[Vous trouverez ci-dessous un appel à manifester pour une Méditerranée des
luttes samedi 5 juillet, ainsi que des informations sur l’actualité
économique et politique de la région.
Alors que le projet Sarkozien d'"Union pour la Méditerranée" est en cours
de négociation avec l’Egypte, la Tunisie et le Maroc, de nombreuses
révoltes d’ouvriers, d’étudiants et de chômeurs secouent la région depuis
des mois et sont férocement réprimées (Voir la compilation ci-dessous).
Au même moment, l’investissement européen dans ces pays s’envole :
http://www.animaweb.org/etudes.php
GS ]
--------
*Pour une Méditerranée des luttes*
*pour la paix, la justice sociale, le droit des peuples et
les libertés ! contre le colonialisme et l'impérialisme*
*Manifestons samedi 5 juillet*
Loin d'être novatrice, l'Union pour la Méditerranée se place en réalité
dans la droite ligne du processus de Barcelone lancé en novembre 1995
par l'Union européenne (UE), et est présentée par Bernard Kouchner,
ministre français des Affaires étrangères, comme « un coup de jeune du
Processus de Barcelone ». Tous les pays de l'UE y sont invités ainsi que
11 États du Sud et de l'Est de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie,
Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie, Albanie et Mauritanie)
et l'Autorité palestinienne, qui n'a pas de souveraineté.
Inquiétant lorsque l'on connaît le contenu de ce processus et ses
conséquences. Car si la « coopération » euro méditerranéenne a bien des
finalités, elles sont d'une banalité peu surprenante.
Économiques tout d'abord, avec la construction d'un espace de
libre-échange et de libéralisation du marché d'ici 2010. Celle-ci se
concrétise par des privatisations et dans la suite logique par la prise
en main des entreprises par des groupes capitalistes du Nord. Une
politique qui a bien entendu des conséquences sociales dramatiques :
licenciements, augmentation des inégalités avec le développement de
bourgeoisies locales quand les peuples restent dans la misère
(difficultés d'accès aux droits fondamentaux -- soins, alimentation,
travail, logement, éducation, etc. --, hausse des prix, etc.). Le
ministère français des affaires étrangères le dit très clairement sur
son site Internet, au sujet des relations entre la France et le Maghreb
: « Les pays du Maghreb (Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie)
[constituent] un marché et un partenaire économique : nous sommes le
premier fournisseur de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc. L'ensemble
du Maghreb ouvre de bonnes perspectives d'avenir : réformes,
privatisations, grands chantiers et nouveaux marchés lié à la
modernisation ».
Les enjeux sont aussi « sécuritaires », à travers notamment les
prétendues luttes contre le terrorisme et la corruption. Inefficiente
pour la seconde, car trop d'intérêts sont en jeu et que la corruption
est érigée en véritable mode de gouvernance, elles sont utilisées comme
argument pour jeter des militants, notamment des jeunes, en prison. En
effet, les atteintes aux droits humains, la torture, la répression des
opposants, le musellement des libertés d'association et de presse, la
mise en place de législations liberticides d'exception sont le lot
quotidien des populations du sud de la Méditerranée. Et bien sûr,
derrière le mot sécuritaire se profile le sujet de l'immigration. Parce
que cet espace méditerranéen est aussi celui d'une maîtrise accrue,
violente et meurtrière des migrations : moyens de contrôle et répression
(notamment maritimes) renforcés, sous-traitance de la gestion des flux
migratoires aux pays de premières frontières extérieures (Maroc,
Algérie, Libye et Mauritanie notamment) pour empêcher l'arrivée sur le
territoire européen des populations africaines. La libre circulation,
c'est bon pour les capitaux et les patrons, pas pour les êtres humains,
notamment les plus pauvres... Citons encore une fois le ministère
français des Affaires étrangères : « Nous partageons avec ces pays une
proximité culturelle et des enjeux communs : liens avec la France et
avec l'UE, défi de la mondialisation, pression islamiste, pression
migratoire (comme pays d'émigration et, de plus en plus, comme pays de
transit), terrorisme (notamment comme cibles). »
Et toutes ces formes de répression sont également utilisées contre les
mouvements sociaux : droit syndical bafoué, licenciement et même
arrestation des militants (détenus du 1er Mai au Maroc, par exemple),
bien loin du prétendu respect et renforcement des droits de l'homme que
l'espace euroméditerranéen est censé développer et que le processus de
Barcelone estime mettre en avant.
