On ne sort ( est-ce que l'on en sort réellement ? ) jamais intact d'une pièce de Bernard-Marie-Koltès; tellement les thèmes contemporains explorés sont fouaillés à corps, sur un langage écumeux, avec creux, bosses, invectives de témoin concerné.
Lorsque j'ai vu pour la 1° fois, une de ses pièces, " la nuit juste avant les forêts ", je me tenais presque aux murs du théâtre, tellement la décharge avait été forte, avait éraflé la peau, à proximité du coeur. Une langue de silex avec échos, portée par un unique comédien pendant 90 minutes de fièvre embouties.
Bernard-Marie Koltès a vingt-huit ans quand il écrit " la Nuit juste avant les forêts". C'est un long monologue, curieusement fait d'une seule phrase qui dure soixante-trois pages, sans aucune ponctuation, sans aucune interruption. Pour Kristian Frédric, la Nuit est une allégorie : « Le locuteur de Koltès pourrait être le dernier homme de notre civilisation occidentale et anthropophage qui émet encore un désir ». En effet, selon Koltès luimême, sa pièce est « l'expression, la longue expression d'un désir unique ». Et, il ajoute : « S'il y a un rapport de désir entre la personne qui parle et celui à qui elle parle, c'est qu'il y a une manière d'exprimer son désir et de le satisfaire – entre guillemets par les mots, par le langage exclusivement »*. C'est donc avec les mots que le locuteur de Koltès "drague" un inconnu qu'il vient de croiser dans la rue. Mais, ce n'est qu'à la soixantetroisième, c’est-à-dire à la dernière page, qu'il avoue : « Je t'aime, camarade ». Dans la lecture que Kristian Frédric fait de la pièce de Koltès, le locuteur sait d'évidence qu'il va à sa perte et que son destin est sans rémission : « Le théâtre de Koltès est un théâtre de la solitude absolue. Un théâtre du cri. Un théâtre de la révolte. C'est un théâtre qui dit : "Ce n'est pas possible". Mais aussi : "Il faut aimer" ».
Denis, il est là et il est étranger
La pièce de Koltès a accompagné Kristian Frédric plusieurs années avant qu'il ait l'opportunité de la monter. Peu à peu, une silhouette s'est imposée à lui : celle de Denis Lavant dans le film de Leos Carax, Boy meets girl : « Je me disais : Il faut quelqu'un qui soit là et qu'on sente étranger. Exclu. Or, Denis, il est là et il est étranger. Toujours en décalage ». L'intuition de Kristian Frédric s'est avérée juste. D'abord, pour dire d'un trait ce long soliloque, en donnant aux mots de Koltès leur densité et leur sens exacts, il fallait bien un Denis Lavant avec son étonnante facilité à passer d'un registre vocal à l'autre: « Sur un texte comme celui-ci, qui est une véritable partition musicale, il faut un stradivarius ». Ensuite, il existe une alchimie troublante entre le côté nocturne de l'acteur, la rage, la vulnérabilité qui sont en lui, et l'univers de Koltès : « Un univers dangereux. À partir du moment où vous travaillez les mots de Koltès, cela fait écho en vous-même. Cela vous déstabilise ».
Se débattre comme “le Dernier Mohican du désir”
Kristian Frédric imaginait un homme qui marche sous la pluie. C'est à Enki Bilal, le cinéaste et dessinateur de BD, qu'il a demandé de concrétiser cette image. Enki Bilal lui a dit : « Cet homme qui ne s'arrête jamais, on le verra, accroché à une plaque, se débattre comme " le Dernier Mohican du désir" ». Et il a réalisé un décor noir, dénudé, constitué essentiellement d'un socle recouvert de plastique noir.
