Bernard Laporte vous connaissez?
Sarkozy veut-il enterrer les affaires ? (3) Laporte obtient la grâce présidentielle
Une plainte pour favoritisme en suspens, une affaire fiscale sur le point d'être prescrite et de nombreux doutes : malgré ces casseroles, les conditions semblent être réunies pour voir le secrétaire d'Etat aux Sports blanchi de toute accusation.
Qui veut la peau de Bernard Laporte ? Apparemment, pas grand monde. Malgré un certain réveil de la presse quant aux affaires dans lesquelles son nom est évoqué, l'ancien entraîneur du XV de France bénéficie au niveau judiciaire d'une chance proprement insolente… ou de pure apparence. L'excellente enquête de nos confrères de L'Equipe Magazine, Laurent Telo et Fabrice Lhomme, paru le 20 octobre, continue d'être la seule référence sur les dossiers, comme si personne dans les milieux judiciaire, politique ou médiatique ne voulait rien trouver de plus. Ou chercher de plus.
Rappel des faits
La chaîne de restaurant Olé Bodega : actionnaire dans de nombreuses affaires, Bernard Laporte est notamment associé dans une chaîne de restaurant (Olé Bodega) sur laquelle la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a rendu un rapport en mars 2007. Parmi les très nombreuses irrégularités constatées, on peut citer une double comptabilité (le chiffre d'affaires déclaré était minoré), du travail au noir, des fausses factures, des prélèvements en espèces directement dans la caisse, etc. L'affaire a été transmise à la Direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Le casino de Gujan Mestras : Frédérique Ruggieri, propriétaire du casino de Gujan-Mestras (Gironde), accuse Bernard Laporte d'avoir fait pression sur elle pour obtenir des parts dans son établissement. Selon la plaignante qui s'était vue refuser une autorisation d'exploitation de machines à sous, l'entraîneur du XV lui aurait proposé d'intercéder en sa faveur auprès d'un ami (un certain Nicolas Sarkozy) pour l'obtenir en échange de 10% de la société. Une première plainte a été déposée le 23 mars 2007 au parquet de Paris. Sans succès. Mais une autre plainte devrait suivre.
Les législatives du Teich : S'étant vu refuser par la municipalité du Teich (Gironde) un permis de construire pour un projet immobilier mené avec un promoteur, Didier Demonchy, Bernard Laporte et son associé auraient fait circuler entre les deux tours des dernières législatives, où le maire du Teich était candidat, un tract le visant directement. Idée d'autant moins fine que Laporte se trouve être un supporter éminent de son opposante UMP. François Deluga, maire PS du Teich, a déposé une plainte le 14 juin dernier pour infraction au code électoral.
Les « rêveries du Lac » à Romans-sur-Isère : Un an après avoir installé un complexe résidentiel près de Valence (Drôme), la société Génération LTB (avec un L, comme Laporte), spécialisée dans le tourisme de luxe, a été placée en liquidation judiciaire. L'ampleur du déficit estimé par le liquidateur a par ailleurs été jugé telle que l'activité a été suspendue, laissant 2,7 millions d'impayés, notamment auprès d'une soixantaine de propriétaires.
Comment blanchir un secrétaire d'Etat ?
De toutes ces affaires, la plus facile à faire disparaître est sans doute celle des malversations financières de la chaîne Olé Bodega. Ce n'est qu'une affaire de calendrier. Les faits incriminés, remontant à 2004, sont soumis à une prescription de 3 ans. Or, jusqu'ici, aucun juge d'instruction n'a été saisi au parquet de Paris et si la procédure n'est pas entamée avant le 31 décembre 2007, les charges s'évanouiront, tout simplement.
Sur l'affaire de Gujan-Mestras, il faudra jouer plus fin. Le parquet de Paris a déjà rendu une décision favorable à Bernard Laporte, jugeant que le «favoritisme» s'appliquait en priorité aux affaires de marché public. Françoise Néher, doyenne des juges d'instruction du parquet, a cependant décidé de se saisir de l'affaire. Jean-Claude Marin, le procureur, a immédiatement fait appel, remettant la décision entre les mains de la chambre d'instruction qui rendra son avis… dans plusieurs mois ! Un délai largement suffisant pour trouver une solide porte de sortie. L'avocat de Frédérique Ruggieri, la plaignante, a affirmé avoir déposé une plainte contre Bernard Laporte pour «tentative d'extorsion» lundi 29 octobre. Plainte qui n'a pour l'instant pas été enregistrée par le parquet.
La méthode du bouc émissaire semble tout indiquée pour les deux dernières affaires. Sur le dépôt de plainte pour infraction au code électoral du maire du Teich, dans l'interview donnée à L'Equipe Magazine, Laporte désigne lui-même comme coupable présumé son associé dans l'affaire immobilière Didier Demonchy, qui avait aidé à faire circuler les tracts. Quant aux Rêveries du lac, nul doute que les deux autres actionnaires de Génération LTB (Martin Trigano et Jean-Paul Brunel) trouveront moins grâce aux yeux de la justice que le secrétaire d'Etat aux Sports. Il fut un temps, peut-être excessif, où la simple mise en examen d'un ministre lui imposait de démissionner, et où, a fortiori, l'implication dans une affaire interdisait toute promotion ministérielle. Sur ce point-là aussi, le Président impose la rupture. Mais celle-ci n'avait pas été promise dans sa campagne.
