Le cinéma, ou 7° art, a enfanté depuis ses origines des génies de la recherche dans la narration, dans la forme comme Griffith ( Intolérance, Naissance d'une Nation,..) jusquaux plus récents comme Kiarostami ( Le goût de la cerise,.. ) Lars von Trier ( Europa, Breaking the weaves,..)
D'autes, plus rares, aux yeux fendus, n'ont pas choisi cette expression comme un goût exacerbé, un désir fou de tracer, d'exprimer un style; ils ont été traversés par un faisceau, le cinéma s'est installé en eux et les a habités.
Andreï Tarkovski est par sa démarche titubante de voyant , imprégnant la pellicule de sa rage, l'un des plus exigeants chimistes de l'image. Il n'a cessé de déclarer la cessation de l'homme, sa rupture avec l'arc incandescent qui lui tendait un zest de vraie nudité, base absolue vers sa plus grande intensité.Toute la démarche d'Andreï s'esquisse sur nos fondements, sur notre peau, seule cloison acceptable entre notre vide et l'infini lacté ou l'oeil immense de Dieu, pour Tarkovski .
Tous ses films que j'ai bus, comme " Stalker ", " Andreï Roublev" ou encore le définitif " Le Sacrifice " m'ont asséchés, rendus la soif d'une vulgarité enfin éradiquée , d'un absolu de la chair ayant retrouvé sa fin, libérée du superflu et de la terrible chaîne des biens.
A chaque seconde, son souffle nous apparaît, comme le long ahanement d'un réquisitoire sous-cutané: " Pourquoi es-tu sorti de la lumière ? "
Ses films tremblent en nous comme un arrêt sur soi, la découpe en lamelles de nos petits gains sur le temps, où pourtant est déjà inscrite la dérisoire silhouette finale.Croyant ou non, cette oeuvre décolle l'être de son poids et ne le lâche pas d'une brûlure, d'une inquiétude.
Cette interrogation constante n'en finit pas de résonner dans le silence de nos vies, et a intrigué en son temps les maîtres de l'URSS, n'acceptant pas le coup de ciseau dans le monde socialiste, gardien du matérialisme historique, science faisant de l'homme concret un produit de son activité et le résultat de son histoire qui est déterminée par les conditions économiques .Certitude qui n'en a pas fini de heurter les boîteux de l'absolu comme Andréï Tarkovski
Andreï Tarkovski (en cyrillique Андре́й Арсе́ньевич Тарко́вский) est un réalisateur russe né le 4 avril 1932 à Zavraje (Russie) province d’Ivanovo sur la Volga et mort le 28 décembre 1986 à Paris d'un cancer du poumon.
Biographie
Fils du poète Arseni Tarkovski, il étudie la musique, la peinture, la sculpture, l’arabe ; travaille comme géologue en Sibérie. En 1956 seulement, il entre au VGIK (Institut central du cinéma de l’URSS), à Moscou. Il y suit pendant quatre ans la classe de Mikhaïl Romm, dont il dit : « Ce maître m’a appris à être moi-même. » En 1960, il réalise son film de fin d’études : Le Rouleau compresseur et le violon.
Son œuvre teintée de mysticisme est l'une des plus originales du cinéma du XXe siècle. Andreï Tarkovski est souvent considéré par la critique comme un des maîtres du 7e Art à l'égal d'Ingmar Bergman, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini. Les thèmes chers à Tarkovski sont la présence de la terre, la solitude des êtres et leurs rêves, la spiritualité.
Il décède des suites d'un cancer le 28 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine (France). Il est enterré au cimetière russe orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Citations « Celui qui trahit une seule fois ses principes perd la pureté de sa relation avec la vie. Tricher avec soi-même, c'est renoncer à tout, à son film, à sa vie. » Andreï Tarkovski.
« La liaison et la logique poétique au cinéma, voilà ce qui m'intéresse. Et n'est-ce pas ce qui convient le mieux au cinéma, de tous les arts celui qui a la plus grande capacité de vérité et de poésie ? » Andreï Tarkovski, Le Temps scellé.
