Avant de présenter le travail exigeant de Jean-Baptiste de Seynes, il est préférable de s'équiper d'un masque, de palmes,.. pour une plongée dans un fonds inouï , illimité.
La poésie contemporaine est traversée de courants sous-marins, d'une force et d'une richesse quasiment jamais inégalée.Mais il convient de poser quelques repères, de se tenir au bastinguage.
Sans la petite édition, la poésie, en France, n'aurait pas survécu. Ce ne sont pas Grasset ni Fayard qui perdraient un sou en publiant de jeunes poètes. Ces maisons ont pour vocation le chiffre d'affaires. On n'appartient pas impunément au groupe Lagardère. Les éditeurs de poésie, inompbrables et dévoués, à l'existence parfois aussi éphémères que les revues, se nomment par exemple, L'Escampette, L'Idée Bleue, Créaphis, Lettres Vives, Farrago, Akenaton, Comp'Act, Al Dante, Tarabuste, Fata Morgana, Cadex , deleatur, Le Temps Qu'il Fait, Rougerie, Encres Vives, Obsidiane, Cheyne, AEncrages, ..Souvent, ils publient de beaux livres où un écrivain s'associe à un artiste, comme Voix d'Encre, à Montpellier. Sans eux, aurait-on pu lire, Alain Borne, Valérie Rouzeau, James Sacré, Christophe Tarkos, et presque tous ceux qui animent une vie poétique peut-être plus intense aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été ?
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il a tendance à s'accentuer. Voici 50 ans, les grands éditeurs misaient sans doute plus sur le fonds, moins sur la grande cavalerie et les ventes rapides. On y éditait plus facilement de la poésie, par exemple. Robert Vigneau, qui a publié le magnifique Elégiaque en collection " Blanche " chez Gallimard, ne trouve plus aujourd'hui que des micro-éditeurs. En outre, dans les années 60 et 70, les éditeurs importants prenaient plus facilement le risque de textes difficiles et d'auteurs peu connus, de peur de rater le train de la modernité.
Pour terminer cette brève introduction, il faut saluer le travail, que dis-je, le dévouement fantastique de certains animateurs de revue, comme Jacques Morin ( Le baron Noir, puis décharge ) qui, depuis 35 ans, bénévolement, publient plusieurs fois par an, des textes inédits, par un savant sarclage de terrain, une capillarité littéraire de tous les instants. Ces personnages extraordinaires tiennent à bout de bras la recherche poétique, tout ce fourmillement intense de la langue; celle-ci n'est pas morte, mais avance, s'enrichit par le croisement des cultures, la sculpture de l'émotion. Mais qui en parle, ô médias abhorrés!
Quelques revues: Le Mâche-Laurier, décharge, rehauts, Triages,.. et un magazine incontournable: Le Matricule des Anges. ( signalons que certaines comme Le Mâche-Laurier ont frôlé la fermeture, faute de lecteurs suffisants; en effet, le nombre moyen de lecteurs réguliers de poésie est évalué autour de 500 personnes ! )
Quelques chiffres, avant de traiter comme il se doit la recherche lumineuse de J.Baptiste de Seynes.
En 2002, 1004 livres ( de et sur ) la poésie d'expression française ont été publiés ( source Bibliographie Nationale Française )
1,41 million de livres de poésie ( et théâtre ) vendus en 2002= 0,38 % des ventes de livres en France ou 0,27 % du chiffre d'affaires ( source SNE )
226 livres de poésie ( d'expression française, traduits ou relevant du secteur jeunesse ) sur 291 demandes, ont été soutenus par le CNL ( Centre national du Livre, rattaché au Ministère de la Culture, qui subventionne la publication de manuscrits ) en 2003.
10 librairies ( indépendantes, c'est la condition ) ont obtenu une subvention du CNL en 2003 pour développer un fonds de poésie ( sur 10 demandes ) = 1 509 ouvrages pour un montant de 8 430 €.En 2001, le CNL avait reçu 7 demandes.
Jean- Baptiste de Seynes
La rencontre avec l'écriture de Jean-Baptiste s'est opérée au travers de sa langue découpée dans des revues comme Le Mâche-Laurier. J'avais déjà appréhendé, hagard, les fulgurances tailladées d'auteurs comme J.Pierre Chevais, ou Jean-Claude Caër, et je sentais comme un défilé, un canyon s'ouvrir en moi.J'attendais la chute de roches.
Cette squelettisation que je ahanais au bord du souffre, le dégraissage des phrases graisseuses, se présenta au détour d'un velin. Tout mot devint choc, en angle, c'est-à-dire, promontoir avisé vers un chaos en mouvement, comme si je me séquençais en étages, mis en pièces par une aspiration souveraine.
J'avais suivi les différentes étapes de cette épopée linguistique, la main dans l'encre de Jacques Dupin ou d'André Du Bouchet, mais jusqu'alors, j'en étais sorti peu démantibulé.
L'absorbtion de la poésie de Jean-Baptiste , sans eau, m'a pétrifié, comme un gisant. Je suis devenu guetteur de ses coups de ciseaux.