Enfin, cette nouvelle Union serait censée développer la paix... Mais sur
quels fondements ? Sur celui du statu quo, comme cela semble être le cas
jusqu'à présent, ou sur celui de la fin des colonialismes et des
dominations de type impérialiste du Nord sur le Sud, d'Israël sur la
Palestine, la Syrie et le Liban ; mais aussi entre pays du Sud ou du
Nord, bref sur le respect des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes
? D'autant plus que cette Union pour la Méditerranée vise aussi à
avaliser le fait colonial israélien et à fermer la porte de l'Union
européenne à la Turquie.
Parce que cette « nouvelle union » est un outil au service des puissants
et de leurs intérêts nous appelons à la construction d'une union
méditerranéenne des peuples et des luttes pour :
. le respect des droits humains et le développement des libertés
fondamentales, notamment en terme de droit syndical et de libertés de
presse, d'expression et d'organisation ;
. la libération de tous les détenus d'opinion, l'arrêt de la torture, la
fin des régimes d'exception et de terreur et le droit de tout un chacun
de pouvoir se défendre juridiquement ;
. l'arrêt des politiques économiques de privatisation des services
publics et d'attaque des droits sociaux des travailleurs ;
. la libre circulation des personnes, la fermeture des lieux
d'enfermement et l'annulation de tous les accords de lutte contre les
migrations ;
. la décolonisation effective, politique, sociale, culturelle et
économique ;
. le droit au retour des réfugiés ;
. le respect de toutes les cultures.
*Samedi 5 juillet 2008*
*Manifestation 14 h 30 à Paris, M° Place de clichy*
*Concert-meeting (entrée libre)*
*Avec notamment Mohamed Bahr, Fred Alpi, Kalash (sous réserve)*
*et des interventions de militants syndicalistes et associatifs
tunisiens, marocains, palestiniens, etc.*
*18 heures à la CIP-IDF*
*M° Corentin-Cariou, 14/16 quai de la Charente*
Premiers signataires : Association des Marocains en France (AMF),
Association des Palestiniens en France (APF), Association des Tunisiens
en France (ATF), Association des travailleurs maghrébins de France
(ATMF), Attac, Campagne civile internationale pour la protection du
peuple palestinien (CCIPPP), Cedetim, Confédération nationale du travail
(CNT), FACS, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR),
Génération Palestine, Mouvement des Indigènes de la République (MIR),
Rassemblement des associations citoyennes des originaires de Turquie
(RACORT), Sierra Maestra, Union juive française pour la paix (UJFP),
Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT), Association Voie
démocratique France...
Afrique du Nord
Avis de tempêtes sociales
par K. Selim
(13 juin 2008)
Des émeutes sociales ont été violemment réprimées au Maroc et en Tunisie.
Après l’Egypte et l’Algérie, on peut dire que c’est l’alerte sociale
générale.
En Tunisie, la contestation dure depuis des semaines dans le bassin minier
de Gafsa et, apparemment, les pouvoirs publics n’ont pas trouvé la bonne
méthode pour organiser le dialogue social. Un manifestant a été tué
vendredi par balle à Redeyef et plusieurs ont été blessés dans la
répression policière d’un mouvement qui n’a cessé de durcir. C’est le
deuxième décès enregistré dans la région minière de Gafsa, en proie à une
contestation sociale sans précédent dans une Tunisie très surveillée. La
contestation révèle une autre image sociale d’un pays qui affiche des taux
de croissance élevés et qui est donné en exemple par les institutions
financières internationales. Ce décor social est celui des inégalités et
du chômage qui touche de nombreux diplômés.
