12 décembre 1999 : l'Erika est pris dans une tempête en plein Golfe de Gascogne. Le vieux navire se brise en deux. Ses 20 000 tonnes de fioul lourd se déversent sur 400 km de côtes bretonnes. L'équipage est sauvé de justesse mais 150 000 oiseaux meurent englués dans le mazout. Faune et flore sont ravagées. La marée noire se transforme en années noires pour l'économie locale, notamment le tourisme et la pêche. Après sept ans de procédure et quatre mois de procès, le tribunal correctionnel de Paris rend aujourd'hui son jugement. Qui risque quoi ? Quelles seront les conséquences juridiques de ce jugement sur l'industrie pétrolière et le monde de la mer ? Eclairage.
Régions, départements, communes, Etat français, associations écologiques et de défense des animaux, ainsi que des personnes privées : elles sont au nombre de 101. Elles réclament près d'un milliard d'euros de dommages et intérêts, dont 153 millions pour l'Etat, ainsi que la reconnaissance de la notion de "préjudice écologique".
En tout, il y a quinze personnes physiques et morales qui, toutes, clament leur innocence et se renvoient les responsabilités.
Le parquet évalue la facture entre 500 millions et un milliard d'euros, à payer solidairement par tous les condamnés.
Il y a d'abord le volet des responsabilités. Si les juges souhaitent condamner la compagnie Total, ils devront contourner les conventions internationales qui interdisent de poursuivre l'affréteur sauf en cas de "faute inexcusable". Or, le parquet lui-même reconnaît que la société n'a pas agi de façon "délibérée". Si c'est la loi française qui finalement s'applique, les juges devront déterminer la chaîne des responsabilités : des fautes ont-elles été commises ? Ont-elles provoqué l'accident ? Etc...
Une fois les responsabilités démêlées, restera la question du milliard de dommages et intérêts. Les juges sont-ils libres d'accorder autant d'indemnisations qu'ils le souhaitent sachant qu'il existe déjà le Fipol, un fonds international qui a déjà versé des sommes aux victimes de la pollution ?
Enfin, le tribunal devra décider s'il reconnaît l'existence d'un "préjudice écologique", une notion défendue par les associations environnementales, mais jusqu'à présent ignorée par le droit. Le tribunal a la possibilité de dire que ce "préjudice" existe, qu'il est réparable et au profit de qui. De quoi donner des armes aux défenseurs de l'environnement.
QUI EST PARTIE CIVILE ?
Régions, départements, communes, Etat français, associations écologiques et de défense des animaux, ainsi que des personnes privées : elles sont au nombre de 101. Elles réclament près d'un milliard d'euros de dommages et intérêts, dont 153 millions pour l'Etat, ainsi que la reconnaissance de la notion de "préjudice écologique".
QUI SONT LES PREVENUS ET QUELS SONT LEURS ARGUMENTS ?
En tout, il y a quinze personnes physiques et morales qui, toutes, clament leur innocence et se renvoient les responsabilités.
- TOTAL: la société qui a affrété l'Erika se voit reprocher en particulier le "vetting" du navire, mené en novembre 1998, qui aurait été défaillant. Cette procédure de contrôle interne à la société est systématique mais n'est pas obligatoire légalement. Total s'appuie sur le droit international qui prévoit que l'affréteur n'est pas responsable des naufrages et se dit victime d'un "vice caché". Le groupe renvoie la responsabilité sur Rina, société de classification italienne.
- RINA: société qui a délivré à l'Erika son autorisation de naviguer après des contrôles contestés. L'agence rejette la faute sur le capitaine, qui aurait tardé à appeler les secours et choisi un mauvais cap dans la tempête. Selon elle, le pétrolier aurait pu être fragilisé par un choc avec un objet flottant non identifié. Rina affirme par ailleurs bénéficier de l'immunité diplomatique puisqu'il agissait au nom de Malte, l'Etat du pavillon.
- LE CAPITAINE INDIEN KARUN MATHUR : Absent au procès, il dit avoir lui-même signalé des fissures. Se disant victime, il s'est porté partie civile.
- ARMATEUR ET GESTIONNAIRE ITALIENS : Ils démentent avoir négligé les réparations de l'Erika en raison de difficultés financières.
- LES AFFRETEURS A TEMPS, à qui Total a à son tour loué le navire pour un voyage, se présentent comme de simples intermédiaires ayant joué un rôle purement financier.
- SECOURS : On leur reproche le déclenchement tardif des secours. Ils invoquent leur manque de moyens et dénoncent l'attitude du capitaine qui avait annulé un premier appel de détresse avant d'en lancer un second, trop tard.
LES SANCTIONS RECLAMEES PAR LE PARQUET
Le parquet évalue la facture entre 500 millions et un milliard d'euros, à payer solidairement par tous les condamnés.
- -Contre le groupe Total SA, premier affréteur au monde à comparaître en justice pour son éventuelle responsabilité dans une catastrophe maritime, le parquet réclame une amende de 375 000 euros, sanction maximale pour "pollution maritime", une autre amende de 375 000 euros pour sa filiale Total Transport et une troisième d'un montant laissé à l'appréciation du tribunal pour la filiale Total Petroleum Services. Le parquet demande en revanche la relaxe de Total pour le chef de "complicité de mise en danger de la vie d'autrui".
-Contre RINA, le parquet demande 375 000 euros d'amende et la relaxe pour son dirigeant.
-Contre le capitaine, le parquet demande 10 000 euros d'amende pour pollution mais requiert la relaxe pour "mise en danger d'autrui".
-Contre l'armateur et le gestionnaire, il est requis un an de prison avec possibilité de sursis et 75 000 euros d'amende
-La relaxe a été requise contre les affréteurs et les quatre membres des secours.
LES QUESTIONS CLES AUXQUELLES LE TRIBUNAL VA DEVOIR REPONDRE
Il y a d'abord le volet des responsabilités. Si les juges souhaitent condamner la compagnie Total, ils devront contourner les conventions internationales qui interdisent de poursuivre l'affréteur sauf en cas de "faute inexcusable". Or, le parquet lui-même reconnaît que la société n'a pas agi de façon "délibérée". Si c'est la loi française qui finalement s'applique, les juges devront déterminer la chaîne des responsabilités : des fautes ont-elles été commises ? Ont-elles provoqué l'accident ? Etc...
Une fois les responsabilités démêlées, restera la question du milliard de dommages et intérêts. Les juges sont-ils libres d'accorder autant d'indemnisations qu'ils le souhaitent sachant qu'il existe déjà le Fipol, un fonds international qui a déjà versé des sommes aux victimes de la pollution ?
Enfin, le tribunal devra décider s'il reconnaît l'existence d'un "préjudice écologique", une notion défendue par les associations environnementales, mais jusqu'à présent ignorée par le droit. Le tribunal a la possibilité de dire que ce "préjudice" existe, qu'il est réparable et au profit de qui. De quoi donner des armes aux défenseurs de l'environnement.
Voir aussi Erika : le fioul était-il cancérigène ?