http://www.lanouvellerepublique.fr/France-Monde/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2012/11/06/Le-magistrat-porte-plainte-contre-l-Etat
Le magistrat porte plainte contre l'État
06/11/2012 05:37
Le président Domergue, ici
au tribunal de Tours. Le président Domergue, ici au tribunal de Tours. - (Photo archives NR)
Les gendarmes de Briare ont-ils fait preuve d’agression verbale à l’encontre d’un plaignant ? C’est l’accusation formulée aujourd’hui par un haut magistrat d’Orléans qui porte plainte contre l’État.
Je n'ai jamais vu cela dans une brigade, c'est trop grave et c'est mon devoir, c'est le sens que je fais de mes fonctions de magistrat qui me conduisent à témoigner, confie aujourd'hui le conseiller Georges Domergue, 55 ans, conseiller à la cour d'appel d'Orléans. Visiblement très affecté, le magistrat qui préside également la cour d'assises du Loiret et présida celle de d'Indre-et-Loire (notamment au moment de l'affaire Courjault) ne cache pas son amertume.
Il n'est pas près d'oublier l'histoire qui est arrivée à Ernest Vilate, un de ses voisins. Le 2 décembre 2011, ce Béninois de 46 ans, artisan-plombier s'embourbe dans un chemin de terre et est obligé d'abandonner son estafette à quelques encablures de son domicile à Châtillon-sur-Loire (Loiret). Mais dans la nuit des voleurs vont faire main baisse sur le matériel.
« Il y en avait pour 17.000 euros, J'avais tous mes outils, mon instrument de travail », se désole le plombier qui dépose plainte par téléphone à la gendarmerie d'Orléans. Ernest Vilate se confie au magistrat pour qui il a effectué quelques menus travaux dans son domicile de Briare, commune toute proche. Après avoir été procureur de Millau, Georges Domergue a été directeur de cabinet de Nicole Guedj alors secrétaire d'État. Il se dit très sensibilisé aux droits des victimes. N'ayant aucune nouvelle de l'enquête, le magistrat s'inquiète auprès du procureur de Montargis, qui fixe un rendez-vous avec les gendarmes.
Sommé de quitter la gendarmerie
A la brigade de Briare, le 9 décembre 2011, l'accueil est tardif et glacial. « Nous ne prendrons pas votre audition. Mais qu'est-ce qui vous permet de déranger un procureur et un magistrat de la cour d'appel » lâche très en colère et en hurlant le major avant de s'éclipser dans un bureau. Quelques secondes plus tard, même ton de la part d'un adjudant quand il s'adresse au plaignant. « Il s'est permis de me tutoyer, il m'a dit " Ernest, Il va falloir arrêter la bibine sinon, on va te retirer ton permis'' ! Je me suis senti abandonné, certain que personne ne s'occupait de moi et je me suis senti humilié », témoigne, très amer, Ernest Vilate qui était accompagné du président Domergue, venu pour l'assister dans ses démarches.
« J'ai été obligé d'intervenir pour leur demander d'arrêter. Je sentais une colère froide. J'ai eu l'impression qu'ils pensaient que M. Vilate n'était pas digne de '' bénéficier '' de l'intervention de deux magistrats. Ce que j'ai vu est une insulte à l'uniforme des gendarmes : c'est un racisme social », accuse aujourd'hui Georges Domergue. Entouré de deux gendarmes, il sera ce jour-là sommé de quitter la brigade.
Les diverses plaintes croisées (à la fois des gendarmes contre les deux hommes, d'Ernest Vilate et du président Domergue contre les gendarmes) qui ont fait l'objet d'un dépaysement, ont été étudiées par la gendarmerie de Bourges et ont été classées sans suite par le parquet de Montargis.
En portant plainte cette semaine devant le tribunal administratif d'Orléans contre l'État, en alertant par lettre les ministres de la Justice et de l'Intérieur, pour qu'une enquête sérieuse soit menée à la fois sur le comportement des gendarmes et sur les conditions dans lesquelles cette affaire a été traitée par le parquet de Montargis et par le parquet général d'Orléans, le magistrat sait qu'il joue gros. Il y a quelques mois, le procureur général de la cour d'appel d'Orléans l'avait, à la suite de cette affaire, menacé d'une procédure disciplinaire « pour avoir outrepassé le cadre de sa démarche amicale et non professionnelle ». Quant au camion d'Ernest Vilate, il n'a jamais été retrouvé !
en savoir plus
Pas d'outrage
A la gendarmerie d'Orléans, la version est un peu différente. « Je reconnais que l'accueil réservé n'a pas été satisfaisant, je le regrette et je m'en suis excusé. Mais il y a à l'évidence un problème d'ego qui a joué. M. Domergue a fait état de sa fonction et a été un peu directif : il a exigé la désignation d'un technicien de l'identité criminelle ; quant aux outrages, ils n'existent pas, car il n'était pas en fonction », affirme le colonel Bruno Guyot commandant le groupement de gendarmerie du Loiret.
