Collectif des 39…
…contre la nuit sécuritaire
Rencontre Nationale :
Quelle hospitalité pour la folie ?
Non:
- au retour des gardiens de fous
- au grand renfermement
- à l'abandon, au tri, à la mise à l'écart
Au programme : la question de l’industrialisation de la santé,
l’évaluation, les protocoles, la déshumanisation,puis un temps sur les
soins contraints et les dérives sécuritaires, l’usage systématisé des
chambres d’isolement et enfin la réflexion sur les moyens de
résistance, de coordination, pour défendre nos pratiques cliniques.
SAMEDI 28 NOVEMBRE 2009
à la maison de l'arbre et de la parole errante
9, rue François Debergues, à Montreuil.
Inscriptions :
http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/index.php?petition=7
Preprogramme de la journée du 28 novembre
Présentation "une politique pour la folie" par Guy Dana
table ronde n°1 « A l’heure de la rétention, de l’enfermement, et de
la banalisation de la contrainte »
Invité : Serge Portelli
Présidente de séance : Marie Cathelinau
Intervenants : Béatrice Benattar, Antoine Machto, Philippe Bichon, Elie Winter
Discutant : Michaël Guyader
Table ronde n°2 « A l’heure des protocoles et de
l’industrialisation des soins »
Invité :Yves Clot
Président de séance : Patrick Chemla
Intervenants : Serge Klopp, Bénédicte Maurin, Hervé Bokobza, Bruno
Tournaire-Bacchini
Table n°3 « Défendre la folie »
Invité : Patrick Coupechoux
Discutant : Roger Ferreri
Présidente de séance : Alexandra de Séguin
Table n°4 Convergences et Résistances : comment construire et
affermir un mouvement au sein de la psychiatrie ?
Président de séance : Mathieu Bellahsen
Invités: Jean Pierre Martin (politique de la peur), Remi Pottier
(Appel des appels)
1-Intercollectifs : politique de la peur et appel des appels
2-Collectifs des 39 : les 39 du 93, Val de la Folie, 17/89, Reims, Oise…
3- Perspectives: Actions menées, réflexions en devenir (et vice versa)
Toutes les tables rondes seront suivies d'un débat avec la salle
-------------------------------
Texte introductif àl'une des tables rondes de la journée de samedi 28
novembre 2009
A l’heure des protocoles et de l’industrialisation des soins
Tout acte de soins en psychiatrie s’articule autour d’une triade
incontournable : ce que je suis, ce que je sais, ce que je fais.
Cette articulation ne suppose aucun compromis, ne supporte aucune
préférence pour l’un ou l’autre de ces trois composants ; elle
détermine notre éthique, la soutient dans sa nécessaire et
indispensable réflexion que suscite tout acte soignant.
Cette éthique est une éthique du doute, de l’engagement, de
l’incertitude. En ce sens elle nous convoque à une évaluation
permanente de nos actes. Ainsi l’évaluation des pratiques
professionnelles est au cœur de notre profession.
Tout le travail d’un collectif soignant repose sur ce postulat :
échanger, confronter, améliorer, inventer. L’évaluation est alors un
mode vivant de construction d’une pensée autour, et avec les patients.
Elle participe dans ce contexte de l’évolution de la relation du
collectif soignant avec les patients.
Depuis les années 80, la discipline psychiatrique s’est trouvée
progressivement phagocytée par la dynastie du sigle (dms, dsm, rmo,
etc.) , tremplin à celle du chiffre : les logiques gestionnaires ,
sous couvert de meilleure utilisation de l’argent public , ont
progressivement mis en place une formidable machine de destruction de
la discipline .
Empruntée au management pratiqué dans les grandes multinationales la
démarche qualité devient le concept maitre de tout le discours
administratif. Celui-ci s’est largement abreuvé du langage clinique,
le passant à la machine de la rentabilité, nous nous trouvons
aujourd’hui dépossédé de notre outil de travail : la langue. Sous
couvert de la démarche qualité synonyme de la modernité des soins,
l’acte soignant est standardisé, uniformisé, quantifié. Dans les
institutions sanitaires et médicosociales, elle trouve ses
applications dans les démarches d’accréditation et de certification.
Se soumettre ou se démettre tel est l’enjeu fixé par les pouvoirs en
place. Mais se soumettre à quoi ? Tout d’abord se soumettre pour se
soumettre, introduire un processus de colonisation mentale à même de
nous entrainer à subir des diktats étrangers à notre pratique.
