Des chercheurs remettent en cause le mythe d’altruisme et de générosité entourant Mère Teresa.
Le mythe d’altruisme et de générosité entourant la figure de Mère Teresa est remis en question par un article de chercheurs des Universités de Montréal et d’Ottawa, publié dans Studies in Religion/Science [1], qui est une analyse des écrits publiés sur Mère Teresa. Tout comme le journaliste et auteur Christopher Hitchens [2], d’ailleurs souvent cité dans leur analyse, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que son image sanctifiée, qui ne tient pas face à l’analyse des faits, a été construite de toutes pièces, et que sa béatification a été orchestrée par une campagne de relations publiques et médiatiques très efficaces.
"Pendant que nous analysions de la documentation sur le phénomène de l’altruisme dans le cadre d’un séminaire sur l’éthique, l’un d’entre nous est tombé sur la vie et l’œuvre d’une des femmes les plus célébrée de l’Église Catholique, et qui fait désormais partie de l’imaginaire collectif, Mère Teresa, dont le vrai nom était Agnes Gonxha", explique le Professeur Larivée, auteur de la recherche. "La description était si extasiée qu’elle a piqué notre curiosité et nous a poussé à faire plus de recherches".
À la suite de quoi les trois chercheurs ont collecté 502 documents sur la vie et l’œuvre de Mère Teresa. Après avoir éliminé 195 doublons, ils ont consulté 287 documents pour réaliser leur analyse, ce qui représente 96% de la littérature sur la fondatrice de l’Ordre des Missionnaires de la Charité. Or les faits réfutent le mythe de Mère Teresa.
Dans leur article, Serge Larivée et ses collègues ont aussi cité un certain nombre de problèmes qui n’ont pas été pris en compte par le Vatican dans leur processus de béatification de Mère Teresa, comme "sa manière plutôt douteuse de s’occuper des malades, ses contacts politiques contestables, sa gestion étrange des énormes sommes d’argent qu’elle a reçues, et ses points de vue dogmatiques concernant l’avortement, la contraception et le divorce".
Le malade doit souffrir comme le Christ sur la croix
À sa mort, Mère Teresa avait ouvert 517 missions pour accueillir les pauvres et les malades dans plus de 100 pays. Les missions ont été décrites comme étant des "mouroirs" par les docteurs qui ont visité plusieurs de ces établissements à Calcutta. Les deux-tiers des gens qui venaient dans ces missions pouvaient espérer y trouver un médecin pour les traiter, tandis que l’autre tiers restait là à mourir sans recevoir de soins appropriés. Les médecins ont observé un manque important d’hygiène, et même des conditions indignes, tout comme une pénurie de soins véritables, une mauvaise alimentation et aucuns antidouleurs.
Le problème ne venait pas d’un manque d’argent, car la Fondation créée par Mère Teresa a collecté des centaines de millions de dollars de fonds, mais plutôt d’une conception particulière de la souffrance et de la mort : "il y a quelque-chose de beau dans la vision d’un pauvre qui accepte son sort, de souffrir comme la Passion du Christ. Le monde y gagne plus par leur souffrance" constituait sa réponse aux critiques, citée par le journaliste Christopher Hitchens. Néanmoins, quand Mère Teresa a eu besoin de soins palliatifs, elle les a reçus quant à elle dans un Hôpital Américain Moderne.
Des relations politiques douteuses et une comptabilité obscure
Mère Teresa était généreuse en prières, mais plutôt avare en argent avec les millions de sa fondation quand il s’agissait de soulager la misère du monde. Durant de nombreuses inondations en Inde ou après l’explosion de l’usine de pesticides de Bhopal, elle a offert beaucoup de prières et de médaillons de la Vierge Marie, mais aucune aide monétaire directe. D’un autre côté, elle n’avait aucun scrupule à accepter la Légion d’Honneur et une subvention du dictateur d’Haïti Jean-Claude Duvalier. Des millions de dollars ont été transférés à l’Ordre des Missionnaires de la Charité sur différents comptes bancaires, mais la plupart des comptes étaient gardés secrets, dit Larivée. "Étant donné la gestion parcimonieuse de l’œuvre de Mère Teresa, on pourrait se demander où sont passés ces millions pour les plus pauvres d’entre les pauvres ?"
Le grand plan média vers la sainteté
Malgré ces faits troublants, comment Mère Teresa a-t-elle réussi à fabriquer une image de sainteté et d’infinie bonté ? Selon les trois chercheurs, sa rencontre en 1968 à Londres avec Malcom Muggeridge de la BBC, un journaliste anti-avortement qui partageait ses valeurs Catholiques d’extrême droite, a été cruciale. Muggeridge a décidé de promouvoir Teresa, qui, en conséquence, a découvert la puissance des mass media. En 1969, il fit un film élogieux de la missionnaire, en lui attribuant le "premier miracle photographique", quand il aurait dû être attribué à la nouvelle pellicule développée par Kodak !
