Irinia Putilova, activiste LGBT russe, est sortie de rétention après une forte mobilisation. Aujourd'hui dans l'attente de sa demande d'asile, elle évoque les menaces à l'encontre de sa famille restée en Russie et les risques encourus par les personnes LGBT dans les pays où l'homosexualité est toujours un délit.
C'est l'histoire d'Irina Putilova, surnommée “Ira”, jeune activiste LGBT russe qui, en juin dernier, a décidé de fuir son Saint-Pétersbourg natal pour Minsk, en Biélorussie, où elle a embarqué dans un avion à destination de Londres. Objectif : vivre sa bisexualité au grand jour. Mais le 6 décembre, après un premier entretien dans le cadre de sa demande d'asile, elle était arrêtée par l'Agence britannique de gestion des frontières et détenue dans un centre de rétention.
Une pétition avait alors été lancée sur le site Change.org demandant à la secrétaire d'État à l'Intérieur britannique Theresa May de libérer Irina Putilova. Elle avait recueilli près de 7 000 signatures, dont celle de l'acteur anglais Stephen Fry – auteur de la lettre à David Cameron demandant le boycott des jeux Olympiques d'hiver de Sotchi en août dernier. Il avait notamment tweeté :
" I've just signed this important petition for Irina Putilova, Russian LGBTQ activist in detention in UK #iramuststay http://t.co/MPZKGaOY1r "
— Stephen Fry (@stephenfry) 8 Décembre 2013
(Je viens juste de signer cette importante pétition pour l'activiste LGBT russe Irina Putilova détenue au Royaume-Uni)
Suite au succès de la pétition, Irina Putilova a été libérée. Elle attend désormais un nouvel entretien dans le cadre de sa demande d'asile.
“Je ne retourne pas là-bas”
Contactée par téléphone, elle raconte dans un anglais hésitant l'impossibilité d'être ouvertement homosexuel(le) en Russie: “Vous pouvez essayer mais vous risquez d'être agressé. Beaucoup de gens ne comprennent pas l'homosexualité et vous regarderont de travers. La Russie est très homophobe.”
Lorsqu'on l'interroge sur sa réaction en cas de rejet de sa demande d'asile par le Royaume-Uni, elle répond : “Il n'y a pas d'autre solution. Je ne retourne pas là-bas.” “Je suis sur une liste de personnes recherchées à cause de mon activisme LGBT. Je serai arrêtée, j'irai en prison“, explique-t-elle. Au journal britannique The Independent, elle a raconté que des policiers russes en quête d'informations la concernant s'étaient rendus chez ses parents, où ils avaient menacé de lui casser les jambes. “Je suis très en colère. Si vous êtes une personne LGBT vivant dans un pays homophobe, c'est une raison suffisante à mes yeux pour recevoir l'asile. Être persécuté pour ses idées politiques c'est la même chose que d'être persécuté pour son orientation sexuelle”, nous lâche-t-elle au téléphone concernant sa demande d'asile. Au passage, elle soutient Stephen Fry et appelle au boycott des JO de Sotchi : “La Russie n'est pas un pays sûr. Je suis inquiète pour tous ceux qui y vivent“.
Avant de raccrocher, elle nous glisse “il y a une femme homosexuelle ougandaise en détention à Londres qui va être expulsée demain [le 12 décembre, ndlr]. Elle n'a que 20 ans.” Rappelons qu'enOuganda, les homosexuels encourent la prison et sont littéralement traqués par les autorités, la population et les médias. En 2010, un journal avait publié en une des photos de personnes homosexuelles et appelé la population à les “pendre“.
Les Inrocks, le 12/12/2013