"Le cinéma, c'est l'art de sculpter le temps" Andreï Tarkovski "Le Temps Scellé"
« L'image n'est pas une quelconque idée exprimée par le réalisateur, mais tout un monde miroité dans une goutte d'eau. », Andreï Tarkovski
Œuvre
« Quand je découvris les premiers films d'Andréï Tarkovski, ce fut pour moi un miracle. Je me trouvais, soudain, devant la porte dont jusqu'alors la clé me manquait. Une chambre où j'avais toujours voulu pénétrer et où lui-même se sentait parfaitement à l'aise. Je me vis encouragé et stimulé : Quelqu'un venait d'exprimer ce que j'avais toujours voulu dire sans savoir comment. Si Tarkovski est pour moi le plus grand, c'est parce qu'il apporte au cinématographe, dans sa spécificité, un nouveau langage qui lui permet de saisir la vie comme apparence, comme songe ».
- Ingmar Bergman -
L'œuvre cinématographique d'Andréï Tarkovski est incontestablement l'incarnation d'une philosophie, le support d'une pensée d'un artiste, déployée dans la sphère du visible : le Cinéma. Ce Génie russe est, avant d'être un philosophe de l'image, du visuel, un artiste de la sensation qui, avant la lecture, « l'analyse » de l'œuvre, arrive à précipiter le spectateur dans un mouvement corporel, actif et spirituel. Tarkovski arrive à aller dans les deux sens : Soit on peut être touché par la grâce de la beauté de son Cinéma et puis donc approfondir et chercher à comprendre ce qu'il veut nous dire, ou au contraire, par ce qu'il nous dit (ou ce que malgré lui, nous dit), l'accès à l'émotion se fait.
Mais ce que voulait Tarkovski n'était pas de se faire comprendre du public mais d'arriver à le saisir, le toucher par la grâce et puis seulement par après, de proposer ses opinions ou idées : "J'aimerai que ceux qui soient en accord avec mes propos, même partiellement, deviennent pour moi des alliés, des âmes sœurs" et c'est sur cette parole qu'il clôt son Temps Scellé, ouvrage multipliant réflexions sur le monde et le cinéma. On pourrait être tenté de dire que les plus grands cinéastes sont les cinéastes philosophes et que Tarkovski apparaît donc comme l'un des plus grands réalisateurs du monde puisqu'il arrivait à exprimer l'inexprimable : l'absolu. De ce point de vue là, Stalker se montre alors comme l'une des œuvres centrales de l'œuvre tarkovskienne puisque la Zone peut être vu comme l'incarnation de l'absolu et que tout comme le Stalker, Tarkovski tente de le viser avec la « logique poétique » qui fait naître l'espoir, la foi en l'absolu. On ne pourrait pas parler de pessimisme et d'optimisme chez Tarkovski puisque pour lui, ces deux « notions » n'existaient pas (« un pessimiste est un optimiste bien informé » aimait-il à se répéter) et que seul l'espoir était « vrai » : « L'espoir est le propre de l'Homme » écrit le cinéaste dans le Temps Scellé.
Stalker apparaît comme un film ayant surgi de la concentration de la parole de Tarkovski, sur le fonds comme sur la forme: dans un pays indéterminé, la Zone est une région mystérieuse, dangereuse, où seuls les Stalkers, des passeurs, osent s'aventurer. L'un d'eux tente d'emmener un écrivain et un physicien à l'intérieur de cette Zone, jusqu'à une chambre où leurs désirs les plus chers pourront être exaucés.L'abandon de leurs pauvres vies s'effectue à bord d'un véhicule à traction mannuelle, dont le bruit lancinant rythme cette fuite d'une douleur suspendue.
