En pièce jointe, et copié-collé ci-dessous, leurs compte-rendus.
Cordialement
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Une visite dans un centre de rétention est bien traumatisante pour plusieurs raisons, même pour quelqu'un qui a déjà visité des prisons.
En effet on rencontre des "prisonniers" qui ne sont pas en règle administrativement, mais qui ont été arrêtés non au hasard ou pour un délit,mais uniquement suite à leur singularité d'origine ethnique...On n'est pas fiers de ce système en vigueur!Ils sont détenus sans savoir ce qui va leur arriver, ni dans quel délai.Ils subissent des "cycles" de rétention, puis de prison, justifiés par leur souci de ne pas être expulsés, mais réprimés sévèrement par des méthodes juridiques d'un autre temps. Par rapport à un délinquant "ordinaire" connaissant ses erreurs et la "règle" du jeu, quel traumatisme pour ces personnes souvent seules ou en charge de famille. qui n'y comprennent rien...L'incertitude et la crainte permanentes!!! Quel désespoir!!!
Ils sont détenus dans des locaux neufs, avec des grilles, des caméras, des gendarmes mobiles en grand nombre, formés au maintien de l'ordre et non au métier de gardien.Ces personnes en rétention sont certainement très dangereuses puisque par rapport aux moyens des prisons "ordinaires" ceux des centres sont sans pareils. Où sont nos priorités? Le centre visité à Metz pour la région, est tout neuf.... Il va être désaffecté et remplacé par un nouveau construit ailleurs dans l'agglomération messine et de capacité
triple!!!
Après cette visite, on se demande:Pourquoi de telles méthodes avilissantes, ? Pourquoi une telle mobilisation de moyens en argent et personnel ? Où en est notre pays du point de vue du respect de la dignité humaine et de l'équité.?
Tout cela pour plaire à qui, pour recueillir quels suffrages ?
Tous ceux qui ont fait ces lois et qui les appliquent dorment ils en paix ?
En tous cas, nous, cet après midi, nous avions honte.
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Visite au Centre de Rétention Administrative de Metz
Après discussions en réunion de RESF-54, nous avons décidé de rendre visite à quelques « retenus » du Centre de Rétention Administrative (CRA) de Metz (la condition pour pénétrer dans un CRA est de donner le nom d¹une personne « retenue »).
Six d¹entre nous se sont portés volontaires : trois groupes de deux (un élu et un non-élu).
Le 1er mars 2008, grâce à l¹aide de militants de RESF-57, rompus, eux, à ce genre
d¹action, nous nous sommes donc rendus au CRA de Metz qui se trouve au sein
d¹une caserne désaffectée dans un quartier de petites maisons coquettes. Nous nous approchons de la caserne, énorme, lugubre, entourée de hauts murs hérissés
de pics métalliques. La grille rouillée grince. Nous entrons et nous dirigeons vers une petite guérite en préfabriqué. Le gendarme de service nous demande d¹attendre
à l¹extérieur où deux autres personnes attendent déjà. En effet, les deux parloirs
disponibles dans le CRA sont occupés. Peu de temps après, nous entrons, déposons nos pièces d¹identité, recevons un badge « visiteur » parfaitement inutile puisque nous serons en permanence escortés par un gendarme.Nous passons sous un porche et découvrons une immense cage, toute neuve. A l¹intérieur, des bâtiments préfabriqués, tout neufs. Le sol de la cour de la caserne a été recouvert d¹une épaisse couche de bitume sur laquelle ont été installées des grilles hautes de plusieurs mètres, bien solides, couronnées par trois rangées de barbelés.Impossible de s¹évader : ni par le haut, ni en creusant un trou sous les grilles.
Une véritable prison !
Impression renforcée encore par la présence de projecteurs dont nous apprendrons qu¹ils sont allumés toute la nuit. La porte d¹entrée de l¹enclos est fermée à clé.
Le gendarme nous introduit dans l¹enclos. Des « retenus » qui sont là nous saluent.
