Marche pour le climat à Paris : « Chefs d'Etat, agissez ! »
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Le Monde.fr | 21.09.2014 à 16h30 • Mis à jour le 21.09.2014 à 21h20 | Par Audrey Garric
L'espace d'un instant, la météo a essayé de voler la vedette au climat. Mais les pluies éparses du début d'après-midi n'ont pas eu raison de la « Marche du peuple pour le climat » qui s'est tenue à Paris dimanche 21 septembre. Aux côtés de personnalités comme l'écologiste Nicolas Hulot ou le chanteur Patrice, les manifestants – qui étaient entre 5 000, selon la police et 25 000, selon les organisateurs – ont défilé pour lancer un appel aux chefs d'Etat qui se réuniront lors d'un sommet extraordinaire de l'ONU sur le changement climatique, mardi 23 septembre.
L'événement se tenait dans le cadre d'une marche mondiale pour le climat, autoproclamée « plus grande mobilisation citoyenne jamais organisée sur l'enjeu climatique ». Plus de 2 500 défilés étaient prévus dans 158 pays, de Melbourne à New York, en passant par New Delhi, Berlin, Londres et Vancouver.
Lire : Nouveau record des émissions de CO2 en 2013
« LA FRANCE DOIT ÊTRE EXEMPLAIRE »
« Cette marche est un signal de la société civile pour appeler le gouvernement français à faire preuve d'un leadership fort sur le climat, explique Marie Yared, chargée de campagne d'Avaaz, l'ONG à l'origine de la mobilisation. Nos politiques sont trop frileux : ils doivent prendre des engagements concrets à court terme, comme diviser par quatre les rejets de gaz à effet de serre et atteindre 100 % d'énergies renouvelables avant 2050. La France doit être exemplaire. »
Une attente d'autant plus forte que Paris accueillera la prochaine Conférence internationale de l'ONU sur le changement climatique (COP 21), en décembre 2015, durant laquelle pourraient être scellés des accords contraignants de réduction des émissions de CO2.
Climat: "il faut briser ce mur de fatalisme", assure Nicolas Hulot
Nicolas Hulot demande l'arrêt des grands discours et appelle à la mobilisation générale. Présent à la marche parisienne pour le climat, trois jours avant le sommet climatique de l'Onu, l'envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète veut porter "un message positif". L'écologiste met néanmoins en garde: "l'avenir de nos enfants va se jouer dans les 18 mois qui viennent", assure-t-il.
UNE SONO À L'ÉNERGIE SOLAIRE
Pour ce qu'ils considèrent comme une « première étape », dimanche, les marcheurs – dont une partie avait préféré le vélo – ont défilé de la place de la République jusqu'au parvis de l'hôtel de ville au son des tambours, percussions et autres sifflets. Beaucoup arboraient sur la poitrine des autocollants avec des cœurs verts, l'emblème de la marche, ainsi que des t-shirts, pulls, vestes ou pantalons aux couleurs de la nature. Certains tenaient des panneaux où était inscrit « Climat en danger », « Chefs d'Etat du monde, agissez ! » ou « Changeons le système, pas le climat », tandis que d'autres scandaient, moqueurs, « Sauvons la Terre et pas les actionnaires ».
Pour contribuer à sauver la planète, le collectif Solar Sound System a animé la marche à l'aide d'une sonorisation fonctionnant uniquement à l'énergie solaire et à la dynamo (avec des vélos). Une quinzaine de bénévoles s'assuraient par ailleurs que les participants « ne laissent dans les rues de Paris que la trace de leurs pas ».
BEAUCOUP DE JEUNES
Dans le cortège, au-delà des ONG écologistes (Greenpeace, Oxfam, Sortir du nucléaire ou encore Bloom) et des partis politiques (EELV et sa patronne Emmanuelle Cosse, le Front de gauche mené par Jean-Luc Mélenchon), ce sont surtout des jeunes qui se sont mobilisés.
Anne, 22 ans, en études d'agronomie, et sa cousine Clémence, 15 ans, en 1re scientifique dans un lycée agricole, sont ainsi venues « sensibiliser les Parisiens aux enjeux climatiques et environnementaux pour qu'ils s'impliquent dans la défense de la planète ». « Cela avance lentement mais sûrement », espèrent-elles, maquillées d'un cœur vert sur la joue.
« Notre marche est symbolique : nous voulons montrer que quelque chose est en train de se passer », renchérissent Sarah et Esther, 23 ans, en master d'anthropologie de l'environnement du Muséum d'histoire naturelle de Paris. « Beaucoup de gens ont conscience qu'il faut changer les choses mais ne l'appliquent pas dans leur quotidien », regrette toutefois Sarah, qui assure, elle, s'approvisionner chez un maraîcher bio local et acheter des vêtements d'occasion dans des vide-greniers.
« QUE MA FILLE VOIE ENCORE DES BALEINES »
Davantage que le changement climatique, dont les conséquences ne sont pas toujours accessibles ou visibles par tous, c'est la protection de l'environnement de manière générale, notamment pour les générations futures, qui était au centre des préoccupations des manifestants. « Je veux que ma fille puisse manger du miel de vraies abeilles et voir des baleines plus tard », explique Morgane Le Faou, drapée d'un foulard vert, en tenant par la main sa petite Lila-may, 7 ans, qui veut « sauver les ours polaires ».
« Je ne veux pas que mes trois petites-filles vivent dans un monde marqué par la pollution et les guerres de l'eau », témoigne de son côté Colette Manne, retraitée, qui « fait sa première manif' ». « L'urgence climatique et écologique n'est pas assez prise au sérieux. »
DIFFICILE DE « RÉVEILLER L'OPINION »
Tous, surtout, notent la difficulté de mobiliser la société civile. « On est venus à pied à la manif' et sur le chemin, on a essayé de rameuter les passants, mais en vain », regrette Caroline Blondeau, qui a amené son fils Camille, âgé de 6 ans. « J'ai un optimisme modéré sur le fait de parvenir à réveiller l'opinion publique, reconnaît Gilles, physicien au CNRS. Il y a eu une vraie prise de conscience avec le sommet de Copenhague en 2009. Mais depuis, avec la crise économique, les enjeux climatiques et environnementaux ont été relégués au second plan. Ils ne sont plus au cœur des préoccupations des gens. »
Ces difficultés à rassembler autour du climat, Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, en est conscient. « Merci de préférer l'espérance à l'indifférence, la mobilisation à la résignation, lance-t-il à une foule massive depuis la scène installée devant l'hôtel de ville. Cette petite étincelle doit se propager jusqu'en décembre 2015. Nous aurons besoin de vous pour dire ‘osez le changement' à ceux qui ont des responsabilités. Le changement est déjà en marche. » Applaudissements nourris de l'assistance.
« Je suis plutôt surpris qu'il y ait eu autant de gens, confie-t-il à l'issue de son intervention. Il y a très peu de mouvements citoyens autour de la planète. On est dans un contexte de désarroi et de dépression avec des difficultés bien plus palpables que le changement climatique. Il faut que chacun prenne sa part de responsabilité pour transformer ces difficultés d'aujourd'hui en un monde meilleur demain. »
« Oui, il faut mobiliser la société civile et changer les mentalités, assure l'ancienne ministre et députée EELV de Paris Cécile Duflot, mais changer de modèle de développement est un choix éminemment politique. »
Lire l'entretien avec Bill Mc Kobben, organisateur de la marche à New York : Climat : « Il faut que les Etats aient peur de revenir chez eux les mains vides »
Audrey Garric
Journaliste au service Planète du Monde