COOPERATION

Quand il aime, Nicolas Sarkozy ne compte pas. Ni ses efforts, ni les compliments, ni les hyperboles. Au premier jour de sa visite d'Etat de trente-huit heures au Royaume-Uni, le président de la République a adressé une vibrante déclaration d'amour aux membres du Parlement britannique réunis pour la circonstance dans la Royal Gallery de Westminster. Debout, ceux-ci, qu'ils soient de la chambre des Lords ou des Communes, l'ont applaudi une bonne minute au terme de son discours.

"Thank you for your tremendous passion", l'a remercié madame la speaker de la chambre des Lords. Passion ? Qu'on en juge. Elevant le Royaume-Uni au rang "d'idéal humain et politique", faisant du système politique anglais "la pierre angulaire de toute démocratie", M. Sarkozy a d'abord adressé le "merci éternel" de la France "pour les sangs anglais, écossais, gallois, irlandais mêlés au sang français dans la boue des tranchées", pour "l'accueil du peuple britannique au général de Gaulle", pour sa "belle jeunesse se sacrifiant sur les plages et les bocages de Normandie". Et le chef de l'Etat de comparer la France et le Royaume-Uni à "deux frères plus forts l'un à côté de l'autre que l'un face à l'autre".

L'entente cordiale ? Dépassée. Paris veut désormais "une entente amicale", voire une "nouvelle fraternité franco-britannique pour le XXIe siècle". Ce tropisme anglais n'est pas neuf chez M. Sarkozy. Ministre de l'intérieur il a travaillé en harmonie avec son homologue de l'époque David Blunkett. Ministre des finances il a fait de même avec Gordon Brown avant que celui-ci devienne premier ministre. Candidat à la présidentielle, il avait fait deux voyages à Londres, le premier pour rencontrer Tony Blair, au grand dam de Jacques Chirac, le second pour tenir meeting dans cette ville qu'il considère comme "la septième ville française".

Devant les parlementaires, le chef de l'Etat n'a pas manqué, pour authentifier sa déclaration d'amour, de se référer à ce passé. Alors que les Britanniques doivent ratifier le traité de Lisbonne avant le 1er juillet, il a également voulu lever les dernières réticences de ses hôtes à l'égard de Bruxelles.

"L'Europe doit se construire sur des nations qui n'ont pas peur de leur identité", a-t-il dit. "Nos deux pays veulent une Europe qui respecte les identités, qui refuse la tentations bureaucratiques, qui ne cherche pas à imposer les mêmes normes partout", s'est-il encore enflammé, invitant le Royaume-uni qui bénéficie de nombreuses dérogations aux règles européennes, à prendre toute sa place parmi les 27 : "Aujourd'hui plus que jamais, l'Europe a besoin du Royaume-Uni".

A l'heure où le couple franco-allemand traverse des turbulences, à propos notamment de l'union pour la Méditerranée, le discours du chef de l'Etat français peut apparaître comme une opportunité de fortifier l'axe Paris-Londres. "Aujourd'hui, a-t-il dit, le moteur franco-allemand reste indispensable mais il n'est plus suffisant". Une déclaration de défiance vis-à-vis de la chancelière Angela Merkel ? "Pas du tout, se défend un conseiller de l'Elysée. Ce n'est pas parce que nous avons gagné deux guerres ensemble, qu'il nous faudrait ne plus rien faire". "Dialectique fausse et dépassée, balaie un autre, il faut sortir de cette opposition systématique".

Mais pour M. Sarkozy l'appui de Londres est toutefois déterminant pour atteindre les buts qu'il s'est fixé au plan international. "Nos deux pays ont une place éminente dans les institutions issues de la seconde guerre mondiale", a-t-il rappelé citant l'ONU, le FMI, et la banque mondiale. "Ces institutions doivent être réformées pour être plus justes, plus légitimes, plus fortes", a-t-il encore martelé.

Tout à son opération de séduction, le chef de l'Etat a dû néanmoins donner des gages sur sa volonté de réformer d'abord la France. "La France d'aujourd'hui s'est remise en marche, a-t-il assuré, dix jours après une défaite lourde pour l'UMP aux municipales. Je n'ai pas été élu pour m'incliner devant des fatalités".

S'il devait prendre un exemple de réforme, il le choisirait de préférence au Royaume-Uni qui "a montré que dans l'économie globale, il existait une voie pour atteindre une croissance forte, le plein emploi, la solidarité. La France doit apprendre à regarder ce que ses voisins ont fait plus fort et avant elle".

Aussi britannique à Londres qu'il était apparu américain à Washington, M. Sarkozy a semblé parfois céder aux petites facilités du discours amoureux, assurant que "la grandeur britannique avait souvent nourri ses rêves de jeunesse". Une piste inédite qu'il reviendra à ses prochains biographes d'explorer…