Au Maroc, le même phénomène est enregistré. Et le gouvernement semble
choisir la diversion commode en s’en prenant avec virulence à la chaîne
Al-Jazira accusée de désinformation. Pourtant, la chaîne qatarie n’a pas
inventé ce qui s’est passé à Sidi Ifni, où de violents affrontements ont
opposé des chômeurs aux forces de l’ordre. Le gouvernement marocain
affirme que le bilan de ces affrontements n’est « que » de 44 blessés «
légers ». Mais il est contredit, non par Al-Jazira mais par le Centre
marocain des droits humains (CMDH), qui fait état d’un bilan plus lourd,
entre « un et cinq morts ». Il faut d’ailleurs vivement souhaiter que le
gouvernement ait raison car il n’y a rien de réjouissant à ce qu’il y ait
des morts dans une simple manifestation de chômeurs.
Les évènements de Redeyef et de Sidi Ifni sont des indicateurs de plus
d’une contestation sociale qui semble faire un long arc de cercle de la
Mauritanie à l’Egypte. Les plus pauvres ont tendance à ne plus se résigner
et à manifester ouvertement leurs colères. Que cela arrive même dans des
pays à la « tradition policière » éprouvée est un signe qui ne trompe pas.
La Mauritanie est sans doute le maillon social le plus risqué. Elle a déjà
connu des émeutes l’automne dernier et les experts considèrent que l’année
2008 sera celle de tous les dangers. La flambée des prix des produits
alimentaires, lourdement ressentie par les pays maghrébins, pourrait en
effet avoir de très graves effets pour la Mauritanie qui importe 70% de
ses besoins.
Pour ceux qui pensaient que l’émeute n’était qu’algérienne, il faut bien
élargir la vision. Elle s’étend à l’ensemble des pays du Maghreb. Elle
touche également l’Egypte, où les contestataires essayent aussi d’inventer
de nouvelles formes d’action pour éviter l’émeute qui conduit
inéluctablement à la répression. Au pays des pharaons, la crise du pain
subventionné comportait un tel danger que le gouvernement a dû mettre
l’armée et la police à contribution pour fabriquer le pain et le
distribuer.
Le nord de l’Afrique donne une image frappante d’unité dans l’ébullition
sociale, organisée parfois, désordonnée le plus souvent. Il faut bien
chercher un dénominateur commun à ce phénomène. Sans doute faut-il le
trouver dans la faiblesse du dialogue social dans des pays où le souci
obsessionnel du contrôle politique, voire policier l’emporte sur
l’impératif d’avoir une représentation politique et sociale authentique.
Les signaux sont au rouge. Il y a bien avis de tempêtes sociales dans
l’ensemble des pays du nord de l’Afrique.
MAGHREB
La révolte des jeunes
mardi 10 juin 2008 par Hassan Moali
Comme s’ils se sont passé le mot, les jeunes du Maghreb investissent la
rue pour éructer leur colère d’être des éternels laissés-pour-compte.
Alors que le vent des émeutes vient juste de se calmer dans plusieurs
régions d’Algérie, des échauffourées ont brusquement éclaté au Maroc et en
Tunisie. Des pays, où l’émeute était jusque-là quasi-insoupçonnable du
fait que les régimes étouffent toute velléité de protesta, se voient ainsi
débordés par une poussée d’adrénaline d’une jeunesse livrée à elle-même.
