Convaincus de disposer de plus de devoirs que de droits, les surveillants déballent leur malaise. Un mal-être conforté par l’actualité récente.
« Lorsque j'ai débuté dans le métier, il y avait des formations, on nous valorisait… On avait l'impression d'être utile », se remémore Cédric (*)… Avant de poursuivre, amer : « Aujourd'hui on est des porte-clefs ambulants. On va ouvrir les portes le matin, et on les fermera le soir. On ne sert plus à rien ! »
Désemparés. Un sentiment d'impuissance renforcé par les évolutions de la réglementation. « On ne fait plus de fouille de cellule, c'est interdit. On ne fouille plus à la sortie des parloirs, ni les retours de permission. Du coup, ça trafique plein pot ! La nuit, ça sent le chichon à tous les étages. On se fait insulter. Les petites frappes, sous l'effet de la drogue ne nous respectent plus. »
Perte d'autorité. Affaiblis sur leurs moyens d'action, les surveillants ont vu leur autorité mise à mal. Remonté, Philippe, surveillant à la maison d'arrêt, ne mâche pas ses mots. « Taubira nous a pourris. Elle nous enlève nos droits pour les donner aux détenus. L'autorité n'existe plus. Quand on sévit, ils nous rient au nez ! Avant, une insulte à agent c'était grave. Aujourd'hui c'est presque rien. Pire encore, on regarde si ce n'est pas de la faute de l'agent ! Les détenus portent plainte pour tout et n'importe quoi et leur parole est plus considérée que la nôtre. On a des collègues qui ont été arrêtés à Villefranche devant les détenus. Vous croyez qu'on va être respecté ? On se fout de notre gueule ! »
Absentéisme. Un désarroi que le déménagement au nouveau centre pénitentiaire de Riom est venu accroître. « On a pris une claque ! Des collègues ont travaillé des mois pour faire des plannings pour rien. C'est vraiment les prendre et nous prendre pour des billes ! Il va falloir que nous soyons dévoués corps et âme pour l'administration. Avec leur organisation maison, on va être rappelés sans arrêt. On ne va plus pouvoir rien prévoir. Il ne faut pas se leurrer, il va y avoir de l'absentéisme », prévient Stéphane.
À bout. Franchement agacée par certaines critiques, Élodie monte au créneau : « Lorsque j'entends dire que c'est le Club med, j'invite tous ceux qui le pensent à venir faire un petit stage ici, que l'on puisse avoir le plaisir de se faire insulter ensemble ! » Un malaise amplifié par le projet de mise en place d'une charte de bonne conduite, vécue comme une "trahison". « La charte Respecto va être instaurée sur le nouveau centre pénitentiaire. Pour faire simple, détaille Sandra, c'est un système de croix comme à l'école. Le détenu pourra nous insulter 4 à 5 fois avant d'avoir une punition ! Et il aura droit à une paire de basket s'il est sage ! »
« Le paradis
pour eux,
l'enfer pour nous »
« Le fond du fond ». Un dispositif à sens unique, qui a fini de dégoûter la jeune femme. « C'est le paradis pour eux, et l'enfer pour nous. Tous leurs droits sont affichés. Et leurs devoirs ? Ils n'ont même plus peur d'aller en prison. Quand j'ai signé, je ne savais pas trop où j'allais. Je pensais être plus considérée. On se sent au bas du bas… On a même une directrice qui a trouvé bien l'idée de mettre des patins pour entrer dans les cellules. Si là, on ne touche pas le fond du fond… »
Crainte. Seul réconfort, la solidarité. Qui, elle aussi, pourrait se retrouver mise à mal. « L'amitié que j'entretiens avec mes collègues me fait tenir. Sur le nouveau centre pénitentiaire, nous allons être très nombreux et le mess est tout petit. Tout semble avoir été organisé pour que l'on ne puisse pas se regrouper. Diviser pour mieux régner, vous connaissez ? »
(*) Tous les prénoms ont été changés pour préserver l'anonymat des agents.