La zone où ils arrivent est un lieu où tous les désirs s'accomplissent, où l'harmonie entre les hommes se consume. Cette zone est surveillée par des blindés, half-tracks, don interdite à l'accès, de peur que le toucher de cette région idéale ne donne envie aux hommes d'en communiquer le secret, par contagion , à la ville dont ils sont issus.
"Devenu sec et dur, il meurt." Osant la métaphore de l’arbre pour désigner l’homme, la phrase du Stalker résonne comme un avertissement à un monde matérialiste débarrassé de ses illusions. S’inspirant d’une nouvelle de science-fiction des frères Strougatsky qu’il détournera allègrement, Andrei Tarkovski livre encore une fois son âme dans chacun des plans de cette oeuvre envoûtante.
Lieu de tous les fantasmes et de toutes les légendes, tabou absolu dont les autorités interdisent l’accès et dans lequel ils n’osent pas même se risquer, la Zone fascine. Qui a créé cette Zone ? Pour quelle raison ? Inconnue effrayante, beaucoup n’en sont pas revenus. Aucune rationalité ne semble avoir de prise sur elle. Les règles de la physique la plus élémentaire ne s’appliquent pas là où la ligne droite n’est pas le plus court chemin et où on ne peut revenir sur ses pas. Mais que viennent y chercher ceux qui bravent le danger ? "Le bonheur" suppose le Stalker. Car elle laisse passer "ceux qui n’ont plus aucun espoir ; ni les bons ni les mauvais, mais les malheureux". Lui-même est de ceux-là, laissé pour compte de la société ne vivant que pour la Zone. "Je me sens partout en prison" et la Zone est son refuge, son Eden, le seul endroit où il se sente vivre, ce que les hommes n’ont pas souillé, l’endroit le plus calme du monde, l’espace du dernier espoir. Tel un conservateur, il défend qu’on y touche quoi que ce soit.
Tarkovski oppose formellement la vision d’un monde en déliquescence, pollué et stérile, filmé dans un sépia maladif, à une Zone verdoyante et sauvage – où la nature a eu raison des entreprises humaines, où les voitures, les édifices ne sont plus que des ruines envahies par l’herbe virginale – magnifiée par l’usage d’une couleur pure et apaisante. La musique d’Edouard Artemiev, symbiose de mélodies ancestrales portées par le souffle de l’air et de nappes synthétiques contribue à l’ambiance hypnotique qu’exerce le film.
Observant une unité de temps, d’espace et d’action, Tarkovski démontre la capacité du cinéma à scruter la vie, sans ingérence grossière dans son écoulement. En 144 plans, il nous invite à pénétrer avec lui le destin de ses personnages, à les suivre dans leur progression jusqu’au "moment le plus important de leur vie", à vivre ce pèlerinage qui nous déleste de nos certitudes arrogantes pour retrouver le rêve, la magie et la foi. Ode à l’humilité, à la puissance des faibles, Stalker nous convie à retrouver notre substance originelle, à nous imprégner de cette eau sacrée qui nous rendra moins secs, à nous agenouiller, à nous coucher dans les herbes fraîches pour contempler en silence la beauté insondable plutôt que de défier debout un monde déjà hostile.
Tarkovski accouche ici d’une œuvre qui l’a durement éprouvé. Un an de tournage fut perdu à cause d’une mauvaise émulsion au laboratoire. Lui qui clamait que "le cinéaste appartient au cinéma et non le contraire" puise dans la force de son message l’énergie de retourner le film en entier avec une fraction du budget alloué, assumant aussi le rôle de décorateur, et le bouclant dans le délai requis.
Apprentissage de la foi, plaidoyer pour la renaissance de l’espoir, métaphore de la création artistique, éloge de la nature et de ceux qui souffrent, Stalker est tout cela et bien plus encore. Sa charge humaniste et métaphysique en font une réflexion intemporelle et inépuisable, sa puissance esthétique et sa densité poétique une œuvre rare et déroutante, qui nous fait perdre pied de la réalité pour lui substituer une vérité sublime, fragile et rédemptrice.