ôte-
lui ses vêtements, l'homme ce
cintre.
ou encore la bouche occluse - le couteau apparent
d'un couteau
sans presque de main - même
et pourquoi pas un livre ouvert,
à l'avantage de l'air
- pour toucher le glabre du temps, il plaît
à ses épithètes et c'est bien ça
qu'il espère
( siècle incident clos )
extrait du Mâche-Laurier n° 16 - avril 2001
Puis, au travers de rencontres hallucinées, j'ai croisé les lueurs de François Boddaert, Gérard Noiret,.. ( animateurs du Mâche-Laurier et des éditions Obsidiane ) mais pas en core de J.B. de Seynes. Je sens à quelques contusions internes, qu'il me brûle. Voici un autre filtre:
jours de vent.
... ils n'avouaient rien sinon mentir,
ils n'ouvraient pas les livres:
ils ne cicatrisaient pas.
mais l'oeil
qui les enveloppe finit par eux.
... la masse indivisée
du blé nous porte,
ne nous engendre pas
vent au corps, chacun son peu, son je
entre les épis refroidis,
immérités
sous l'appareil ciel.
( extrait de Vent, une étude - 1. Age poreux éditions Obsidiane )
Dans ces promenades souterraines, éclairé uniquement de la bougie de certains yeux, le tombai nez à nez avec la folie démesurée de la revue Moriturus, avec Cédric Demangeot, Billy Branty ( devenu mon sang ) Guy Viarre le pollenisé à jamais, .. et Jean-Baptiste, bien sûr. Cette revue a marqué d'une pierre noire, la poésie contemporaine; ce n'est plus de l'exigence, c'est à la vie à la mort, une transfusion vers la survie. J'ouvre les dents et projette, " Fissile ", les éditions Fissile enflammées des derniers caillots de Guy Viarre, le persécuté de la poésie.
mes maigres
à qui, congre et consorts
( maigres: - se dit d'éléments de construction
trop minces pour remplir leur place
- endroits où il y a peu d'eau )
au bleu
que j'emmaigre
or
nuit à
rature t'ongule
mais
à congre qu'à quoi bon
sa nuit voue
sans doigts
une vie au ventre du temps
note d'un nord tenu au plus
non du natal
et pour ta hure
seule
bougie contre la
lumière ah
beau
seul
buté congre
qu'en ton trou te cloître
ce clou d'air
pour à nous cette minute
d'ouvrir l'avenant
au monde:
chacun prenant appui sur sa neige,
sa biffe
et son cancel
extrai de Moriturus n° 5,
La poésie contemporaine est traversée de courants sous-marins, d'une force et d'une richesse quasiment jamais inégalée.Mais il convient de poser quelques repères, de se tenir au bastinguage.
Sans la petite édition, la poésie, en France, n'aurait pas survécu. Ce ne sont pas Grasset ni Fayard qui perdraient un sou en publiant de jeunes poètes. Ces maisons ont pour vocation le chiffre d'affaires. On n'appartient pas impunément au groupe Lagardère. Les éditeurs de poésie, inompbrables et dévoués, à l'existence parfois aussi éphémères que les revues, se nomment par exemple, L'Escampette, L'Idée Bleue, Créaphis, Lettres Vives, Farrago, Akenaton, Comp'Act, Al Dante, Tarabuste, Fata Morgana, Cadex , deleatur, Le Temps Qu'il Fait, Rougerie, Encres Vives, Obsidiane, Cheyne, AEncrages, ..Souvent, ils publient de beaux livres où un écrivain s'associe à un artiste, comme Voix d'Encre, à Montpellier. Sans eux, aurait-on pu lire, Alain Borne, Valérie Rouzeau, James Sacré, Christophe Tarkos, et presque tous ceux qui animent une vie poétique peut-être plus intense aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été ?
Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il a tendance à s'accentuer. Voici 50 ans, les grands éditeurs misaient sans doute plus sur le fonds, moins sur la grande cavalerie et les ventes rapides. On y éditait plus facilement de la poésie, par exemple. Robert Vigneau, qui a publié le magnifique Elégiaque en collection " Blanche " chez Gallimard, ne trouve plus aujourd'hui que des micro-éditeurs. En outre, dans les années 60 et 70, les éditeurs importants prenaient plus facilement le risque de textes difficiles et d'auteurs peu connus, de peur de rater le train de la modernité.
Pour terminer cette brève introduction, il faut saluer le travail, que dis-je, le dévouement fantastique de certains animateurs de revue, comme Jacques Morin ( Le baron Noir, puis décharge ) qui, depuis 35 ans, bénévolement, publient plusieurs fois par an, des textes inédits, par un savant sarclage de terrain, une capillarité littéraire de tous les instants. Ces personnages extraordinaires tiennent à bout de bras la recherche poétique, tout ce fourmillement intense de la langue; celle-ci n'est pas morte, mais avance, s'enrichit par le croisement des cultures, la sculpture de l'émotion. Mais qui en parle, ô médias abhorrés!