C’est pourquoi les étincelles en provenance de nos voisins de l’Est et de
l’Ouest sont à prendre au sérieux tant elles dénotent d’un malaise social
et d’un désenchantement populaire que les autorités des deux pays ne
peuvent cacher dans le brouillard des bombes lacrymogènes qui enveloppe
depuis samedi les villes de Sidi Ifni (Maroc) et de Redeyef (Tunisie). Que
les affrontements entre les forces de l’ordre et des jeunes chômeurs dans
ces deux villes du Maroc et de la Tunisie surviennent au même moment sont
un signe qui ne trompe pas quant à la similitude des souffrances des
jeunes de ces pays avec l’Algérie. A Sidi Ifni, un port de pêche du Maroc
situé à 900 km au sud-ouest de Rabat, la violence était telle samedi
dernier que les organismes des droits de l’homme parlent de 8 morts et de
plus de 44 blessés. Bien que les autorités de sa majesté refusent de
reconnaître qu’il y a eu mort d’homme, cela ne diminue pas pour autant le
niveau de violence de ces émeutes des chômeurs. Tout a commencé le 30 mai
dernier quand une centaine de jeunes déçus de n’avoir pas été tirés au
sort pour le recrutement, a bloqué la porte d’accès au port de Sidi Ifni
dont la pêche est la principale ressource économique. La réaction aussi
violente qu’intempestive des forces de l’ordre a tôt fait de déclencher un
véritable corps-à-corps avec les jeunes désœuvrés de Sidi Ifni. Il n’en
fallait pas plus pour que les échauffourées se répandent et se
transforment en émeutes à l’algérienne. Bilan officiel : 44 blessés dont
27 parmi les forces de l’ordre, alors que d’autres sources évoquent près
d’une dizaine de morts. Mais au-delà de la bataille des chiffres, il faut
surtout méditer sur les raisons de la colère. Les jeunes de Sidi Ifni
réclament en effet « une répartition équitable des richesses de la ville,
le statut de préfecture de la cité, le réaménagement du port et la
construction d’un nouvelle rocade côtière », rapporte l’AFP citant un élu
local.
L’UMA de… la révolte
En clair, les jeunes de cette localité revendiquent le travail pour
subvenir à leurs besoins. Et, coïncidence frappante, les jeunes de
Redeyef, une ville riche en phosphate située à Gafsa, à 350 km au
sud-ouest de Tunis, se sont révoltés le même jour contre les autorités à
cause du « chômage, du renchérissement du coût de la vie, de la corruption
et du clientélisme ». Là aussi, les jeunes désœuvrés ont réagi violemment
à une manipulation des résultats d’un concours de recrutement à la
Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur de la région,
au profit de certains notables. On déplore au moins un mort et plusieurs
blessés. A Redeyef comme à Sidi Ifni, le chômage et autres revendications
d’ordre social sont à l’origine de la révolte. Et pour éviter l’effet
boule de neige, l’armée tunisienne s’est vite déployée dans la ville pour
« empêcher toute menace à l’ordre public ». Mais le mur de la peur est
tout de même tombé. La Tunisie, qui est réputée être une grande caserne,
fait désormais face à une « armée » de chômeurs (le taux officiel est de
14%) qui ne recule devant rien pour se faire entendre. Qu’ils soient
Algériens, Marocains ou Tunisiens, les jeunes révoltés n’ont désormais
qu’un seul exutoire : la rue. Moralité, les maux de la jeunesse au Maghreb
n’ont pas de nationalité. A défaut d’une union maghrébine qui aurait pu
booster les économies des trois pays, on assiste plutôt à la « naissance »
d’un rassemblement maghrébin de la colère. C’est le terrible boomerang de
la jeunesse de la région aux régimes des trois pays.
luttes samedi 5 juillet, ainsi que des informations sur l’actualité
économique et politique de la région.
Alors que le projet Sarkozien d'"Union pour la Méditerranée" est en cours
de négociation avec l’Egypte, la Tunisie et le Maroc, de nombreuses
révoltes d’ouvriers, d’étudiants et de chômeurs secouent la région depuis
des mois et sont férocement réprimées (Voir la compilation ci-dessous).
Au même moment, l’investissement européen dans ces pays s’envole :
http://www.animaweb.org/etudes.php
GS ]
--------
*Pour une Méditerranée des luttes*
*pour la paix, la justice sociale, le droit des peuples et
les libertés ! contre le colonialisme et l'impérialisme*
*Manifestons samedi 5 juillet*
Loin d'être novatrice, l'Union pour la Méditerranée se place en réalité
dans la droite ligne du processus de Barcelone lancé en novembre 1995
par l'Union européenne (UE), et est présentée par Bernard Kouchner,
ministre français des Affaires étrangères, comme « un coup de jeune du
Processus de Barcelone ». Tous les pays de l'UE y sont invités ainsi que
11 États du Sud et de l'Est de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie,
Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie, Albanie et Mauritanie)
et l'Autorité palestinienne, qui n'a pas de souveraineté.