Par la suite, Mère Teresa a voyagé à travers le monde et a reçu de nombreuses récompenses, y compris le Prix Nobel de la Paix. Dans son discours d’acceptation, à propos des femmes Bosniaques qui avaient été violées par les Serbes et qui voulaient se faire avorter, elle déclara : "je sens que la plus grande destruction de la paix de nos jours est l’avortement, parce que c’est une guerre directe, un meurtre direct de la mère elle-même".
Après sa mort, le Vatican décida de ne pas attendre la période habituelle de cinq ans avant d’ouvrir le processus en béatification. Le miracle attribué à Mère Teresa était celui de la guérison d’une femme, Monica Besra, qui souffrait d’intenses douleurs abdominales. La femme a certifié qu’elle avait été guérie après qu’un médaillon béni par Mère Teresa ait été placé sur son abdomen. Ses docteurs pensaient tout autrement : le kyste de l’ovaire et la tuberculose dont elle souffrait ont été guéris par les médicaments qu’ils lui avaient délivrés.
Néanmoins, le Vatican a conclu qu’il s’agissant d’un miracle. La popularité de Mère Teresa était telle qu’elle est devenue intouchable pour la population qui l’avait déjà béatifiée. "Qu’est-ce qui pouvait y avoir de mieux qu’une béatification suivie par une canonisation de ce genre pour revitaliser l’Église et diffuser la foi, tout spécialement à une époque où les églises se vidaient et où l’autorité Romaine était en déclin ?" demandent les chercheurs.
L’effet positif du mythe de Mère Teresa
Malgré la façon obscure qu’avait Mère Teresa de prendre soin des malades en glorifiant leur douleur plutôt qu’en la soulageant, Serge Larivé et ses collègues notent un effet positif du mythe de Mère Teresa : "si l’image extraordinaire de Mère Teresa qui s’est communiquée dans l’imaginaire collectif a encouragé de nombreuses initiatives humanitaires qui se sont réellement engagées avec ceux écrasés par la pauvreté, nous ne pouvons que nous réjouir. Il est probable qu’elle ait inspiré de nombreux travailleurs humanitaires dont les actions ont vraiment soulagé les gens qui souffrent et les plus démunis, et qui ont abordé les causes de la pauvreté et de l’isolation sans avoir été exaltés par les médias. Néanmoins, la couverture médiatique de Mère Teresa aurait pu avoir été un petit peu plus rigoureuse".
http://www.charlatans.info/news/Mere-Teresa-tout-sauf-une-sainte
Le mythe d’altruisme et de générosité entourant la figure de Mère Teresa est remis en question par un article de chercheurs des Universités de Montréal et d’Ottawa, publié dans Studies in Religion/Science [1], qui est une analyse des écrits publiés sur Mère Teresa. Tout comme le journaliste et auteur Christopher Hitchens [2], d’ailleurs souvent cité dans leur analyse, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que son image sanctifiée, qui ne tient pas face à l’analyse des faits, a été construite de toutes pièces, et que sa béatification a été orchestrée par une campagne de relations publiques et médiatiques très efficaces.
"Pendant que nous analysions de la documentation sur le phénomène de l’altruisme dans le cadre d’un séminaire sur l’éthique, l’un d’entre nous est tombé sur la vie et l’œuvre d’une des femmes les plus célébrée de l’Église Catholique, et qui fait désormais partie de l’imaginaire collectif, Mère Teresa, dont le vrai nom était Agnes Gonxha", explique le Professeur Larivée, auteur de la recherche. "La description était si extasiée qu’elle a piqué notre curiosité et nous a poussé à faire plus de recherches".
À la suite de quoi les trois chercheurs ont collecté 502 documents sur la vie et l’œuvre de Mère Teresa. Après avoir éliminé 195 doublons, ils ont consulté 287 documents pour réaliser leur analyse, ce qui représente 96% de la littérature sur la fondatrice de l’Ordre des Missionnaires de la Charité. Or les faits réfutent le mythe de Mère Teresa.
Dans leur article, Serge Larivée et ses collègues ont aussi cité un certain nombre de problèmes qui n’ont pas été pris en compte par le Vatican dans leur processus de béatification de Mère Teresa, comme "sa manière plutôt douteuse de s’occuper des malades, ses contacts politiques contestables, sa gestion étrange des énormes sommes d’argent qu’elle a reçues, et ses points de vue dogmatiques concernant l’avortement, la contraception et le divorce".
Le malade doit souffrir comme le Christ sur la croix
À sa mort, Mère Teresa avait ouvert 517 missions pour accueillir les pauvres et les malades dans plus de 100 pays. Les missions ont été décrites comme étant des "mouroirs" par les docteurs qui ont visité plusieurs de ces établissements à Calcutta. Les deux-tiers des gens qui venaient dans ces missions pouvaient espérer y trouver un médecin pour les traiter, tandis que l’autre tiers restait là à mourir sans recevoir de soins appropriés. Les médecins ont observé un manque important d’hygiène, et même des conditions indignes, tout comme une pénurie de soins véritables, une mauvaise alimentation et aucuns antidouleurs.