Après avoir déposé nos affaires (sacs, portables, briquets, etc) dans un casier dont on nous confie la clé, nous devons donner chacun nos nom et prénom qui sont soigneusement consignés dans un registre, puis un gendarme nous contrôle avec un détecteur de métaux. Nous devons reconnaître que les gendarmes sont corrects, et à ce que nous observons, les relations avec les retenus ne semblent pas tendues.
Nous sommes cependant frappés par le nombre de gendarmes présents. La capacité
maximum de ce CRA est de 30 personnes. Aujourd¹hui les « retenus » sont une vingtaine,dont quatre femmes. Pas de famille (le couple avec bébé a été relâché).
Et il y a bien une quinzaine de gendarmes. Donc sur 24 h il doit y avoir 45 gendarmes
mobilisés pour garder 30 personnes. Quel déploiement de forces ! A quel prix : salaires,
construction de l¹enclos, prix des préfabriqués etc !
Le gendarme nous conduit dans un des deux parloirs. Quelques instants plus tard, E.,
la jeune fille à laquelle nous rendons visite, entre. Une toute jeune Africaine, fragile, sourire timide. Elle ne parle pas français. Nous parlons donc anglais avec elle.
Son histoire : étudiante (3 ans d¹économie, elle voudrait travailler dans une banque). En danger dans son pays pour opposition politique, elle est partie pour le Luxembourg où réside un cousin. Elle voulait demander un titre de séjour étudiant. Un jour un ami l¹a emmenée en voiture pour rendre visite à un autre ami ; ils ont traversé la frontière. Contrôle routier.
E, sans papiers, est donc arrêtée et conduite au CRA. Elle ne peut apporter la preuve de son séjour au Luxembourg. Au centre de rétention, une personne de la CIMADE (seul organisme habilité à aider les « retenus » des CRA dans leurs démarches administratives) l¹a aidée. E.a fait une demande d¹asile à l¹OFPRA ; son dossier a été traité en urgence et sa demande rejetée.Nous poursuivons la conversation en lui demandant si elle est bien traitée.Cela dépend, dit-elle. Visiblement elle supporte mal que la plupart des
gendarmes cognent à la porte de sa chambre au lieu de frapper. Elle nous raconte, choquée, comment elle a été escortée pour aller au Tribunal administratif de Strasbourg : en voiture,menottée. A l¹arrivée, lorsqu¹elle a voulu se rendre aux toilettes, le gendarme lui a enlevé les menottes pour entrer dans une toilette et l¹a attendue juste devant pour la re-menotter en sortant comme une dangereuse criminelle!A aucun moment la jeune fille ne se plaint, elle ne fait que répondre à nos questions.
Elle nous dit qu¹elle est bien nourrie. Nous n¹avons pas pensé à lui demander si elle arrivait à dormir la nuit. Probablement mal, comme tous les « retenus » noués
par l¹angoisse.Nous tenons à expliquer à E. que nous avons honte de la manière dont
la France traite les étrangers.La demi-heure réglementaire de visite se termine, nous embrassons E. Elle nous remercie de tout coeur d¹être venus. Le gendarme, qui nous a attendu derrière la porte pendant tout ce temps, nous reprend en charge. E. se dirige vers sa chambre, nous nous faisons de loin un dernier au-revoir de la main. Nous avons le coeur serré. Nous ne la reverrons plus. Que deviendra-t-elle ? Le ministère de l¹immigration s¹en moque. Pas nous !
Nous reprenons nos affaires, nous sortons de l¹enclos, les « retenus » que nous avons
vus en entrant nous sourient, veulent nous offrir du chocolat, nous disent au-revoir. D¹où viennent-ils ? D¹un pays où ils ont été maltraités, emprisonnés, torturés ?
Quelle est leur histoire ? Que deviendront-ils ? Seront-ils renvoyés dans leur pays ?
Ils sont assez jeunes.Combien de temps leur reste-t-il à vivre avec la bénédiction de la France ?
Nous nous dirigeons vers la sortie de la caserne, reprenonspapiers, prenons congé du
gendarme qui nous a escorté. Dehors, les coquettes petites maisons, en face de la caserne, la vie normale.Nous sommes tristes, mais aussi révoltés et cette visite nous a
renforcés dans notre détermination à nous battre.
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"Le paradis sur terre".