Inquiétant lorsque l'on connaît le contenu de ce processus et ses
conséquences. Car si la « coopération » euro méditerranéenne a bien des
finalités, elles sont d'une banalité peu surprenante.
Économiques tout d'abord, avec la construction d'un espace de
libre-échange et de libéralisation du marché d'ici 2010. Celle-ci se
concrétise par des privatisations et dans la suite logique par la prise
en main des entreprises par des groupes capitalistes du Nord. Une
politique qui a bien entendu des conséquences sociales dramatiques :
licenciements, augmentation des inégalités avec le développement de
bourgeoisies locales quand les peuples restent dans la misère
(difficultés d'accès aux droits fondamentaux -- soins, alimentation,
travail, logement, éducation, etc. --, hausse des prix, etc.). Le
ministère français des affaires étrangères le dit très clairement sur
son site Internet, au sujet des relations entre la France et le Maghreb
: « Les pays du Maghreb (Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie)
[constituent] un marché et un partenaire économique : nous sommes le
premier fournisseur de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc. L'ensemble
du Maghreb ouvre de bonnes perspectives d'avenir : réformes,
privatisations, grands chantiers et nouveaux marchés lié à la
modernisation ».
Les enjeux sont aussi « sécuritaires », à travers notamment les
prétendues luttes contre le terrorisme et la corruption. Inefficiente
pour la seconde, car trop d'intérêts sont en jeu et que la corruption
est érigée en véritable mode de gouvernance, elles sont utilisées comme
argument pour jeter des militants, notamment des jeunes, en prison. En
effet, les atteintes aux droits humains, la torture, la répression des
opposants, le musellement des libertés d'association et de presse, la
mise en place de législations liberticides d'exception sont le lot
quotidien des populations du sud de la Méditerranée. Et bien sûr,
derrière le mot sécuritaire se profile le sujet de l'immigration. Parce
que cet espace méditerranéen est aussi celui d'une maîtrise accrue,
violente et meurtrière des migrations : moyens de contrôle et répression
(notamment maritimes) renforcés, sous-traitance de la gestion des flux
migratoires aux pays de premières frontières extérieures (Maroc,
Algérie, Libye et Mauritanie notamment) pour empêcher l'arrivée sur le
territoire européen des populations africaines. La libre circulation,
c'est bon pour les capitaux et les patrons, pas pour les êtres humains,
notamment les plus pauvres... Citons encore une fois le ministère
français des Affaires étrangères : « Nous partageons avec ces pays une
proximité culturelle et des enjeux communs : liens avec la France et
avec l'UE, défi de la mondialisation, pression islamiste, pression
migratoire (comme pays d'émigration et, de plus en plus, comme pays de
transit), terrorisme (notamment comme cibles). »
Et toutes ces formes de répression sont également utilisées contre les
mouvements sociaux : droit syndical bafoué, licenciement et même
arrestation des militants (détenus du 1er Mai au Maroc, par exemple),
bien loin du prétendu respect et renforcement des droits de l'homme que
l'espace euroméditerranéen est censé développer et que le processus de
Barcelone estime mettre en avant.
Enfin, cette nouvelle Union serait censée développer la paix... Mais sur
quels fondements ? Sur celui du statu quo, comme cela semble être le cas
jusqu'à présent, ou sur celui de la fin des colonialismes et des
dominations de type impérialiste du Nord sur le Sud, d'Israël sur la
Palestine, la Syrie et le Liban ; mais aussi entre pays du Sud ou du
Nord, bref sur le respect des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes
? D'autant plus que cette Union pour la Méditerranée vise aussi à
avaliser le fait colonial israélien et à fermer la porte de l'Union
européenne à la Turquie.
Parce que cette « nouvelle union » est un outil au service des puissants
et de leurs intérêts nous appelons à la construction d'une union
méditerranéenne des peuples et des luttes pour :
. le respect des droits humains et le développement des libertés
fondamentales, notamment en terme de droit syndical et de libertés de
presse, d'expression et d'organisation ;
. la libération de tous les détenus d'opinion, l'arrêt de la torture, la
fin des régimes d'exception et de terreur et le droit de tout un chacun
de pouvoir se défendre juridiquement ;
. l'arrêt des politiques économiques de privatisation des services
publics et d'attaque des droits sociaux des travailleurs ;
. la libre circulation des personnes, la fermeture des lieux
d'enfermement et l'annulation de tous les accords de lutte contre les
migrations ;
. la décolonisation effective, politique, sociale, culturelle et
économique ;
. le droit au retour des réfugiés ;
. le respect de toutes les cultures.