L’absurdité des référentiels et des protocoles qui les sous tendent
est destinée à nous aliéner au pouvoir administratif avec de graves
conséquences pour notre pratique : le pré pensé, le kit de bonne
conduite, le soin du protocole devraient devenir nos références
théoriques.
L’introjection d’une pratique surmoïque des plus basiques est
l’objectif recherché ; ainsi les rituels de soumission sociale ( RSS)
devraient accomplir leur œuvre destructrice en expropriant les
soignants de leur fonction première, à savoir l’élaboration par eux
mêmes et avec les patients de leur projet de soins.
L’attaque est inouïe, frontale, massive.
Elle balaie des décennies de praxis car elle dénie la position
subjective, elle chosifie le soignant, elle détériore l’existant, elle
annule dans ses attendus et ses prétentions ce qui fonde la pratique,
à savoir la question du sens.
Tout patient se pose toujours la question du pourquoi ou du comment ;
la même question est reprise par le soignant.
Les protocoles, les démarches accréditives , les démarches « qualité »
ignorent superbement ce fondement de notre discipline ; plus même
,elles le dénigrent, le rejettent.La question et la pensée
élaboratrice, qui s’en suit, ont disparu au profit d’une réponse
univoque, unilatérale, d’un savoir médical systématisé par
l’intériorisation des logiques administratives.
c’est une novlangue qui nous est imposée. Une véritable conversion
nous ordonnerait de dénier le fait psychopathologique, de ne plus
penser la folie, de ne plus imaginer que nos actes ont un sens /des
significations qui nous restent inconnues, et imprévisibles. Il nous
faudrait promouvoir le raisonnement au scalpel, l’asepsie de l’espace
mental, le blanc de l’a-conflictualité psychique.
Kant, déjà affirmait : « Tout a ou bien un prix ou bien une dignité.
ON peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ; en revanche,
ce qui n’a pas de prix et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède
une dignité ».
Garder sa dignité devient difficile, quand tout est quantifié au
chiffre et à la virgule prêt, même quand il s’agit de rencontrer,
d’écouter un autre qui souffre.
Comment résister ? Comment créer ?
Nous essaierons lors de la deuxième table ronde de cette rencontre
nationale de chercher ensemble des éléments de réponse à ces graves
questions
Par Herve Bokobza, du groupe des 39
…contre la nuit sécuritaire
Rencontre Nationale :
Quelle hospitalité pour la folie ?
Non:
- au retour des gardiens de fous
- au grand renfermement
- à l'abandon, au tri, à la mise à l'écart
Au programme : la question de l’industrialisation de la santé,
l’évaluation, les protocoles, la déshumanisation,puis un temps sur les
soins contraints et les dérives sécuritaires, l’usage systématisé des
chambres d’isolement et enfin la réflexion sur les moyens de
résistance, de coordination, pour défendre nos pratiques cliniques.
SAMEDI 28 NOVEMBRE 2009
à la maison de l'arbre et de la parole errante
9, rue François Debergues, à Montreuil.
Inscriptions :
http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/index.php?petition=7
Preprogramme de la journée du 28 novembre
Présentation "une politique pour la folie" par Guy Dana
table ronde n°1 « A l’heure de la rétention, de l’enfermement, et de
la banalisation de la contrainte »
Invité : Serge Portelli
Présidente de séance : Marie Cathelinau
Intervenants : Béatrice Benattar, Antoine Machto, Philippe Bichon, Elie Winter
Discutant : Michaël Guyader
Table ronde n°2 « A l’heure des protocoles et de
l’industrialisation des soins »
Invité :Yves Clot
Président de séance : Patrick Chemla
Intervenants : Serge Klopp, Bénédicte Maurin, Hervé Bokobza, Bruno
Tournaire-Bacchini
Table n°3 « Défendre la folie »
Invité : Patrick Coupechoux
Discutant : Roger Ferreri
Présidente de séance : Alexandra de Séguin
Table n°4 Convergences et Résistances : comment construire et
affermir un mouvement au sein de la psychiatrie ?
Président de séance : Mathieu Bellahsen
Invités: Jean Pierre Martin (politique de la peur), Remi Pottier
(Appel des appels)
1-Intercollectifs : politique de la peur et appel des appels
2-Collectifs des 39 : les 39 du 93, Val de la Folie, 17/89, Reims, Oise…
3- Perspectives: Actions menées, réflexions en devenir (et vice versa)
Toutes les tables rondes seront suivies d'un débat avec la salle
-------------------------------
Texte introductif àl'une des tables rondes de la journée de samedi 28
novembre 2009
A l’heure des protocoles et de l’industrialisation des soins
Tout acte de soins en psychiatrie s’articule autour d’une triade
incontournable : ce que je suis, ce que je sais, ce que je fais.