Lundi 05 Novembre 2007 - 00:01
Sylvain Lapoix
Sarkozy veut-il enterrer les affaires ? (3) Laporte obtient la grâce présidentielle
Une plainte pour favoritisme en suspens, une affaire fiscale sur le point d'être prescrite et de nombreux doutes : malgré ces casseroles, les conditions semblent être réunies pour voir le secrétaire d'Etat aux Sports blanchi de toute accusation.
Qui veut la peau de Bernard Laporte ? Apparemment, pas grand monde. Malgré un certain réveil de la presse quant aux affaires dans lesquelles son nom est évoqué, l'ancien entraîneur du XV de France bénéficie au niveau judiciaire d'une chance proprement insolente… ou de pure apparence. L'excellente enquête de nos confrères de L'Equipe Magazine, Laurent Telo et Fabrice Lhomme, paru le 20 octobre, continue d'être la seule référence sur les dossiers, comme si personne dans les milieux judiciaire, politique ou médiatique ne voulait rien trouver de plus. Ou chercher de plus.
Rappel des faits
La chaîne de restaurant Olé Bodega : actionnaire dans de nombreuses affaires, Bernard Laporte est notamment associé dans une chaîne de restaurant (Olé Bodega) sur laquelle la Direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a rendu un rapport en mars 2007. Parmi les très nombreuses irrégularités constatées, on peut citer une double comptabilité (le chiffre d'affaires déclaré était minoré), du travail au noir, des fausses factures, des prélèvements en espèces directement dans la caisse, etc. L'affaire a été transmise à la Direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Le casino de Gujan Mestras : Frédérique Ruggieri, propriétaire du casino de Gujan-Mestras (Gironde), accuse Bernard Laporte d'avoir fait pression sur elle pour obtenir des parts dans son établissement. Selon la plaignante qui s'était vue refuser une autorisation d'exploitation de machines à sous, l'entraîneur du XV lui aurait proposé d'intercéder en sa faveur auprès d'un ami (un certain Nicolas Sarkozy) pour l'obtenir en échange de 10% de la société. Une première plainte a été déposée le 23 mars 2007 au parquet de Paris. Sans succès. Mais une autre plainte devrait suivre.
Les législatives du Teich : S'étant vu refuser par la municipalité du Teich (Gironde) un permis de construire pour un projet immobilier mené avec un promoteur, Didier Demonchy, Bernard Laporte et son associé auraient fait circuler entre les deux tours des dernières législatives, où le maire du Teich était candidat, un tract le visant directement. Idée d'autant moins fine que Laporte se trouve être un supporter éminent de son opposante UMP. François Deluga, maire PS du Teich, a déposé une plainte le 14 juin dernier pour infraction au code électoral.
Les « rêveries du Lac » à Romans-sur-Isère : Un an après avoir installé un complexe résidentiel près de Valence (Drôme), la société Génération LTB (avec un L, comme Laporte), spécialisée dans le tourisme de luxe, a été placée en liquidation judiciaire. L'ampleur du déficit estimé par le liquidateur a par ailleurs été jugé telle que l'activité a été suspendue, laissant 2,7 millions d'impayés, notamment auprès d'une soixantaine de propriétaires.
Comment blanchir un secrétaire d'Etat ?
De toutes ces affaires, la plus facile à faire disparaître est sans doute celle des malversations financières de la chaîne Olé Bodega. Ce n'est qu'une affaire de calendrier. Les faits incriminés, remontant à 2004, sont soumis à une prescription de 3 ans. Or, jusqu'ici, aucun juge d'instruction n'a été saisi au parquet de Paris et si la procédure n'est pas entamée avant le 31 décembre 2007, les charges s'évanouiront, tout simplement.
Sur l'affaire de Gujan-Mestras, il faudra jouer plus fin. Le parquet de Paris a déjà rendu une décision favorable à Bernard Laporte, jugeant que le «favoritisme» s'appliquait en priorité aux affaires de marché public. Françoise Néher, doyenne des juges d'instruction du parquet, a cependant décidé de se saisir de l'affaire. Jean-Claude Marin, le procureur, a immédiatement fait appel, remettant la décision entre les mains de la chambre d'instruction qui rendra son avis… dans plusieurs mois ! Un délai largement suffisant pour trouver une solide porte de sortie. L'avocat de Frédérique Ruggieri, la plaignante, a affirmé avoir déposé une plainte contre Bernard Laporte pour «tentative d'extorsion» lundi 29 octobre. Plainte qui n'a pour l'instant pas été enregistrée par le parquet.
La méthode du bouc émissaire semble tout indiquée pour les deux dernières affaires. Sur le dépôt de plainte pour infraction au code électoral du maire du Teich, dans l'interview donnée à L'Equipe Magazine, Laporte désigne lui-même comme coupable présumé son associé dans l'affaire immobilière Didier Demonchy, qui avait aidé à faire circuler les tracts. Quant aux Rêveries du lac, nul doute que les deux autres actionnaires de Génération LTB (Martin Trigano et Jean-Paul Brunel) trouveront moins grâce aux yeux de la justice que le secrétaire d'Etat aux Sports. Il fut un temps, peut-être excessif, où la simple mise en examen d'un ministre lui imposait de démissionner, et où, a fortiori, l'implication dans une affaire interdisait toute promotion ministérielle. Sur ce point-là aussi, le Président impose la rupture. Mais celle-ci n'avait pas été promise dans sa campagne.
Lundi 05 Novembre 2007 - 00:01
Sylvain Lapoix