*Samedi 5 juillet 2008*
*Manifestation 14 h 30 à Paris, M° Place de clichy*
*Concert-meeting (entrée libre)*
*Avec notamment Mohamed Bahr, Fred Alpi, Kalash (sous réserve)*
*et des interventions de militants syndicalistes et associatifs
tunisiens, marocains, palestiniens, etc.*
*18 heures à la CIP-IDF*
*M° Corentin-Cariou, 14/16 quai de la Charente*
Premiers signataires : Association des Marocains en France (AMF),
Association des Palestiniens en France (APF), Association des Tunisiens
en France (ATF), Association des travailleurs maghrébins de France
(ATMF), Attac, Campagne civile internationale pour la protection du
peuple palestinien (CCIPPP), Cedetim, Confédération nationale du travail
(CNT), FACS, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR),
Génération Palestine, Mouvement des Indigènes de la République (MIR),
Rassemblement des associations citoyennes des originaires de Turquie
(RACORT), Sierra Maestra, Union juive française pour la paix (UJFP),
Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT), Association Voie
démocratique France...
Afrique du Nord
Avis de tempêtes sociales
par K. Selim
(13 juin 2008)
Des émeutes sociales ont été violemment réprimées au Maroc et en Tunisie.
Après l’Egypte et l’Algérie, on peut dire que c’est l’alerte sociale
générale.
En Tunisie, la contestation dure depuis des semaines dans le bassin minier
de Gafsa et, apparemment, les pouvoirs publics n’ont pas trouvé la bonne
méthode pour organiser le dialogue social. Un manifestant a été tué
vendredi par balle à Redeyef et plusieurs ont été blessés dans la
répression policière d’un mouvement qui n’a cessé de durcir. C’est le
deuxième décès enregistré dans la région minière de Gafsa, en proie à une
contestation sociale sans précédent dans une Tunisie très surveillée. La
contestation révèle une autre image sociale d’un pays qui affiche des taux
de croissance élevés et qui est donné en exemple par les institutions
financières internationales. Ce décor social est celui des inégalités et
du chômage qui touche de nombreux diplômés.
Au Maroc, le même phénomène est enregistré. Et le gouvernement semble
choisir la diversion commode en s’en prenant avec virulence à la chaîne
Al-Jazira accusée de désinformation. Pourtant, la chaîne qatarie n’a pas
inventé ce qui s’est passé à Sidi Ifni, où de violents affrontements ont
opposé des chômeurs aux forces de l’ordre. Le gouvernement marocain
affirme que le bilan de ces affrontements n’est « que » de 44 blessés «
légers ». Mais il est contredit, non par Al-Jazira mais par le Centre
marocain des droits humains (CMDH), qui fait état d’un bilan plus lourd,
entre « un et cinq morts ». Il faut d’ailleurs vivement souhaiter que le
gouvernement ait raison car il n’y a rien de réjouissant à ce qu’il y ait
des morts dans une simple manifestation de chômeurs.
Les évènements de Redeyef et de Sidi Ifni sont des indicateurs de plus
d’une contestation sociale qui semble faire un long arc de cercle de la
Mauritanie à l’Egypte. Les plus pauvres ont tendance à ne plus se résigner
et à manifester ouvertement leurs colères. Que cela arrive même dans des
pays à la « tradition policière » éprouvée est un signe qui ne trompe pas.
La Mauritanie est sans doute le maillon social le plus risqué. Elle a déjà
connu des émeutes l’automne dernier et les experts considèrent que l’année
2008 sera celle de tous les dangers. La flambée des prix des produits
alimentaires, lourdement ressentie par les pays maghrébins, pourrait en
effet avoir de très graves effets pour la Mauritanie qui importe 70% de
ses besoins.