Quelques revues: Le Mâche-Laurier, décharge, rehauts, Triages,.. et un magazine incontournable: Le Matricule des Anges. ( signalons que certaines comme Le Mâche-Laurier ont frôlé la fermeture, faute de lecteurs suffisants; en effet, le nombre moyen de lecteurs réguliers de poésie est évalué autour de 500 personnes ! )
Quelques chiffres, avant de traiter comme il se doit la recherche lumineuse de J.Baptiste de Seynes.
En 2002, 1004 livres ( de et sur ) la poésie d'expression française ont été publiés ( source Bibliographie Nationale Française )
1,41 million de livres de poésie ( et théâtre ) vendus en 2002= 0,38 % des ventes de livres en France ou 0,27 % du chiffre d'affaires ( source SNE )
226 livres de poésie ( d'expression française, traduits ou relevant du secteur jeunesse ) sur 291 demandes, ont été soutenus par le CNL ( Centre national du Livre, rattaché au Ministère de la Culture, qui subventionne la publication de manuscrits ) en 2003.
10 librairies ( indépendantes, c'est la condition ) ont obtenu une subvention du CNL en 2003 pour développer un fonds de poésie ( sur 10 demandes ) = 1 509 ouvrages pour un montant de 8 430 €.En 2001, le CNL avait reçu 7 demandes.
Jean- Baptiste de Seynes
La rencontre avec l'écriture de Jean-Baptiste s'est opérée au travers de sa langue découpée dans des revues comme Le Mâche-Laurier. J'avais déjà appréhendé, hagard, les fulgurances tailladées d'auteurs comme J.Pierre Chevais, ou Jean-Claude Caër, et je sentais comme un défilé, un canyon s'ouvrir en moi.J'attendais la chute de roches.
Cette squelettisation que je ahanais au bord du souffre, le dégraissage des phrases graisseuses, se présenta au détour d'un velin. Tout mot devint choc, en angle, c'est-à-dire, promontoir avisé vers un chaos en mouvement, comme si je me séquençais en étages, mis en pièces par une aspiration souveraine.
J'avais suivi les différentes étapes de cette épopée linguistique, la main dans l'encre de Jacques Dupin ou d'André Du Bouchet, mais jusqu'alors, j'en étais sorti peu démantibulé.
L'absorbtion de la poésie de Jean-Baptiste , sans eau, m'a pétrifié, comme un gisant. Je suis devenu guetteur de ses coups de ciseaux.
ôte-
lui ses vêtements, l'homme ce
cintre.
ou encore la bouche occluse - le couteau apparent
d'un couteau
sans presque de main - même
et pourquoi pas un livre ouvert,
à l'avantage de l'air
- pour toucher le glabre du temps, il plaît
à ses épithètes et c'est bien ça
qu'il espère
( siècle incident clos )
extrait du Mâche-Laurier n° 16 - avril 2001
Puis, au travers de rencontres hallucinées, j'ai croisé les lueurs de François Boddaert, Gérard Noiret,.. ( animateurs du Mâche-Laurier et des éditions Obsidiane ) mais pas en core de J.B. de Seynes. Je sens à quelques contusions internes, qu'il me brûle. Voici un autre filtre:
jours de vent.
... ils n'avouaient rien sinon mentir,
ils n'ouvraient pas les livres:
ils ne cicatrisaient pas.
mais l'oeil
qui les enveloppe finit par eux.
... la masse indivisée
du blé nous porte,
ne nous engendre pas
vent au corps, chacun son peu, son je
entre les épis refroidis,
immérités
sous l'appareil ciel.
( extrait de Vent, une étude - 1. Age poreux éditions Obsidiane )
Dans ces promenades souterraines, éclairé uniquement de la bougie de certains yeux, le tombai nez à nez avec la folie démesurée de la revue Moriturus, avec Cédric Demangeot, Billy Branty ( devenu mon sang ) Guy Viarre le pollenisé à jamais, .. et Jean-Baptiste, bien sûr. Cette revue a marqué d'une pierre noire, la poésie contemporaine; ce n'est plus de l'exigence, c'est à la vie à la mort, une transfusion vers la survie. J'ouvre les dents et projette, " Fissile ", les éditions Fissile enflammées des derniers caillots de Guy Viarre, le persécuté de la poésie.
mes maigres
à qui, congre et consorts
( maigres: - se dit d'éléments de construction
trop minces pour remplir leur place
- endroits où il y a peu d'eau )
au bleu
que j'emmaigre
or
nuit à
rature t'ongule
mais
à congre qu'à quoi bon
sa nuit voue
sans doigts
une vie au ventre du temps
note d'un nord tenu au plus
non du natal
et pour ta hure
seule
bougie contre la
lumière ah
beau
seul
buté congre
qu'en ton trou te cloître
ce clou d'air
pour à nous cette minute
d'ouvrir l'avenant
au monde:
chacun prenant appui sur sa neige,
sa biffe
et son cancel
extrai de Moriturus n° 5,