Le problème ne venait pas d’un manque d’argent, car la Fondation créée par Mère Teresa a collecté des centaines de millions de dollars de fonds, mais plutôt d’une conception particulière de la souffrance et de la mort : "il y a quelque-chose de beau dans la vision d’un pauvre qui accepte son sort, de souffrir comme la Passion du Christ. Le monde y gagne plus par leur souffrance" constituait sa réponse aux critiques, citée par le journaliste Christopher Hitchens. Néanmoins, quand Mère Teresa a eu besoin de soins palliatifs, elle les a reçus quant à elle dans un Hôpital Américain Moderne.
Des relations politiques douteuses et une comptabilité obscure
Mère Teresa était généreuse en prières, mais plutôt avare en argent avec les millions de sa fondation quand il s’agissait de soulager la misère du monde. Durant de nombreuses inondations en Inde ou après l’explosion de l’usine de pesticides de Bhopal, elle a offert beaucoup de prières et de médaillons de la Vierge Marie, mais aucune aide monétaire directe. D’un autre côté, elle n’avait aucun scrupule à accepter la Légion d’Honneur et une subvention du dictateur d’Haïti Jean-Claude Duvalier. Des millions de dollars ont été transférés à l’Ordre des Missionnaires de la Charité sur différents comptes bancaires, mais la plupart des comptes étaient gardés secrets, dit Larivée. "Étant donné la gestion parcimonieuse de l’œuvre de Mère Teresa, on pourrait se demander où sont passés ces millions pour les plus pauvres d’entre les pauvres ?"
Le grand plan média vers la sainteté
Malgré ces faits troublants, comment Mère Teresa a-t-elle réussi à fabriquer une image de sainteté et d’infinie bonté ? Selon les trois chercheurs, sa rencontre en 1968 à Londres avec Malcom Muggeridge de la BBC, un journaliste anti-avortement qui partageait ses valeurs Catholiques d’extrême droite, a été cruciale. Muggeridge a décidé de promouvoir Teresa, qui, en conséquence, a découvert la puissance des mass media. En 1969, il fit un film élogieux de la missionnaire, en lui attribuant le "premier miracle photographique", quand il aurait dû être attribué à la nouvelle pellicule développée par Kodak !
Par la suite, Mère Teresa a voyagé à travers le monde et a reçu de nombreuses récompenses, y compris le Prix Nobel de la Paix. Dans son discours d’acceptation, à propos des femmes Bosniaques qui avaient été violées par les Serbes et qui voulaient se faire avorter, elle déclara : "je sens que la plus grande destruction de la paix de nos jours est l’avortement, parce que c’est une guerre directe, un meurtre direct de la mère elle-même".
Après sa mort, le Vatican décida de ne pas attendre la période habituelle de cinq ans avant d’ouvrir le processus en béatification. Le miracle attribué à Mère Teresa était celui de la guérison d’une femme, Monica Besra, qui souffrait d’intenses douleurs abdominales. La femme a certifié qu’elle avait été guérie après qu’un médaillon béni par Mère Teresa ait été placé sur son abdomen. Ses docteurs pensaient tout autrement : le kyste de l’ovaire et la tuberculose dont elle souffrait ont été guéris par les médicaments qu’ils lui avaient délivrés.
Néanmoins, le Vatican a conclu qu’il s’agissant d’un miracle. La popularité de Mère Teresa était telle qu’elle est devenue intouchable pour la population qui l’avait déjà béatifiée. "Qu’est-ce qui pouvait y avoir de mieux qu’une béatification suivie par une canonisation de ce genre pour revitaliser l’Église et diffuser la foi, tout spécialement à une époque où les églises se vidaient et où l’autorité Romaine était en déclin ?" demandent les chercheurs.
L’effet positif du mythe de Mère Teresa
Malgré la façon obscure qu’avait Mère Teresa de prendre soin des malades en glorifiant leur douleur plutôt qu’en la soulageant, Serge Larivé et ses collègues notent un effet positif du mythe de Mère Teresa : "si l’image extraordinaire de Mère Teresa qui s’est communiquée dans l’imaginaire collectif a encouragé de nombreuses initiatives humanitaires qui se sont réellement engagées avec ceux écrasés par la pauvreté, nous ne pouvons que nous réjouir. Il est probable qu’elle ait inspiré de nombreux travailleurs humanitaires dont les actions ont vraiment soulagé les gens qui souffrent et les plus démunis, et qui ont abordé les causes de la pauvreté et de l’isolation sans avoir été exaltés par les médias. Néanmoins, la couverture médiatique de Mère Teresa aurait pu avoir été un petit peu plus rigoureuse".
http://www.charlatans.info/news/Mere-Teresa-tout-sauf-une-sainte