S’il est des films on ne ressort pas indemne, de ceux de la dimension de Stalker on ne ressort jamais vraiment.
Tarkovski parvient presque à nous faire croire en Dieu ou du moins à nous redonner foi en ce monde car son Cinéma qui cherche à tendre vers la perfection et la spiritualité est l'expression d'un monde absurde dont la souffrance reste d'un mystère... absolu. Pourquoi Andréï Roublev nous redonne t-il foi ? Pour sa scène finale, bon Dieu, qu'elle est belle ! Avec ce Génie, créateur de cloches, qui s'est élevé puisqu'il avait foi en son projet, et Roublev, devant les pleurs du jeune adolescent qui reprend espoir à son tour. Pourquoi Stalker nous redonne t-il foi ? Là aussi pour sa scène finale, celle où une jeune fille pousse de ses yeux un verre d'eau : la science (donc le rationnel : le monde extérieur, le scientifique) n'est pas en mesure de démontrer l'impossibilité du miracle et donc l'existence de Dieu. Et cet oiseau qui s'envole de la main du malade du Miroir ? Pour Tarkovski, la réussite de l'Enfance d'Ivan tient du miracle : « C'est après avoir achevé l'Enfance d'Ivan que j'eus le pressentiment que le Cinéma était à la portée de la main . Un miracle avait eu lieu : le film était réussi. Quelque chose d'autre était maintenant exigé de moi : il me fallait comprendre ce qu'était le Cinéma ». « Je crois que la motivation principale d'une personne qui va au cinéma est une recherche du temps : du temps perdu, du temps négligé, du temps à retrouver. Elle y va pour chercher une expérience de vie, parce que le cinéma comme aucun art, élargit, enrichit, concentre l'expérience humaine. Plus qu'enrichie, son expérience est rallongée, rallongée considérablement. Voilà où réside le véritable pouvoir du cinéma et non dans les stars, les aventures ou la distraction. Et c'est aussi pourquoi, au cinéma, le public est davantage un témoin qu'un spectateur. Quel est alors l'essentiel du travail d'un réalisateur ? De sculpter dans le temps. Tout comme un sculpteur, en effet, s'empare d'un bloc de marbre, et, conscient de sa forme à venir, en extrait tout ce qui ne lui appartiendra pas, de même le cinéaste s'empare d'un "bloc de temps", d'une masse énorme de faits de l'existence, en élimine tout ce dont il n'a pas besoin, et ne conserve que ce qui devra se révéler comme les composants de l'image cinématographique. Une opération de sélection en réalité commune à tous les arts ».
Au final, le travail de Tarkovski est à l'image du monde idéal que s'imagine le cinéaste, qui ne prendra forme que lorsque l'Homme aura pris conscience de ses erreurs mais Tarkovski a foi, espoir et confiance en lui, ce monde allierait les piliers du monde : la Philosophie, la Religion (" - Je crois en la Russie... en l'orthodoxie... en l'Homme... - Et en Dieu ? Croyez-vous en Dieu ? - Je... Je croirai en Dieu ", magnifique extrait des Possédés de Dostoïevski qui exprime à merveille le désarroi actuel de la foi perdue chez l'Homme) et surtout l'Art (« Si l'artiste existe c'est parce que le monde n'est pas parfait ») car comme disait Dostoïevski (auteur préféré de Tarkovski) : « Seule la beauté peut sauver le monde ».
https://www.dailymotion.com/video/x29w27_stalker-de-tarkovski_creation
Filmographie
1960 : Le Rouleau compresseur et le violon
1962 : L'Enfance d'Ivan
1966 : Andrei Roublev
Russie médiévale, à l’époque des invasions tartares et de la résurgence du paganisme : le célèbre peintre d’icônes Andreï Roublev commet un meurtre pour sauver une jeune fille d’un viol au cours d’un massacre collectif dans une église. Il renonce alors à son art et fait vœu de silence pendant dix années de pénitence. La famine et la peste surviennent mais l’invasion a prit fin et la Russie reconstruit néanmoins des églises. La construction d’une cloche gigantesque, menée miraculeusement à bien par un adolescent, lui redonne le courage de peindre.
