà comment Werner Wenning, le président du conseil de surveillance du groupe électricien allemand E.ON, a qualifié les nouvelles options stratégiques entérinées dimanche 30 novembre à Düsseldorf.
De fait, les mesures envisagées sont radicales et n’ont pas d’équivalent en Europe. E.ON projette de délaisser à terme sa production conventionnelle d’électricité pour se concentrer sur les énergies renouvelables, éolien et solaire.
Pour situer l’importance de cette décision, c’est comme si, en France, EDF se délestait de ses centrales nucléaires pour ne plus faire que de l’éolien et du photovoltaïque.
Le groupe allemand confirme par ailleurs plusieurs cessions et annonce d’importantes dépréciations.
« Le modèle d’un large éventail d’activités ne correspond plus aux défis nouveaux, a expliqué Johannes Teyssen, le PDG d’E.ON. Nous voulons nous repositionner de manière radicale. »
• Que va devenir le cœur de métier du groupe ?
Selon un communiqué publié dimanche, le premier électricien allemand a décidé de scinder ses activités pour se défaire à terme de ce qui constitue encore son cœur de métier.
Les productions conventionnelles d’électricité (gaz, charbon, négoce d’énergie et exploration) seront ainsi réunies au sein d’une entité séparée, dont les actionnaires disposeront de la majorité.
Cette entité devrait compter environ 20 000 salariés – sur un total de 60 000 au sein du groupe.
L’année 2015 sera consacrée à l’organisation d’une mise en Bourse de cette nouvelle structure qui ne porte pas encore de nom mais dont le siège sera installé en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. L’opération est prévue pour intervenir en 2016.
• Que compte faire le groupe dans le secteur des énergies renouvelables ?
Dans le même temps, l’électricien allemand va porter ses efforts sur « les énergies renouvelables, les réseaux et les solutions pour les clients ». L’accent sera mis sur l’éolien et le photovoltaïque.
Le nouveau E.ON resserré comptera 40 000 salariés. Il compte investir au total près de 5 milliards d’euros en 2015, notamment dans les réseaux intelligents en Turquie, l’un de ses nouveaux marchés avec le Brésil et la Russie, et en Europe.
• Quelles activités vont être abandonnées ?
Les activités qui ne rentreraient pas dans ce nouveau modèle d’organisation seront cédées.
Ainsi, le conseil de surveillance de l’entreprise a entériné la cession de ses actifs en Espagne et au Portugal. Ils sont vendus à l’australien Macquarie Group pour la somme de 2,5 milliards d’euros. Une opération qui était attendue.
E.ON avait déjà procédé à des cessions aux Etats-Unis et en Finlande ces derniers mois.
La vente des actifs en Italie, qui fait l’objet de spéculations depuis plusieurs mois, est également envisagée.
De même, E.ON annonce que « des options stratégiques » sont étudiées pour son département « exploration » en mer du Nord.
Conséquence de ces bouleversements, l’électricien allemand a annoncé de nouvelles dépréciations de 4,5 milliards d’euros au quatrième trimestre 2014, en plus des 700 millions déjà enregistrés entre janvier et septembre.
• Comment la nouvelle politique énergétique allemande a-t-elle influé sur les choix ?
L’Allemagne a voté la sortie du nucléaire en 2011, après la catastrophe de Fukushima, et imposé aux producteurs d’électricité (E.ON, RWE, Vattenfall et EnBW) d’éteindre définitivement leurs 17 centrales d’ici à 2022.
Elle fixait aussi comme objectif d’atteindre 80 % de la production d’électricité grâce aux renouvelables.
Le repositionnement d’E.ON illustre les difficultés rencontrées par tous les producteurs d’électricité en Allemagne en raison du tournant énergétique.
Les énergies renouvelables sont en effet toujours subventionnées outre-Rhin, même si la loi concoctée par le ministre de l’économie, Sigmar Gabriel (SPD), vise à réduire les aides de l’Etat.
Surtout, elles restent prioritaires à l’achat, ce qui continue de stimuler la production de courant.
Résultat : ces surcapacités ont fait chuter de plus d’un quart les prix sur les marchés de gros depuis le début de l’année 2013. Et les centrales fossiles des grands groupes, particulièrement les centrales au gaz mais aussi celles à charbon, sont devenues de moins en moins rentables.
• S’agit-il d’un nouveau départ ou du début de la fin pour E.ON ?
Il y a de fortes turbulences en perspective, en tout cas. E.ON, qui a par ailleurs pâti de ses activités en Russie, son marché principal à l’international, affiche aujourd’hui un endettement de 31 milliards d’euros.
Lorsqu’il était encore à la tête d’EDF en octobre, Henri Proglio avait jeté un froid outre-Rhin, avec des propos définitifs rapportés par le Financial Times sur les deux grands groupes allemands RWE et E.ON : « L’un est plus ou moins mort, l’autre va très mal. »
Lundi 1er décembre, l’action d’E.ON progressait de plus de 5 % lors des premiers échanges à la Bourse de Francfort.
• Blandine Milcent (Berlin, correspondance)
Journaliste au Monde
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LE MONDE ECONOMIE | 01.12.2014 à 10h57 • Mis à jour le 01.12.2014 à 13h10 | Par Blandine Milcent (Berlin, correspondance)
« Un nouveau départ courageux. » Voilà comment Werner Wenning, le président du conseil de surveillance du groupe électricien allemand E.ON, a qualifié les nouvelles options stratégiques entérinées dimanche 30 novembre à Düsseldorf.