Sous les trombes d'eau qui s'abattent sur lui, le locuteur reste un long moment recroquevillé. Blotti comme un enfant, pour se protéger de la pluie mais pas uniquement. Il y a de la peur en lui. Est-ce la peur de la violence urbaine qui le cerne de toutes parts ? Ou bien, est-ce la peur de la violence de son propre désir ? Peu importe. Dès qu'il commence à parler, sa métamorphose est radicale. Le jeune homme manifeste une énergie, une vitalité insoupçonnées. Il se bat, se débat, tente par ses paroles et par tous les muscles de son corps, de séduire l'autre. La gestuelle saccadée, désarticulée de Denis Lavant, chorégraphiée par Laurence Levasseur, trouve son rythme dans la cadence de l'écriture de Koltès. Les moments de révolte alternent avec les moments de grâce. Denis Lavant est à la fois danseur et pantin, pugiliste et voltigeur. C'est en funambule qu'il avance sur le fil des mots de Koltès. Malgré le solide arrimage d'Enki Bilal, son équilibre reste précaire. Le vertige le guette à chaque instant.
La longue phrase interminable de Koltès, faite de redites et d'obsessions
Denis Lavant marche. Il marche à travers la ville. Dans la nuit. Sous la pluie. Il ne s'arrête jamais. Mais, c'est une marche immobile. Sculpté, remodelé par les lumières de Yannick Anché, il apparaît comme l'Homme qui chavire de Giacometti, pétrifié dans son élan, cloué au socle d'Enki Bilal, à ce bout de trottoir où l'inconnu, à peine entraperçu, a aussitôt disparu. Perdu à jamais. S'il y a véritable mouvement, c'est le flux ininterrompu des paroles. La longue phrase interminable de Koltès, faite de redites et d'obsessions, devient pour le locuteur le moyen magique de conjurer l'absence et le manque, de faire réapparaître celui qui n'est plus qu'une ombre dans la ville. Ou, de donner une réalité à ce qui n'est qu'un fantasme de son imagination. Peut-être l'inconnu n'est-il qu'un autre lui-même. Il y a effet de miroir entre celui qui parle sans cesse et celui qu'on n’entend jamais.
Une mise à nu, et une mise à mort
La mise en scène de Kristian Frédric est une mise à nu. Et une mise à mort. Le jeune homme se dépouille peu à peu de ses vêtements de citadin. Dans une sorte de rituel archaïque, il macule sa nudité de boue, prend l'apparence d'un homme primitif, de l'homme originel, serait-on tenté de dire. Les étranges guerriers masaï d'Ousmane Sow s'imposent à notre esprit. Kristian Frédric et Bruno Lahontàa se sont beaucoup inspirés de l'œuvre du sculpteur sénégalais pour concevoir la scénographie du spectacle. À cet instant, en tout cas, le locuteur de Koltès est devenu l'Étranger. Cet Autre qu'il n'a effectivement jamais cessé d'être.
C'est ensuite la dépendance d'autres textes aussi foudroyés par le fracas des mots, la puissance d'un être enfoui, expurgé des contingences policées, socialisées.
C'est aujourd'hui, l'auteur français le plus traduit et joué au monde ( ouf!) " être toute ma vie capable de prendre des risques et ne jamais vouloir m'arrêter en chemin".
Puis, en courant, je me suis jeté dans le " combat de nègres et de chiens " ayant jeté toutes mes protections, désirant la marée, l'acidité de ce texte violent dépeignant sans aucune complaisance l'écrasement déterminé des Noirs et des Arabes par les colons exploiteurs et racistes. Je sens le tremblement qui monte en moi, à l'évocation de cette pièce!
Koltés avait été le témoin brûlé de ces persécutions, par les voyages hallucinés qu'il s'imposera au long de sa courte vie ( décès à 40 ans ).
Un être exceptionnel, un grand , un digne théâtre!