Visite au centre de rétention de Metz caserne Devallières 1er mars 2008
But de la visite : associer des élus qui ne sont pas en campagne électorale,
et des personnes issues de la société civile pour donner un coup de projecteur sur le
centre de rétention de Metz. Les médias sont invités.
Trois élus et trois membres du RESF et de la LDH se sont donc déplacés à Metz. Nous avons décidé de nous répartir en trois groupes de deux personnes (un élu - un
non élu)
Les visites ne sont pas « libres ». Pour trente personnes retenues, il y a 10 gendarmes
constamment présents (ce qui signifie qu¹avec la « relève» c¹est une trentaine d¹hommes mobilisés, ce qui fera dire à Michel au moment de nos retrouvailles devant
la caméra que les moyens sont énormes et que nous préférerions les avoir pour les écoles ou les hôpitaux !) deux parloirs : il faut donc attendre son tour, sur le trottoir, hors de la caserne. Les visites sont possibles entre 15 heures et 17 heures. Chaque visite est limitée à trente minutes.L¹entrée au centre de rétention n¹est pas facile. Il faut déposer à l¹entrée sa carte d¹identité,échangée avec un badge de visiteur, et donner le nom de la personne qu¹on vient voir.Une fois les visiteurs précédents sortis nous pouvons entrer à notre tour.Il faut donner le nom de la personne que nous voulons voir.Un gendarme très jeune et très correct nous escorte dans la caserne. Il ne s¹éloignera pas de nous, jusque notre sortie. Passés sous un porche vieux comme la
caserne, nous arrivons dans la cour intérieure. Le contraste entre ce que nous découvrons et les bâtiments militaires vétustes qui nous entourent est frappant. La cour est aménagée en cour de prison. De hauts grillages couronnés de nouveaux barbelés cernent des préfabriqués blancs flambant neufs. D¹énormes spots pointent vers la cour, et des caméras boules surveillent les lieux en permanence.Le gendarme nous conduit dans un premier préfabriqué, dans lequel nous devons à nouveau décliner notre identité, qui est notée dans un cahier. Puis nous commençons à déposer nos affaires personnelles. Le téléphone portable, qui peut prendre des photos,est rapidement mis
de côté, comme mon appareil photo. Philippe doit déposer son cartable, ce qui commence à poser problème car il serait trop gros pour entrer dans le casier. « Vous le saviez » dit le gradé. « Non c¹est la première fois que je viens » répond Philippe.
La tension monte un peu,car il serait interdit d¹amener des affaires volumineuses ou des
appareils photo dans le centre. Un gendarme me passe au détecteur de métaux. Tout va bien;je peux m¹asseoir et attendre Philippe, qui ne sait toujours pas si on acceptera de prendre son cartable en dépôt ou non. Près de nous une conversation assez tendue se tient en italien, ce qui n¹apaise pas l¹ambiance. Finalement, la tension baisse et Philippe passe à son tour au détecteur. Nous sommes alors conduits dans l¹enclos, fermé à clé.
Nous saluons des « retenus », qui nous saluent à leur tour. Ils semblent assez détendus et parlent entre eux, en petits groupes sur le perron de leurs préfabriqués aménagés en chambres.Nous n¹y entrerons pas. Nous sommes guidés jusqu¹au préfabriqué dans
lequel sont aménagés les deux parloirs. Nous entrons dans une pièce neutre, propre, blanche, une table et trois chaises, et une afficheSde prévention contre le sida ! Une fenêtre nous permet de voir les autres retenus dans la cour les projecteurs et les caméras. Monsieur M nous explique que les projecteurs sont allumés toute la nuit.
Ayant demandé à voir Monsieur M., celui-ci arrive rapidement. Il faut dire qu¹au centre de rétention, les distances sont courtes. Le gendarme ferme la porte, et reste dans le couloir. Tout le long de la visite nous verrons le haut de son crâne par la vitre.