D'autes, plus rares, aux yeux fendus, n'ont pas choisi cette expression comme un goût exacerbé, un désir fou de tracer, d'exprimer un style; ils ont été traversés par un faisceau, le cinéma s'est installé en eux et les a habités.
Andreï Tarkovski est par sa démarche titubante de voyant , imprégnant la pellicule de sa rage, l'un des plus exigeants chimistes de l'image. Il n'a cessé de déclarer la cessation de l'homme, sa rupture avec l'arc incandescent qui lui tendait un zest de vraie nudité, base absolue vers sa plus grande intensité.Toute la démarche d'Andreï s'esquisse sur nos fondements, sur notre peau, seule cloison acceptable entre notre vide et l'infini lacté ou l'oeil immense de Dieu, pour Tarkovski .
Tous ses films que j'ai bus, comme " Stalker ", " Andreï Roublev" ou encore le définitif " Le Sacrifice " m'ont asséchés, rendus la soif d'une vulgarité enfin éradiquée , d'un absolu de la chair ayant retrouvé sa fin, libérée du superflu et de la terrible chaîne des biens.
A chaque seconde, son souffle nous apparaît, comme le long ahanement d'un réquisitoire sous-cutané: " Pourquoi es-tu sorti de la lumière ? "
Ses films tremblent en nous comme un arrêt sur soi, la découpe en lamelles de nos petits gains sur le temps, où pourtant est déjà inscrite la dérisoire silhouette finale.Croyant ou non, cette oeuvre décolle l'être de son poids et ne le lâche pas d'une brûlure, d'une inquiétude.
Cette interrogation constante n'en finit pas de résonner dans le silence de nos vies, et a intrigué en son temps les maîtres de l'URSS, n'acceptant pas le coup de ciseau dans le monde socialiste, gardien du matérialisme historique, science faisant de l'homme concret un produit de son activité et le résultat de son histoire qui est déterminée par les conditions économiques .Certitude qui n'en a pas fini de heurter les boîteux de l'absolu comme Andréï Tarkovski
Andreï Tarkovski (en cyrillique Андре́й Арсе́ньевич Тарко́вский) est un réalisateur russe né le 4 avril 1932 à Zavraje (Russie) province d’Ivanovo sur la Volga et mort le 28 décembre 1986 à Paris d'un cancer du poumon.
Biographie
Fils du poète Arseni Tarkovski, il étudie la musique, la peinture, la sculpture, l’arabe ; travaille comme géologue en Sibérie. En 1956 seulement, il entre au VGIK (Institut central du cinéma de l’URSS), à Moscou. Il y suit pendant quatre ans la classe de Mikhaïl Romm, dont il dit : « Ce maître m’a appris à être moi-même. » En 1960, il réalise son film de fin d’études : Le Rouleau compresseur et le violon.
Son œuvre teintée de mysticisme est l'une des plus originales du cinéma du XXe siècle. Andreï Tarkovski est souvent considéré par la critique comme un des maîtres du 7e Art à l'égal d'Ingmar Bergman, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini. Les thèmes chers à Tarkovski sont la présence de la terre, la solitude des êtres et leurs rêves, la spiritualité.
Il décède des suites d'un cancer le 28 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine (France). Il est enterré au cimetière russe orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Citations « Celui qui trahit une seule fois ses principes perd la pureté de sa relation avec la vie. Tricher avec soi-même, c'est renoncer à tout, à son film, à sa vie. » Andreï Tarkovski.
« La liaison et la logique poétique au cinéma, voilà ce qui m'intéresse. Et n'est-ce pas ce qui convient le mieux au cinéma, de tous les arts celui qui a la plus grande capacité de vérité et de poésie ? » Andreï Tarkovski, Le Temps scellé.