Bernard-Marie Koltès est né dans une famille bourgeoise de Metz. Violent, solaire et ancré dans la révolte comme celle de Jean Genet, tout en s’initiant à la musique de Jean-Sébastien Bach avec l’organiste Louis Thiry. Après avoir vu, à l’âge de vingt ans, Maria Casarès dans Médée, Hubert Gignoux, alors directeur du TNS Théâtre national de Strasbourg, lui propose d’intégrer l’école du TNS ; il y entre en section scénographie, puis y réalise une dizaine de mises en scène. Il commence alors à écrire pour le théâtre. En 1970, il monte sa propre troupe de théâtre, le « Théâtre du Quai » ( président : [Renaud Fritz][1] ) et écrit L’Héritage que Maria Casarès lit pour la radio. Entre un passage au Parti communiste français (1974-1978), de nombreux voyages en Amérique latine, en Afrique et à New York, Koltès crée de nombreuses pièces, comme le long monologue écrit pour Yves Ferry La Nuit juste avant les forêts, qui est montée en off au Festival d'Avignon en 1977 par l'auteur, puis à sa demande, par Moni Grégo au CDN de Lille. Son théâtre, en rupture avec la génération précédente du théâtre de l'absurde, est une recherche permanente sur la communication entre les hommes. Koltès a conçu le personnage de Roberto Zucco, à partir d'un fait divers. Au début des années 1980, il rencontre Patrice Chéreau qui devient son metteur en scène. Mais l'écrivain, malade, décède à quarante-et-un ans du SIDA.
Bernard-Marie Koltès, dont les textes sont traduits dans une trentaine de langues, est un des dramaturges français les plus joués dans le monde. En février 2007, avec Retour au désert, il entre au répertoire de la Comédie Française, dans une mise en scène de Muriel Mayette, mais une controverse avec ses ayants-droits conduit à l'annulation des représentations.
Le théâtre de Koltès, basé sur des problèmes réels, exprime la tragédie de l’être solitaire et de la mort. Son écriture accentue la tension dramatique et le lyrisme de ses pièces. [référence nécessaire]Comme les auteurs absurdes, il se sent exilé. Cependant Koltès se fonde sur des racines classiques : Marivaux, Shakespeare dont il traduit Le Conte d'hiver, que l'on retrouve dans Roberto Zucco, Rimbaud et Claudel, dont il retient l'idée de communion avec le spectateur lors du théâtre. Théâtre de révolte, Koltès est homosexuel dans un monde hétérosexuel. En Afrique, il voit la culture africaine écrasée par les Européens. Ce sujet devient la pièce Combat de nègre et de chiens. Après une visite en Amérique, il écrit Quai Ouest, sur un frère et une sœur dans une culture étrangère.
Dans Prologue & autres textes, il écrit de manière explicite son sentiment d'étrangeté face au théâtre et à la culture de son temps : alors que le film de kung-fu Le Dernier Dragon n'a reçu pratiquement aucune critique et peu de spectateurs à Paris - « encore un film de kung-fu » - il se propose, en sortant des films habituellement au cinéma, de cracher à terre de dépit en disant « encore un film d'amour ». Car la supériorité des films de kung-fu, termine-t-il, c'est qu'ils parlent le mieux d'amour tandis que les films d'amour parlent "connement de l'amour, mais en plus, ne parlent pas du tout de kung-fu". De même, dans Dans la solitude des champs de coton mais aussi la plupart de ses pièces, les relations humaines sont envisagées parfois sous une perspective ethnologique (les êtres humains se rencontrent comme des chiens et des chats, sur des problèmes de territoire), voire une perspective économique (le deal comme métaphore des relations entre individus et moteur d'une rencontre).
Œuvres [modifier]
Théâtre
Traduction
Récits
Scénario
Textes autobiographiques
Comédien [modifier]
Citations [modifier]
Bibliographie [modifier]
Je voulais adresser une larme de reconnaissance à ce génial auteur, à l'occasion du festival qui lui a été dédié fin octobre 2009 à Metz, sa ville natale, pour le 20° anniversaire de sa disparition.
Lorsque j'ai vu pour la 1° fois, une de ses pièces, " la nuit juste avant les forêts ", je me tenais presque aux murs du théâtre, tellement la décharge avait été forte, avait éraflé la peau, à proximité du coeur. Une langue de silex avec échos, portée par un unique comédien pendant 90 minutes de fièvre embouties.