Nous nous présentons à Monsieur M, et exposons le but de notre visite. Il semble assez
surpris, mais il n¹est pas sur ses gardes. Monsieur M. dit être français. Il a grandi en
Guadeloupe, et ses parents sont décédés lorsqu¹il était très jeune. Il a été élevé par une autre famille, peu aimante, et a dû aller travailler dans les champs de bananiers très tôt. Il ne s¹est jamais vraiment occupé de sa situation administrative, il devait d¹abord
penser à se nourrir.Arrivé en métropole vers 14-15 ans, il vivote de petits métiers.
Entre temps, il a récupéré son acte de naissance. Au moment d¹aller renouveler sa carte d¹identité, il est interpellé par la police qui prétend que l¹acte de naissance est un faux. Monsieur M. ne comprend rien. Il est écroué et à sa sortie de prison la préfecture de Moselle prend à son encontre une obligation de quitter le territoire avec pour destination le Sénégal, puis le Cameroun, à défaut du Sénégal.« Pourquoi le Cameroun ? » ne cesse-t-il de demander. Son avocat envoie un recours au tribunal administratif en dehors du délai de 48 heures. Il est donc automatiquement rejeté.
Depuis son arrivée au centre de rétention de Metz, Monsieur M. cherche à obtenir des preuves de ce qu¹il avance. Mais sa famille adoptive ne semble pas lui avoir dit
la vérité. Il est actuellement en attente d¹une réponse du Consulat du Cameroun, qui
délivrera peut-être un laissez-passer, même s¹il n¹est pas camerounais. Il sera alors « reconduit » dans un pays qu¹il ne connaît pas, où il n¹a jamais vécu et où il n¹a ni attaches ni famille.Il semble prendre tout cela avec un fatalisme assez surprenant.
Monsieur M. ne se plaint pas. Il ne manque de rien. La Cimade apporte des livres. Le système de soins semble toutefois totalement défectueux. Comme des prisonniers,
on détermine si le retenu a besoin de voir un dentiste, un médecinS Mais il nous raconte
l¹histoire de cet Angolais devenu fou en rétention, qui a été très simplement soigné
par cachets, n¹a pas été transféré à l¹hôpital et est resté fou jusque son départ. Cette
affaire semble avoir choqué Monsieur M. Par la fenêtre, nous voyons un « retenu » se pencher bizarrement vers le mur du préfabriqué : il allume une cigarette avec un allume-cigare fiché dans le mur, puisque les briquets sont interdits. Monsieur M. Compare assez facilement le centre de rétention avec le système carcéral. Les chambres sont doubles, en prison, ils sont trois.Les retenus sont appelés chaque matin. Certes, les « retenus » peuvent sortir de leurs logements et se sortir dans la cour grillagée. Mais il ne peut oublier la présence des caméras ni celle des spots. Il ne peut oublier non plus le suicide d¹un retenu à Lyon, mais ici, c¹est plus calme.
L¹entretien est fini. Nous souhaitons bon courage à Monsieur M.,et sortons,accompagnés de notre gendarme. A la sortie du préfabriqué, un petit groupe de « retenus » asiatiques, deux hommes et une femme, converse. Le gendarme les contourne par derrière. La plupart du temps par derrière, souligne Philippe.
Le gendarme ouvre la grille. Nous récupérons nos affaires. Le gendarme d¹escorte nous
demande à nouveau si nous faisons partie d¹une association. Philippe lui explique ce qu¹est RESF, un réseau et non une association. Nous repassons le porche et retournons échanger à l¹accueil nos cartes d¹identité contre les badges de visiteurs. C¹est rare
qu¹on me demande comment prononcer mon nom de famille, d¹origine étrangère. Mais là,
l¹accent est bien prononcé lorsqu¹il s¹agit de me rendre mon précieux sésame. Voyant sur le trottoir en face de la caserne les deux autres groupes et les journalistes, le gendarme montre un léger agacement.La visite est finie. Il nous reste une sensation très désagréable, une boule sur l¹estomac ! et des questions : Pourquoi cet impressionnant dispositif ? Les gens du quartier en pensent quoi ? France toujours terre d¹accueil ? Ces personnes sont victimes de la volonté affichée de « faire du chiffre » !
Compte tenu que les médias n¹ont pas répondu à nos sollicitations (présence de FR3 mais le reportage n¹a pas été diffusé), nous avons décidé d¹écrire ces
témoignages.
Advienne que pourra !