"Le cinéma, c'est l'art de sculpter le temps" Andreï Tarkovski "Le Temps Scellé"
« L'image n'est pas une quelconque idée exprimée par le réalisateur, mais tout un monde miroité dans une goutte d'eau. », Andreï Tarkovski
Œuvre
« Quand je découvris les premiers films d'Andréï Tarkovski, ce fut pour moi un miracle. Je me trouvais, soudain, devant la porte dont jusqu'alors la clé me manquait. Une chambre où j'avais toujours voulu pénétrer et où lui-même se sentait parfaitement à l'aise. Je me vis encouragé et stimulé : Quelqu'un venait d'exprimer ce que j'avais toujours voulu dire sans savoir comment. Si Tarkovski est pour moi le plus grand, c'est parce qu'il apporte au cinématographe, dans sa spécificité, un nouveau langage qui lui permet de saisir la vie comme apparence, comme songe ».
- Ingmar Bergman -
L'œuvre cinématographique d'Andréï Tarkovski est incontestablement l'incarnation d'une philosophie, le support d'une pensée d'un artiste, déployée dans la sphère du visible : le Cinéma. Ce Génie russe est, avant d'être un philosophe de l'image, du visuel, un artiste de la sensation qui, avant la lecture, « l'analyse » de l'œuvre, arrive à précipiter le spectateur dans un mouvement corporel, actif et spirituel. Tarkovski arrive à aller dans les deux sens : Soit on peut être touché par la grâce de la beauté de son Cinéma et puis donc approfondir et chercher à comprendre ce qu'il veut nous dire, ou au contraire, par ce qu'il nous dit (ou ce que malgré lui, nous dit), l'accès à l'émotion se fait.
Mais ce que voulait Tarkovski n'était pas de se faire comprendre du public mais d'arriver à le saisir, le toucher par la grâce et puis seulement par après, de proposer ses opinions ou idées : "J'aimerai que ceux qui soient en accord avec mes propos, même partiellement, deviennent pour moi des alliés, des âmes sœurs" et c'est sur cette parole qu'il clôt son Temps Scellé, ouvrage multipliant réflexions sur le monde et le cinéma. On pourrait être tenté de dire que les plus grands cinéastes sont les cinéastes philosophes et que Tarkovski apparaît donc comme l'un des plus grands réalisateurs du monde puisqu'il arrivait à exprimer l'inexprimable : l'absolu. De ce point de vue là, Stalker se montre alors comme l'une des œuvres centrales de l'œuvre tarkovskienne puisque la Zone peut être vu comme l'incarnation de l'absolu et que tout comme le Stalker, Tarkovski tente de le viser avec la « logique poétique » qui fait naître l'espoir, la foi en l'absolu. On ne pourrait pas parler de pessimisme et d'optimisme chez Tarkovski puisque pour lui, ces deux « notions » n'existaient pas (« un pessimiste est un optimiste bien informé » aimait-il à se répéter) et que seul l'espoir était « vrai » : « L'espoir est le propre de l'Homme » écrit le cinéaste dans le Temps Scellé.
Stalker apparaît comme un film ayant surgi de la concentration de la parole de Tarkovski, sur le fonds comme sur la forme: dans un pays indéterminé, la Zone est une région mystérieuse, dangereuse, où seuls les Stalkers, des passeurs, osent s'aventurer. L'un d'eux tente d'emmener un écrivain et un physicien à l'intérieur de cette Zone, jusqu'à une chambre où leurs désirs les plus chers pourront être exaucés.L'abandon de leurs pauvres vies s'effectue à bord d'un véhicule à traction mannuelle, dont le bruit lancinant rythme cette fuite d'une douleur suspendue.
La zone où ils arrivent est un lieu où tous les désirs s'accomplissent, où l'harmonie entre les hommes se consume. Cette zone est surveillée par des blindés, half-tracks, don interdite à l'accès, de peur que le toucher de cette région idéale ne donne envie aux hommes d'en communiquer le secret, par contagion , à la ville dont ils sont issus.