Bernard-Marie Koltès a vingt-huit ans quand il écrit " la Nuit juste avant les forêts". C'est un long monologue, curieusement fait d'une seule phrase qui dure soixante-trois pages, sans aucune ponctuation, sans aucune interruption. Pour Kristian Frédric, la Nuit est une allégorie : « Le locuteur de Koltès pourrait être le dernier homme de notre civilisation occidentale et anthropophage qui émet encore un désir ». En effet, selon Koltès luimême, sa pièce est « l'expression, la longue expression d'un désir unique ». Et, il ajoute : « S'il y a un rapport de désir entre la personne qui parle et celui à qui elle parle, c'est qu'il y a une manière d'exprimer son désir et de le satisfaire – entre guillemets par les mots, par le langage exclusivement »*. C'est donc avec les mots que le locuteur de Koltès "drague" un inconnu qu'il vient de croiser dans la rue. Mais, ce n'est qu'à la soixantetroisième, c’est-à-dire à la dernière page, qu'il avoue : « Je t'aime, camarade ». Dans la lecture que Kristian Frédric fait de la pièce de Koltès, le locuteur sait d'évidence qu'il va à sa perte et que son destin est sans rémission : « Le théâtre de Koltès est un théâtre de la solitude absolue. Un théâtre du cri. Un théâtre de la révolte. C'est un théâtre qui dit : "Ce n'est pas possible". Mais aussi : "Il faut aimer" ».
Denis, il est là et il est étranger
La pièce de Koltès a accompagné Kristian Frédric plusieurs années avant qu'il ait l'opportunité de la monter. Peu à peu, une silhouette s'est imposée à lui : celle de Denis Lavant dans le film de Leos Carax, Boy meets girl : « Je me disais : Il faut quelqu'un qui soit là et qu'on sente étranger. Exclu. Or, Denis, il est là et il est étranger. Toujours en décalage ». L'intuition de Kristian Frédric s'est avérée juste. D'abord, pour dire d'un trait ce long soliloque, en donnant aux mots de Koltès leur densité et leur sens exacts, il fallait bien un Denis Lavant avec son étonnante facilité à passer d'un registre vocal à l'autre: « Sur un texte comme celui-ci, qui est une véritable partition musicale, il faut un stradivarius ». Ensuite, il existe une alchimie troublante entre le côté nocturne de l'acteur, la rage, la vulnérabilité qui sont en lui, et l'univers de Koltès : « Un univers dangereux. À partir du moment où vous travaillez les mots de Koltès, cela fait écho en vous-même. Cela vous déstabilise ».
Se débattre comme “le Dernier Mohican du désir”
Kristian Frédric imaginait un homme qui marche sous la pluie. C'est à Enki Bilal, le cinéaste et dessinateur de BD, qu'il a demandé de concrétiser cette image. Enki Bilal lui a dit : « Cet homme qui ne s'arrête jamais, on le verra, accroché à une plaque, se débattre comme " le Dernier Mohican du désir" ». Et il a réalisé un décor noir, dénudé, constitué essentiellement d'un socle recouvert de plastique noir.
Sous les trombes d'eau qui s'abattent sur lui, le locuteur reste un long moment recroquevillé. Blotti comme un enfant, pour se protéger de la pluie mais pas uniquement. Il y a de la peur en lui. Est-ce la peur de la violence urbaine qui le cerne de toutes parts ? Ou bien, est-ce la peur de la violence de son propre désir ? Peu importe. Dès qu'il commence à parler, sa métamorphose est radicale. Le jeune homme manifeste une énergie, une vitalité insoupçonnées. Il se bat, se débat, tente par ses paroles et par tous les muscles de son corps, de séduire l'autre. La gestuelle saccadée, désarticulée de Denis Lavant, chorégraphiée par Laurence Levasseur, trouve son rythme dans la cadence de l'écriture de Koltès. Les moments de révolte alternent avec les moments de grâce. Denis Lavant est à la fois danseur et pantin, pugiliste et voltigeur. C'est en funambule qu'il avance sur le fil des mots de Koltès. Malgré le solide arrimage d'Enki Bilal, son équilibre reste précaire. Le vertige le guette à chaque instant.