De fait, les mesures envisagées sont radicales et n’ont pas d’équivalent en Europe. E.ON projette de délaisser à terme sa production conventionnelle d’électricité pour se concentrer sur les énergies renouvelables, éolien et solaire.
Pour situer l’importance de cette décision, c’est comme si, en France, EDF se délestait de ses centrales nucléaires pour ne plus faire que de l’éolien et du photovoltaïque.
Le groupe allemand confirme par ailleurs plusieurs cessions et annonce d’importantes dépréciations.
« Le modèle d’un large éventail d’activités ne correspond plus aux défis nouveaux, a expliqué Johannes Teyssen, le PDG d’E.ON. Nous voulons nous repositionner de manière radicale. »
• Que va devenir le cœur de métier du groupe ?
Selon un communiqué publié dimanche, le premier électricien allemand a décidé de scinder ses activités pour se défaire à terme de ce qui constitue encore son cœur de métier.
Les productions conventionnelles d’électricité (gaz, charbon, négoce d’énergie et exploration) seront ainsi réunies au sein d’une entité séparée, dont les actionnaires disposeront de la majorité.
Cette entité devrait compter environ 20 000 salariés – sur un total de 60 000 au sein du groupe.
L’année 2015 sera consacrée à l’organisation d’une mise en Bourse de cette nouvelle structure qui ne porte pas encore de nom mais dont le siège sera installé en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. L’opération est prévue pour intervenir en 2016.
• Que compte faire le groupe dans le secteur des énergies renouvelables ?
Dans le même temps, l’électricien allemand va porter ses efforts sur « les énergies renouvelables, les réseaux et les solutions pour les clients ». L’accent sera mis sur l’éolien et le photovoltaïque.
Le nouveau E.ON resserré comptera 40 000 salariés. Il compte investir au total près de 5 milliards d’euros en 2015, notamment dans les réseaux intelligents en Turquie, l’un de ses nouveaux marchés avec le Brésil et la Russie, et en Europe.
• Quelles activités vont être abandonnées ?
Les activités qui ne rentreraient pas dans ce nouveau modèle d’organisation seront cédées.
Ainsi, le conseil de surveillance de l’entreprise a entériné la cession de ses actifs en Espagne et au Portugal. Ils sont vendus à l’australien Macquarie Group pour la somme de 2,5 milliards d’euros. Une opération qui était attendue.
E.ON avait déjà procédé à des cessions aux Etats-Unis et en Finlande ces derniers mois.
La vente des actifs en Italie, qui fait l’objet de spéculations depuis plusieurs mois, est également envisagée.
De même, E.ON annonce que « des options stratégiques » sont étudiées pour son département « exploration » en mer du Nord.
Conséquence de ces bouleversements, l’électricien allemand a annoncé de nouvelles dépréciations de 4,5 milliards d’euros au quatrième trimestre 2014, en plus des 700 millions déjà enregistrés entre janvier et septembre.
• Comment la nouvelle politique énergétique allemande a-t-elle influé sur les choix ?
L’Allemagne a voté la sortie du nucléaire en 2011, après la catastrophe de Fukushima, et imposé aux producteurs d’électricité (E.ON, RWE, Vattenfall et EnBW) d’éteindre définitivement leurs 17 centrales d’ici à 2022.
Elle fixait aussi comme objectif d’atteindre 80 % de la production d’électricité grâce aux renouvelables.
Le repositionnement d’E.ON illustre les difficultés rencontrées par tous les producteurs d’électricité en Allemagne en raison du tournant énergétique.
Les énergies renouvelables sont en effet toujours subventionnées outre-Rhin, même si la loi concoctée par le ministre de l’économie, Sigmar Gabriel (SPD), vise à réduire les aides de l’Etat.
Surtout, elles restent prioritaires à l’achat, ce qui continue de stimuler la production de courant.
Résultat : ces surcapacités ont fait chuter de plus d’un quart les prix sur les marchés de gros depuis le début de l’année 2013. Et les centrales fossiles des grands groupes, particulièrement les centrales au gaz mais aussi celles à charbon, sont devenues de moins en moins rentables.
• S’agit-il d’un nouveau départ ou du début de la fin pour E.ON ?
Il y a de fortes turbulences en perspective, en tout cas. E.ON, qui a par ailleurs pâti de ses activités en Russie, son marché principal à l’international, affiche aujourd’hui un endettement de 31 milliards d’euros.
Lorsqu’il était encore à la tête d’EDF en octobre, Henri Proglio avait jeté un froid outre-Rhin, avec des propos définitifs rapportés par le Financial Times sur les deux grands groupes allemands RWE et E.ON : « L’un est plus ou moins mort, l’autre va très mal. »
Lundi 1er décembre, l’action d’E.ON progressait de plus de 5 % lors des premiers échanges à la Bourse de Francfort.
• Blandine Milcent (Berlin, correspondance)
Journaliste au Monde
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/12/01/pourquoi-e-on-se-demantele-et-se-recentre-sur-l-energie-verte_4532012_3234.html#HMZziQdArgfbebST.99