Cette articulation ne suppose aucun compromis, ne supporte aucune
préférence pour l’un ou l’autre de ces trois composants ; elle
détermine notre éthique, la soutient dans sa nécessaire et
indispensable réflexion que suscite tout acte soignant.
Cette éthique est une éthique du doute, de l’engagement, de
l’incertitude. En ce sens elle nous convoque à une évaluation
permanente de nos actes. Ainsi l’évaluation des pratiques
professionnelles est au cœur de notre profession.
Tout le travail d’un collectif soignant repose sur ce postulat :
échanger, confronter, améliorer, inventer. L’évaluation est alors un
mode vivant de construction d’une pensée autour, et avec les patients.
Elle participe dans ce contexte de l’évolution de la relation du
collectif soignant avec les patients.
Depuis les années 80, la discipline psychiatrique s’est trouvée
progressivement phagocytée par la dynastie du sigle (dms, dsm, rmo,
etc.) , tremplin à celle du chiffre : les logiques gestionnaires ,
sous couvert de meilleure utilisation de l’argent public , ont
progressivement mis en place une formidable machine de destruction de
la discipline .
Empruntée au management pratiqué dans les grandes multinationales la
démarche qualité devient le concept maitre de tout le discours
administratif. Celui-ci s’est largement abreuvé du langage clinique,
le passant à la machine de la rentabilité, nous nous trouvons
aujourd’hui dépossédé de notre outil de travail : la langue. Sous
couvert de la démarche qualité synonyme de la modernité des soins,
l’acte soignant est standardisé, uniformisé, quantifié. Dans les
institutions sanitaires et médicosociales, elle trouve ses
applications dans les démarches d’accréditation et de certification.
Se soumettre ou se démettre tel est l’enjeu fixé par les pouvoirs en
place. Mais se soumettre à quoi ? Tout d’abord se soumettre pour se
soumettre, introduire un processus de colonisation mentale à même de
nous entrainer à subir des diktats étrangers à notre pratique.
L’absurdité des référentiels et des protocoles qui les sous tendent
est destinée à nous aliéner au pouvoir administratif avec de graves
conséquences pour notre pratique : le pré pensé, le kit de bonne
conduite, le soin du protocole devraient devenir nos références
théoriques.
L’introjection d’une pratique surmoïque des plus basiques est
l’objectif recherché ; ainsi les rituels de soumission sociale ( RSS)
devraient accomplir leur œuvre destructrice en expropriant les
soignants de leur fonction première, à savoir l’élaboration par eux
mêmes et avec les patients de leur projet de soins.
L’attaque est inouïe, frontale, massive.
Elle balaie des décennies de praxis car elle dénie la position
subjective, elle chosifie le soignant, elle détériore l’existant, elle
annule dans ses attendus et ses prétentions ce qui fonde la pratique,
à savoir la question du sens.
Tout patient se pose toujours la question du pourquoi ou du comment ;
la même question est reprise par le soignant.
Les protocoles, les démarches accréditives , les démarches « qualité »
ignorent superbement ce fondement de notre discipline ; plus même
,elles le dénigrent, le rejettent.La question et la pensée
élaboratrice, qui s’en suit, ont disparu au profit d’une réponse
univoque, unilatérale, d’un savoir médical systématisé par
l’intériorisation des logiques administratives.
c’est une novlangue qui nous est imposée. Une véritable conversion
nous ordonnerait de dénier le fait psychopathologique, de ne plus
penser la folie, de ne plus imaginer que nos actes ont un sens /des
significations qui nous restent inconnues, et imprévisibles. Il nous
faudrait promouvoir le raisonnement au scalpel, l’asepsie de l’espace
mental, le blanc de l’a-conflictualité psychique.
Kant, déjà affirmait : « Tout a ou bien un prix ou bien une dignité.
ON peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ; en revanche,
ce qui n’a pas de prix et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède
une dignité ».
Garder sa dignité devient difficile, quand tout est quantifié au
chiffre et à la virgule prêt, même quand il s’agit de rencontrer,
d’écouter un autre qui souffre.
Comment résister ? Comment créer ?
Nous essaierons lors de la deuxième table ronde de cette rencontre
nationale de chercher ensemble des éléments de réponse à ces graves
questions
Par Herve Bokobza, du groupe des 39