Un de nos correspondants, citoyen ordinaire hanté par la violence de guerre, nous a fait parvenir le présent « coup de gueule ». Michel Mathiot est par ailleurs chercheur libre en histoire de l’Algérie contemporaine.
Une fois de plus, je fais part de mon sentiment, chaque fois renouvelé, d’habiter sur une autre planète. Quand j’observe l’énergie fantastique dépensée par ce que la société civile possède comme conscience : presse, associations, etc. – je ne parle pas des élus et des dirigeants du pays qui sont à mes yeux quelque peu discrédités. Quand j’observe tout ça, dis-je, alors que la France, en notre nom à tous, mène la guerre, en Afrique et au Moyen-Orient, dans la plus grande indifférence, comme si cela n’avait aucune conséquence sur la vie des gens. Quand je réalise qu’on a oublié que l’année dernière on en avait pris « plein la gueule » et qu’on ne se demande même pas pourquoi ! Quand je vois nos élus et nos gouvernants se targuer en direct et sans vergogne dans les media des « succès » de la France en Australie etc.. (J’ai même entendu à la radio parler des victoires de l’industrie « navale » ! alors qu’il s’agit d’industrie de guerre). Et pourtant, depuis 2014, on a commémoré les boucheries de la Grande-Guerre ... Mais à quoi bon continuer à commémorer jusqu’en 2018, quand on constate que les guerres se poursuivent en notre nom.
En France, la guerre est devenue une industrie, un fonds de commerce de la politique. Quand on apprend, au réveil, que le Premier ministre se fait mettre des colliers de fleurs en Nouvelle-Calédonie pour on ne sait quelle raison et que, sur le chemin du retour, il s’arrête pour serrer la main de son collègue d’Australie, on s’interroge. Quel est l’objectif véritable de ce déplacement ? Les Kanak ou les sous-marins ? La mission de la République ou, au contraire, la tournée d’un représentant de commerce des « marchands de canons » ? Elle a bon dos la Nouvelle-Calédonie ... Mais personne ne pose la moindre question ..... je suis catastrophé.
Ce qui me sidère le plus, c’est le discours de certains manifestants, qu’ils soient mobilisés ou non place de la République, sur des thématiques totalement décalées par rapport aux enjeux actuels. Ne se trompent-ils pas de cible ? Les politiques n’en profitent-ils pas en songeant avant tout à leur [ré]élection ? Au moment où le ministre de l’Intérieur, modèle médiatique accompli de la plus parfaite compétence haute administrative, compétence reconnue de tous qui fait que, du coup, on ne se pose plus de question sur la légitimité morale de telle ou telle décision, on évacue le lycée Jean-Jaurès de ses réfugiés, lequel est assurément en train de se retourner dans sa tombe, lui qui, en août 14, est mort non seulement pour la paix, mais contre la guerre. Pendant ce temps-là, les CRS tapent sur les jeunes et les "casseurs" ... c’est moins difficile que de tenter de résoudre les problèmes de notre société, qui ne sont pas que franco-franchouillards.
Mais qui dénonce cela, non seulement les passages à tabac, justifiés ou pas, mais surtout les erreurs de cible. Erreurs qui risquent d’être fatales. Pendant que les jeunes - mais à quoi pensent-ils ? – dépensent leur jeune énergie dans des combats dépassés, et que les moins jeunes ainsi que la presse, pourtant expérimentés, leur emboitent le pas alors que le gouvernement est en train de vider les caisses en dépenses militaires, et que ce sont eux – les jeunes – qui un jour en pâtiront. Que ne se font-ils casser la figure par les CRS, au nom du refus de la guerre et de tous ceux qui croûtent sur les cadavres ? A soixante-cinq ans, je serais le premier à me la faire casser à leurs côtés. Ces mêmes jeunes qui sont morts en masse au Bataclan, mais s’en souvient-on ? Le pouvoir des media est en faillite. Au lieu d’anticiper sur les vrais sujets - la guerre française par exemple - on "surfe" à la traîne de l’opinion désorientée, on interviewe les syndicalistes, les partis politiques, comme si de rien n’était. Que n’embête-t-on le ministre de la Défense, le président de la République, nos chers députés qui votent les crédits de guerre, nos crédits ? Qu’est-ce qu’on attend ? le prochain "Charlie" ?
Je vis sur une autre planète. Le monde politique tel que je le ressens, au parlement, au gouvernement ou ailleurs, défend-il encore les valeurs qui me paraissent essentielles ? Je n’ose répondre. Et ça, c’est un véritable désespoir ; non pas la « loi Travail » et tout ce bazar politico-médiatique ! Je n’ai plus d’autre solution que de lancer des « coups de gueule » comme celui-ci, auprès d’instances qui sont peut-être les dernières en qui je peux avoir une certaine confiance.