La longue phrase interminable de Koltès, faite de redites et d'obsessions
Denis Lavant marche. Il marche à travers la ville. Dans la nuit. Sous la pluie. Il ne s'arrête jamais. Mais, c'est une marche immobile. Sculpté, remodelé par les lumières de Yannick Anché, il apparaît comme l'Homme qui chavire de Giacometti, pétrifié dans son élan, cloué au socle d'Enki Bilal, à ce bout de trottoir où l'inconnu, à peine entraperçu, a aussitôt disparu. Perdu à jamais. S'il y a véritable mouvement, c'est le flux ininterrompu des paroles. La longue phrase interminable de Koltès, faite de redites et d'obsessions, devient pour le locuteur le moyen magique de conjurer l'absence et le manque, de faire réapparaître celui qui n'est plus qu'une ombre dans la ville. Ou, de donner une réalité à ce qui n'est qu'un fantasme de son imagination. Peut-être l'inconnu n'est-il qu'un autre lui-même. Il y a effet de miroir entre celui qui parle sans cesse et celui qu'on n’entend jamais.
Une mise à nu, et une mise à mort
La mise en scène de Kristian Frédric est une mise à nu. Et une mise à mort. Le jeune homme se dépouille peu à peu de ses vêtements de citadin. Dans une sorte de rituel archaïque, il macule sa nudité de boue, prend l'apparence d'un homme primitif, de l'homme originel, serait-on tenté de dire. Les étranges guerriers masaï d'Ousmane Sow s'imposent à notre esprit. Kristian Frédric et Bruno Lahontàa se sont beaucoup inspirés de l'œuvre du sculpteur sénégalais pour concevoir la scénographie du spectacle. À cet instant, en tout cas, le locuteur de Koltès est devenu l'Étranger. Cet Autre qu'il n'a effectivement jamais cessé d'être.
C'est ensuite la dépendance d'autres textes aussi foudroyés par le fracas des mots, la puissance d'un être enfoui, expurgé des contingences policées, socialisées.
C'est aujourd'hui, l'auteur français le plus traduit et joué au monde ( ouf!) " être toute ma vie capable de prendre des risques et ne jamais vouloir m'arrêter en chemin".
Puis, en courant, je me suis jeté dans le " combat de nègres et de chiens " ayant jeté toutes mes protections, désirant la marée, l'acidité de ce texte violent dépeignant sans aucune complaisance l'écrasement déterminé des Noirs et des Arabes par les colons exploiteurs et racistes. Je sens le tremblement qui monte en moi, à l'évocation de cette pièce!
Koltés avait été le témoin brûlé de ces persécutions, par les voyages hallucinés qu'il s'imposera au long de sa courte vie ( décès à 40 ans ).
Un être exceptionnel, un grand , un digne théâtre!
Bernard-Marie Koltès est né dans une famille bourgeoise de Metz. Violent, solaire et ancré dans la révolte comme celle de Jean Genet, tout en s’initiant à la musique de Jean-Sébastien Bach avec l’organiste Louis Thiry. Après avoir vu, à l’âge de vingt ans, Maria Casarès dans Médée, Hubert Gignoux, alors directeur du TNS Théâtre national de Strasbourg, lui propose d’intégrer l’école du TNS ; il y entre en section scénographie, puis y réalise une dizaine de mises en scène. Il commence alors à écrire pour le théâtre. En 1970, il monte sa propre troupe de théâtre, le « Théâtre du Quai » ( président : [Renaud Fritz][1] ) et écrit L’Héritage que Maria Casarès lit pour la radio. Entre un passage au Parti communiste français (1974-1978), de nombreux voyages en Amérique latine, en Afrique et à New York, Koltès crée de nombreuses pièces, comme le long monologue écrit pour Yves Ferry La Nuit juste avant les forêts, qui est montée en off au Festival d'Avignon en 1977 par l'auteur, puis à sa demande, par Moni Grégo au CDN de Lille. Son théâtre, en rupture avec la génération précédente du théâtre de l'absurde, est une recherche permanente sur la communication entre les hommes. Koltès a conçu le personnage de Roberto Zucco, à partir d'un fait divers. Au début des années 1980, il rencontre Patrice Chéreau qui devient son metteur en scène. Mais l'écrivain, malade, décède à quarante-et-un ans du SIDA.