"Devenu sec et dur, il meurt." Osant la métaphore de l’arbre pour désigner l’homme, la phrase du Stalker résonne comme un avertissement à un monde matérialiste débarrassé de ses illusions. S’inspirant d’une nouvelle de science-fiction des frères Strougatsky qu’il détournera allègrement, Andrei Tarkovski livre encore une fois son âme dans chacun des plans de cette oeuvre envoûtante.
Lieu de tous les fantasmes et de toutes les légendes, tabou absolu dont les autorités interdisent l’accès et dans lequel ils n’osent pas même se risquer, la Zone fascine. Qui a créé cette Zone ? Pour quelle raison ? Inconnue effrayante, beaucoup n’en sont pas revenus. Aucune rationalité ne semble avoir de prise sur elle. Les règles de la physique la plus élémentaire ne s’appliquent pas là où la ligne droite n’est pas le plus court chemin et où on ne peut revenir sur ses pas. Mais que viennent y chercher ceux qui bravent le danger ? "Le bonheur" suppose le Stalker. Car elle laisse passer "ceux qui n’ont plus aucun espoir ; ni les bons ni les mauvais, mais les malheureux". Lui-même est de ceux-là, laissé pour compte de la société ne vivant que pour la Zone. "Je me sens partout en prison" et la Zone est son refuge, son Eden, le seul endroit où il se sente vivre, ce que les hommes n’ont pas souillé, l’endroit le plus calme du monde, l’espace du dernier espoir. Tel un conservateur, il défend qu’on y touche quoi que ce soit.
Tarkovski oppose formellement la vision d’un monde en déliquescence, pollué et stérile, filmé dans un sépia maladif, à une Zone verdoyante et sauvage – où la nature a eu raison des entreprises humaines, où les voitures, les édifices ne sont plus que des ruines envahies par l’herbe virginale – magnifiée par l’usage d’une couleur pure et apaisante. La musique d’Edouard Artemiev, symbiose de mélodies ancestrales portées par le souffle de l’air et de nappes synthétiques contribue à l’ambiance hypnotique qu’exerce le film.
Observant une unité de temps, d’espace et d’action, Tarkovski démontre la capacité du cinéma à scruter la vie, sans ingérence grossière dans son écoulement. En 144 plans, il nous invite à pénétrer avec lui le destin de ses personnages, à les suivre dans leur progression jusqu’au "moment le plus important de leur vie", à vivre ce pèlerinage qui nous déleste de nos certitudes arrogantes pour retrouver le rêve, la magie et la foi. Ode à l’humilité, à la puissance des faibles, Stalker nous convie à retrouver notre substance originelle, à nous imprégner de cette eau sacrée qui nous rendra moins secs, à nous agenouiller, à nous coucher dans les herbes fraîches pour contempler en silence la beauté insondable plutôt que de défier debout un monde déjà hostile.
Tarkovski accouche ici d’une œuvre qui l’a durement éprouvé. Un an de tournage fut perdu à cause d’une mauvaise émulsion au laboratoire. Lui qui clamait que "le cinéaste appartient au cinéma et non le contraire" puise dans la force de son message l’énergie de retourner le film en entier avec une fraction du budget alloué, assumant aussi le rôle de décorateur, et le bouclant dans le délai requis.
Apprentissage de la foi, plaidoyer pour la renaissance de l’espoir, métaphore de la création artistique, éloge de la nature et de ceux qui souffrent, Stalker est tout cela et bien plus encore. Sa charge humaniste et métaphysique en font une réflexion intemporelle et inépuisable, sa puissance esthétique et sa densité poétique une œuvre rare et déroutante, qui nous fait perdre pied de la réalité pour lui substituer une vérité sublime, fragile et rédemptrice.
S’il est des films on ne ressort pas indemne, de ceux de la dimension de Stalker on ne ressort jamais vraiment.