Michel Mathiot
le 9 mai 2016
http://ldh-toulon.net/ne-nous-trompons-pas-de-cible-l.html
Une fois de plus, je fais part de mon sentiment, chaque fois renouvelé, d’habiter sur une autre planète. Quand j’observe l’énergie fantastique dépensée par ce que la société civile possède comme conscience : presse, associations, etc. – je ne parle pas des élus et des dirigeants du pays qui sont à mes yeux quelque peu discrédités. Quand j’observe tout ça, dis-je, alors que la France, en notre nom à tous, mène la guerre, en Afrique et au Moyen-Orient, dans la plus grande indifférence, comme si cela n’avait aucune conséquence sur la vie des gens. Quand je réalise qu’on a oublié que l’année dernière on en avait pris « plein la gueule » et qu’on ne se demande même pas pourquoi ! Quand je vois nos élus et nos gouvernants se targuer en direct et sans vergogne dans les media des « succès » de la France en Australie etc.. (J’ai même entendu à la radio parler des victoires de l’industrie « navale » ! alors qu’il s’agit d’industrie de guerre). Et pourtant, depuis 2014, on a commémoré les boucheries de la Grande-Guerre ... Mais à quoi bon continuer à commémorer jusqu’en 2018, quand on constate que les guerres se poursuivent en notre nom.
En France, la guerre est devenue une industrie, un fonds de commerce de la politique. Quand on apprend, au réveil, que le Premier ministre se fait mettre des colliers de fleurs en Nouvelle-Calédonie pour on ne sait quelle raison et que, sur le chemin du retour, il s’arrête pour serrer la main de son collègue d’Australie, on s’interroge. Quel est l’objectif véritable de ce déplacement ? Les Kanak ou les sous-marins ? La mission de la République ou, au contraire, la tournée d’un représentant de commerce des « marchands de canons » ? Elle a bon dos la Nouvelle-Calédonie ... Mais personne ne pose la moindre question ..... je suis catastrophé.
Ce qui me sidère le plus, c’est le discours de certains manifestants, qu’ils soient mobilisés ou non place de la République, sur des thématiques totalement décalées par rapport aux enjeux actuels. Ne se trompent-ils pas de cible ? Les politiques n’en profitent-ils pas en songeant avant tout à leur [ré]élection ? Au moment où le ministre de l’Intérieur, modèle médiatique accompli de la plus parfaite compétence haute administrative, compétence reconnue de tous qui fait que, du coup, on ne se pose plus de question sur la légitimité morale de telle ou telle décision, on évacue le lycée Jean-Jaurès de ses réfugiés, lequel est assurément en train de se retourner dans sa tombe, lui qui, en août 14, est mort non seulement pour la paix, mais contre la guerre. Pendant ce temps-là, les CRS tapent sur les jeunes et les "casseurs" ... c’est moins difficile que de tenter de résoudre les problèmes de notre société, qui ne sont pas que franco-franchouillards.
Mais qui dénonce cela, non seulement les passages à tabac, justifiés ou pas, mais surtout les erreurs de cible. Erreurs qui risquent d’être fatales. Pendant que les jeunes - mais à quoi pensent-ils ? – dépensent leur jeune énergie dans des combats dépassés, et que les moins jeunes ainsi que la presse, pourtant expérimentés, leur emboitent le pas alors que le gouvernement est en train de vider les caisses en dépenses militaires, et que ce sont eux – les jeunes – qui un jour en pâtiront. Que ne se font-ils casser la figure par les CRS, au nom du refus de la guerre et de tous ceux qui croûtent sur les cadavres ? A soixante-cinq ans, je serais le premier à me la faire casser à leurs côtés. Ces mêmes jeunes qui sont morts en masse au Bataclan, mais s’en souvient-on ? Le pouvoir des media est en faillite. Au lieu d’anticiper sur les vrais sujets - la guerre française par exemple - on "surfe" à la traîne de l’opinion désorientée, on interviewe les syndicalistes, les partis politiques, comme si de rien n’était. Que n’embête-t-on le ministre de la Défense, le président de la République, nos chers députés qui votent les crédits de guerre, nos crédits ? Qu’est-ce qu’on attend ? le prochain "Charlie" ?
Je vis sur une autre planète. Le monde politique tel que je le ressens, au parlement, au gouvernement ou ailleurs, défend-il encore les valeurs qui me paraissent essentielles ? Je n’ose répondre. Et ça, c’est un véritable désespoir ; non pas la « loi Travail » et tout ce bazar politico-médiatique ! Je n’ai plus d’autre solution que de lancer des « coups de gueule » comme celui-ci, auprès d’instances qui sont peut-être les dernières en qui je peux avoir une certaine confiance.
Michel Mathiot
le 9 mai 2016
http://ldh-toulon.net/ne-nous-trompons-pas-de-cible-l.html