Bernard-Marie Koltès, dont les textes sont traduits dans une trentaine de langues, est un des dramaturges français les plus joués dans le monde. En février 2007, avec Retour au désert, il entre au répertoire de la Comédie Française, dans une mise en scène de Muriel Mayette, mais une controverse avec ses ayants-droits conduit à l'annulation des représentations.
Le théâtre de Koltès, basé sur des problèmes réels, exprime la tragédie de l’être solitaire et de la mort. Son écriture accentue la tension dramatique et le lyrisme de ses pièces. [référence nécessaire]Comme les auteurs absurdes, il se sent exilé. Cependant Koltès se fonde sur des racines classiques : Marivaux, Shakespeare dont il traduit Le Conte d'hiver, que l'on retrouve dans Roberto Zucco, Rimbaud et Claudel, dont il retient l'idée de communion avec le spectateur lors du théâtre. Théâtre de révolte, Koltès est homosexuel dans un monde hétérosexuel. En Afrique, il voit la culture africaine écrasée par les Européens. Ce sujet devient la pièce Combat de nègre et de chiens. Après une visite en Amérique, il écrit Quai Ouest, sur un frère et une sœur dans une culture étrangère.
Dans Prologue & autres textes, il écrit de manière explicite son sentiment d'étrangeté face au théâtre et à la culture de son temps : alors que le film de kung-fu Le Dernier Dragon n'a reçu pratiquement aucune critique et peu de spectateurs à Paris - « encore un film de kung-fu » - il se propose, en sortant des films habituellement au cinéma, de cracher à terre de dépit en disant « encore un film d'amour ». Car la supériorité des films de kung-fu, termine-t-il, c'est qu'ils parlent le mieux d'amour tandis que les films d'amour parlent "connement de l'amour, mais en plus, ne parlent pas du tout de kung-fu". De même, dans Dans la solitude des champs de coton mais aussi la plupart de ses pièces, les relations humaines sont envisagées parfois sous une perspective ethnologique (les êtres humains se rencontrent comme des chiens et des chats, sur des problèmes de territoire), voire une perspective économique (le deal comme métaphore des relations entre individus et moteur d'une rencontre).
Œuvres [modifier]
Théâtre
- Les Amertumes (1970), Les éditions de Minuit, Paris, 1998, 64 p. (ISBN 2-7073-1651-2)
- La Marche (1970), Les éditions de Minuit, Paris, 2003, 56 p. (ISBN 2-7073-1854-X)
- Procès Ivre (1971), Les éditions de Minuit, Paris, 2001, 80 p. (ISBN 2-7073-1753-5)
- L'héritage (1972), Les éditions de Minuit, Paris, 1998, 80 p. (ISBN 2-7073-1650-4)
- Récits morts. Un rêve égaré (1973), Les éditions de Minuit, Paris, 2008, 96 p. (ISBN 9782707320384)
- Des voix sourdes (1974), Les éditions de Minuit, Paris, 2008, 96 p. (ISBN 9782707320292)
- Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet (1974), Les éditions de Minuit, Paris, 2006. (ISBN 2707319678)
- Sallinger (1977), Les éditions de Minuit, Paris, 1998, 128 p. (ISBN 2-7073-1513-3)
- La Nuit juste avant les forêts Tapuscrit de Théâtre Ouvert (1977), éditions Stock (1978), les éditions de Minuit, Paris, 1988, 64 p. (ISBN 2-7073-1163-4)