Tarkovski parvient presque à nous faire croire en Dieu ou du moins à nous redonner foi en ce monde car son Cinéma qui cherche à tendre vers la perfection et la spiritualité est l'expression d'un monde absurde dont la souffrance reste d'un mystère... absolu. Pourquoi Andréï Roublev nous redonne t-il foi ? Pour sa scène finale, bon Dieu, qu'elle est belle ! Avec ce Génie, créateur de cloches, qui s'est élevé puisqu'il avait foi en son projet, et Roublev, devant les pleurs du jeune adolescent qui reprend espoir à son tour. Pourquoi Stalker nous redonne t-il foi ? Là aussi pour sa scène finale, celle où une jeune fille pousse de ses yeux un verre d'eau : la science (donc le rationnel : le monde extérieur, le scientifique) n'est pas en mesure de démontrer l'impossibilité du miracle et donc l'existence de Dieu. Et cet oiseau qui s'envole de la main du malade du Miroir ? Pour Tarkovski, la réussite de l'Enfance d'Ivan tient du miracle : « C'est après avoir achevé l'Enfance d'Ivan que j'eus le pressentiment que le Cinéma était à la portée de la main . Un miracle avait eu lieu : le film était réussi. Quelque chose d'autre était maintenant exigé de moi : il me fallait comprendre ce qu'était le Cinéma ». « Je crois que la motivation principale d'une personne qui va au cinéma est une recherche du temps : du temps perdu, du temps négligé, du temps à retrouver. Elle y va pour chercher une expérience de vie, parce que le cinéma comme aucun art, élargit, enrichit, concentre l'expérience humaine. Plus qu'enrichie, son expérience est rallongée, rallongée considérablement. Voilà où réside le véritable pouvoir du cinéma et non dans les stars, les aventures ou la distraction. Et c'est aussi pourquoi, au cinéma, le public est davantage un témoin qu'un spectateur. Quel est alors l'essentiel du travail d'un réalisateur ? De sculpter dans le temps. Tout comme un sculpteur, en effet, s'empare d'un bloc de marbre, et, conscient de sa forme à venir, en extrait tout ce qui ne lui appartiendra pas, de même le cinéaste s'empare d'un "bloc de temps", d'une masse énorme de faits de l'existence, en élimine tout ce dont il n'a pas besoin, et ne conserve que ce qui devra se révéler comme les composants de l'image cinématographique. Une opération de sélection en réalité commune à tous les arts ».
Au final, le travail de Tarkovski est à l'image du monde idéal que s'imagine le cinéaste, qui ne prendra forme que lorsque l'Homme aura pris conscience de ses erreurs mais Tarkovski a foi, espoir et confiance en lui, ce monde allierait les piliers du monde : la Philosophie, la Religion (" - Je crois en la Russie... en l'orthodoxie... en l'Homme... - Et en Dieu ? Croyez-vous en Dieu ? - Je... Je croirai en Dieu ", magnifique extrait des Possédés de Dostoïevski qui exprime à merveille le désarroi actuel de la foi perdue chez l'Homme) et surtout l'Art (« Si l'artiste existe c'est parce que le monde n'est pas parfait ») car comme disait Dostoïevski (auteur préféré de Tarkovski) : « Seule la beauté peut sauver le monde ».
https://www.dailymotion.com/video/x29w27_stalker-de-tarkovski_creation
Filmographie
1960 : Le Rouleau compresseur et le violon
1962 : L'Enfance d'Ivan
1966 : Andrei Roublev
Russie médiévale, à l’époque des invasions tartares et de la résurgence du paganisme : le célèbre peintre d’icônes Andreï Roublev commet un meurtre pour sauver une jeune fille d’un viol au cours d’un massacre collectif dans une église. Il renonce alors à son art et fait vœu de silence pendant dix années de pénitence. La famine et la peste surviennent mais l’invasion a prit fin et la Russie reconstruit néanmoins des églises. La construction d’une cloche gigantesque, menée miraculeusement à bien par un adolescent, lui redonne le courage de peindre.