Renaud Domenici
Le magistrat porte plainte contre l'État
06/11/2012 05:37
Le président Domergue, ici
au tribunal de Tours. Le président Domergue, ici au tribunal de Tours. - (Photo archives NR)
Les gendarmes de Briare ont-ils fait preuve d’agression verbale à l’encontre d’un plaignant ? C’est l’accusation formulée aujourd’hui par un haut magistrat d’Orléans qui porte plainte contre l’État.
Je n'ai jamais vu cela dans une brigade, c'est trop grave et c'est mon devoir, c'est le sens que je fais de mes fonctions de magistrat qui me conduisent à témoigner, confie aujourd'hui le conseiller Georges Domergue, 55 ans, conseiller à la cour d'appel d'Orléans. Visiblement très affecté, le magistrat qui préside également la cour d'assises du Loiret et présida celle de d'Indre-et-Loire (notamment au moment de l'affaire Courjault) ne cache pas son amertume.
Il n'est pas près d'oublier l'histoire qui est arrivée à Ernest Vilate, un de ses voisins. Le 2 décembre 2011, ce Béninois de 46 ans, artisan-plombier s'embourbe dans un chemin de terre et est obligé d'abandonner son estafette à quelques encablures de son domicile à Châtillon-sur-Loire (Loiret). Mais dans la nuit des voleurs vont faire main baisse sur le matériel.
« Il y en avait pour 17.000 euros, J'avais tous mes outils, mon instrument de travail », se désole le plombier qui dépose plainte par téléphone à la gendarmerie d'Orléans. Ernest Vilate se confie au magistrat pour qui il a effectué quelques menus travaux dans son domicile de Briare, commune toute proche. Après avoir été procureur de Millau, Georges Domergue a été directeur de cabinet de Nicole Guedj alors secrétaire d'État. Il se dit très sensibilisé aux droits des victimes. N'ayant aucune nouvelle de l'enquête, le magistrat s'inquiète auprès du procureur de Montargis, qui fixe un rendez-vous avec les gendarmes.
Sommé de quitter la gendarmerie
A la brigade de Briare, le 9 décembre 2011, l'accueil est tardif et glacial. « Nous ne prendrons pas votre audition. Mais qu'est-ce qui vous permet de déranger un procureur et un magistrat de la cour d'appel » lâche très en colère et en hurlant le major avant de s'éclipser dans un bureau. Quelques secondes plus tard, même ton de la part d'un adjudant quand il s'adresse au plaignant. « Il s'est permis de me tutoyer, il m'a dit " Ernest, Il va falloir arrêter la bibine sinon, on va te retirer ton permis'' ! Je me suis senti abandonné, certain que personne ne s'occupait de moi et je me suis senti humilié », témoigne, très amer, Ernest Vilate qui était accompagné du président Domergue, venu pour l'assister dans ses démarches.
« J'ai été obligé d'intervenir pour leur demander d'arrêter. Je sentais une colère froide. J'ai eu l'impression qu'ils pensaient que M. Vilate n'était pas digne de '' bénéficier '' de l'intervention de deux magistrats. Ce que j'ai vu est une insulte à l'uniforme des gendarmes : c'est un racisme social », accuse aujourd'hui Georges Domergue. Entouré de deux gendarmes, il sera ce jour-là sommé de quitter la brigade.
Les diverses plaintes croisées (à la fois des gendarmes contre les deux hommes, d'Ernest Vilate et du président Domergue contre les gendarmes) qui ont fait l'objet d'un dépaysement, ont été étudiées par la gendarmerie de Bourges et ont été classées sans suite par le parquet de Montargis.
En portant plainte cette semaine devant le tribunal administratif d'Orléans contre l'État, en alertant par lettre les ministres de la Justice et de l'Intérieur, pour qu'une enquête sérieuse soit menée à la fois sur le comportement des gendarmes et sur les conditions dans lesquelles cette affaire a été traitée par le parquet de Montargis et par le parquet général d'Orléans, le magistrat sait qu'il joue gros. Il y a quelques mois, le procureur général de la cour d'appel d'Orléans l'avait, à la suite de cette affaire, menacé d'une procédure disciplinaire « pour avoir outrepassé le cadre de sa démarche amicale et non professionnelle ». Quant au camion d'Ernest Vilate, il n'a jamais été retrouvé !
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Pas d'outrage
A la gendarmerie d'Orléans, la version est un peu différente. « Je reconnais que l'accueil réservé n'a pas été satisfaisant, je le regrette et je m'en suis excusé. Mais il y a à l'évidence un problème d'ego qui a joué. M. Domergue a fait état de sa fonction et a été un peu directif : il a exigé la désignation d'un technicien de l'identité criminelle ; quant aux outrages, ils n'existent pas, car il n'était pas en fonction », affirme le colonel Bruno Guyot commandant le groupement de gendarmerie du Loiret.
Renaud Domenici