- Combat de nègre et de chiens (1979), suivi des Carnets, Les éditions de Minuit, Paris, 1989, 128 p. (ISBN 2-7073-1298-3)
- Quai Ouest (1985), Les éditions de Minuit, Paris, 1985, 110 p. (ISBN 2-7073-1030-1)
- Dans la solitude des champs de coton (1985), Les éditions de Minuit, Paris, 1986, 64 p. (ISBN 2-7073-1103-0)
- Tabataba (1986), précédé de Roberto Zucco, Les éditions de Minuit, Paris, 1990, 130 p. (ISBN 2-7073-1297-5)
- Le Retour au désert (1988), Les éditions de Minuit, Paris, 1988, 88 p. (ISBN 2-7073-1184-7)
- Roberto Zucco (1988), suivi de Tabataba, Les éditions de Minuit, Paris, 1990, 130 p. (ISBN 2-7073-1297-5)
- Fragments : Coco
Traduction
- Shakespeare, Le Conte d'hiver, Les éditions de Minuit, Paris, 1988, 128 p. (ISBN 2-7073-1161-8)
Récits
- La Fuite à cheval très loin dans la ville : roman (1976), Les éditions de Minuit, Paris, 1984, 160 p. (ISBN 2-7073-0692-4)
- Prologue (1986) et autres textes (1986-1991)
Scénario
- Nickel Stuff (1984), Les éditions de Minuit, Paris, 2009, 128 p. (ISBN 9782707320803)
Textes autobiographiques
- Une part de ma vie : Entretiens (1983-1989), Les éditions de Minuit, Paris, 1999, 162 p. (ISBN 2-7073-1668-7)
- Lettres, Les éditions de Minuit, Paris, 2009, 512 p. (ISBN 9782707320797)
Comédien [modifier]
- 1972 : L'Annonce faite à Marie de Paul Claudel, mise en scène Hubert Gignoux, Festival de la Cité Carcassonne
Citations [modifier]
- « La vie m’a sauté à la gueule »[1] lorsqu’il découvre à vingt ans les États Unis d’Amérique
- « Je n’ai pas dit que la parole ce n’était rien, j’ai dit que le théatre ne se limitait pas à la parole », Koltés est contre le mimétisme au théâtre et s’inspire beaucoup du théâtre balinais.
- « Il n’y a pas de héros dont les habits ne soient trempés de sang, et le sang est la seule chose au monde qui ne puisse pas passer inaperçue » in Roberto Zucco
- « Les sentiments éternels, c'est comme les lois éternelles en mécanique: des conneries provisoires »
- « J'ai voyagé... Tout ce que j'ai accumulé [c'est] entre 18 et 25 ans. »
- « Tu serais content ici, les Brésiliennes sont sacrément entreprenantes, quel cauchemar! Heureusement qu'elles ont des frères! Que Dieu me pardonne! »
Bibliographie [modifier]
- André Petitjean, Koltès : la question du lieu : actes des premières Rencontres internationales Bernard-Marie Koltès organisées par les Bibliothèques-Médiathèques de Metz, CRESEF, 2001.
- Jacques Deville, La Bibliothèque de Koltès : réécritures et métissages : actes des secondes Rencontres internationales Bernard-Marie Koltès, organisées à Metz en octobre 2002 par les Bibliothèques-Médiathèques de Metz, 2004.
- Stéphane Patrice, Koltès subversif, Descartes & Cie, Paris, 2008.
- André Job, Koltès. La rhétorique vive, Les éditions Hermann, Paris, 2009.
- Metz Magazine, L’année Koltès, numéro hors-série, 2009.
- Stina Palm, Bernard-Marie Koltès, vers une éthique de l'imagination, L'Harmattan, 2009.
- Brigitte Salino, Bernard-Marie Koltès, Stock, 2009 (ISBN 978-2-234-06083-8)
Je voulais adresser une larme de reconnaissance à ce génial auteur, à l'occasion du festival qui lui a été dédié fin octobre 2009 à Metz, sa ville natale, pour le 20° anniversaire de sa disparition.