Carole Eon-Groslier
carole.eon-groslier@centrefrance.com
http://www.lamontagne.fr/auvergne/actualite/2016/01/22/taubira-nous-a-pourris-les-detenus-ont-plus-de-droits-que-de-devoirs_11749120.html
« Lorsque j'ai débuté dans le métier, il y avait des formations, on nous valorisait… On avait l'impression d'être utile », se remémore Cédric (*)… Avant de poursuivre, amer : « Aujourd'hui on est des porte-clefs ambulants. On va ouvrir les portes le matin, et on les fermera le soir. On ne sert plus à rien ! »
Désemparés. Un sentiment d'impuissance renforcé par les évolutions de la réglementation. « On ne fait plus de fouille de cellule, c'est interdit. On ne fouille plus à la sortie des parloirs, ni les retours de permission. Du coup, ça trafique plein pot ! La nuit, ça sent le chichon à tous les étages. On se fait insulter. Les petites frappes, sous l'effet de la drogue ne nous respectent plus. »
Perte d'autorité. Affaiblis sur leurs moyens d'action, les surveillants ont vu leur autorité mise à mal. Remonté, Philippe, surveillant à la maison d'arrêt, ne mâche pas ses mots. « Taubira nous a pourris. Elle nous enlève nos droits pour les donner aux détenus. L'autorité n'existe plus. Quand on sévit, ils nous rient au nez ! Avant, une insulte à agent c'était grave. Aujourd'hui c'est presque rien. Pire encore, on regarde si ce n'est pas de la faute de l'agent ! Les détenus portent plainte pour tout et n'importe quoi et leur parole est plus considérée que la nôtre. On a des collègues qui ont été arrêtés à Villefranche devant les détenus. Vous croyez qu'on va être respecté ? On se fout de notre gueule ! »
Absentéisme. Un désarroi que le déménagement au nouveau centre pénitentiaire de Riom est venu accroître. « On a pris une claque ! Des collègues ont travaillé des mois pour faire des plannings pour rien. C'est vraiment les prendre et nous prendre pour des billes ! Il va falloir que nous soyons dévoués corps et âme pour l'administration. Avec leur organisation maison, on va être rappelés sans arrêt. On ne va plus pouvoir rien prévoir. Il ne faut pas se leurrer, il va y avoir de l'absentéisme », prévient Stéphane.
À bout. Franchement agacée par certaines critiques, Élodie monte au créneau : « Lorsque j'entends dire que c'est le Club med, j'invite tous ceux qui le pensent à venir faire un petit stage ici, que l'on puisse avoir le plaisir de se faire insulter ensemble ! » Un malaise amplifié par le projet de mise en place d'une charte de bonne conduite, vécue comme une "trahison". « La charte Respecto va être instaurée sur le nouveau centre pénitentiaire. Pour faire simple, détaille Sandra, c'est un système de croix comme à l'école. Le détenu pourra nous insulter 4 à 5 fois avant d'avoir une punition ! Et il aura droit à une paire de basket s'il est sage ! »
« Le paradis
pour eux,
l'enfer pour nous »
« Le fond du fond ». Un dispositif à sens unique, qui a fini de dégoûter la jeune femme. « C'est le paradis pour eux, et l'enfer pour nous. Tous leurs droits sont affichés. Et leurs devoirs ? Ils n'ont même plus peur d'aller en prison. Quand j'ai signé, je ne savais pas trop où j'allais. Je pensais être plus considérée. On se sent au bas du bas… On a même une directrice qui a trouvé bien l'idée de mettre des patins pour entrer dans les cellules. Si là, on ne touche pas le fond du fond… »
Crainte. Seul réconfort, la solidarité. Qui, elle aussi, pourrait se retrouver mise à mal. « L'amitié que j'entretiens avec mes collègues me fait tenir. Sur le nouveau centre pénitentiaire, nous allons être très nombreux et le mess est tout petit. Tout semble avoir été organisé pour que l'on ne puisse pas se regrouper. Diviser pour mieux régner, vous connaissez ? »
(*) Tous les prénoms ont été changés pour préserver l'anonymat des agents.
Carole Eon-Groslier
carole.eon-groslier@centrefrance.com
http://www.lamontagne.fr/auvergne/actualite/2016/01/22/taubira-nous-a-pourris-les-detenus-ont-plus-de-droits-que-de-devoirs_11749120.html