Pour ceux qui pensaient que l’émeute n’était qu’algérienne, il faut bien
élargir la vision. Elle s’étend à l’ensemble des pays du Maghreb. Elle
touche également l’Egypte, où les contestataires essayent aussi d’inventer
de nouvelles formes d’action pour éviter l’émeute qui conduit
inéluctablement à la répression. Au pays des pharaons, la crise du pain
subventionné comportait un tel danger que le gouvernement a dû mettre
l’armée et la police à contribution pour fabriquer le pain et le
distribuer.
Le nord de l’Afrique donne une image frappante d’unité dans l’ébullition
sociale, organisée parfois, désordonnée le plus souvent. Il faut bien
chercher un dénominateur commun à ce phénomène. Sans doute faut-il le
trouver dans la faiblesse du dialogue social dans des pays où le souci
obsessionnel du contrôle politique, voire policier l’emporte sur
l’impératif d’avoir une représentation politique et sociale authentique.
Les signaux sont au rouge. Il y a bien avis de tempêtes sociales dans
l’ensemble des pays du nord de l’Afrique.
MAGHREB
La révolte des jeunes
mardi 10 juin 2008 par Hassan Moali
Comme s’ils se sont passé le mot, les jeunes du Maghreb investissent la
rue pour éructer leur colère d’être des éternels laissés-pour-compte.
Alors que le vent des émeutes vient juste de se calmer dans plusieurs
régions d’Algérie, des échauffourées ont brusquement éclaté au Maroc et en
Tunisie. Des pays, où l’émeute était jusque-là quasi-insoupçonnable du
fait que les régimes étouffent toute velléité de protesta, se voient ainsi
débordés par une poussée d’adrénaline d’une jeunesse livrée à elle-même.
C’est pourquoi les étincelles en provenance de nos voisins de l’Est et de
l’Ouest sont à prendre au sérieux tant elles dénotent d’un malaise social
et d’un désenchantement populaire que les autorités des deux pays ne
peuvent cacher dans le brouillard des bombes lacrymogènes qui enveloppe
depuis samedi les villes de Sidi Ifni (Maroc) et de Redeyef (Tunisie). Que
les affrontements entre les forces de l’ordre et des jeunes chômeurs dans
ces deux villes du Maroc et de la Tunisie surviennent au même moment sont
un signe qui ne trompe pas quant à la similitude des souffrances des
jeunes de ces pays avec l’Algérie. A Sidi Ifni, un port de pêche du Maroc
situé à 900 km au sud-ouest de Rabat, la violence était telle samedi
dernier que les organismes des droits de l’homme parlent de 8 morts et de
plus de 44 blessés. Bien que les autorités de sa majesté refusent de
reconnaître qu’il y a eu mort d’homme, cela ne diminue pas pour autant le
niveau de violence de ces émeutes des chômeurs. Tout a commencé le 30 mai
dernier quand une centaine de jeunes déçus de n’avoir pas été tirés au
sort pour le recrutement, a bloqué la porte d’accès au port de Sidi Ifni
dont la pêche est la principale ressource économique. La réaction aussi
violente qu’intempestive des forces de l’ordre a tôt fait de déclencher un
véritable corps-à-corps avec les jeunes désœuvrés de Sidi Ifni. Il n’en
fallait pas plus pour que les échauffourées se répandent et se
transforment en émeutes à l’algérienne. Bilan officiel : 44 blessés dont
27 parmi les forces de l’ordre, alors que d’autres sources évoquent près
d’une dizaine de morts. Mais au-delà de la bataille des chiffres, il faut
surtout méditer sur les raisons de la colère. Les jeunes de Sidi Ifni
réclament en effet « une répartition équitable des richesses de la ville,
le statut de préfecture de la cité, le réaménagement du port et la
construction d’un nouvelle rocade côtière », rapporte l’AFP citant un élu
local.
L’UMA de… la révolte
En clair, les jeunes de cette localité revendiquent le travail pour
subvenir à leurs besoins. Et, coïncidence frappante, les jeunes de
Redeyef, une ville riche en phosphate située à Gafsa, à 350 km au
sud-ouest de Tunis, se sont révoltés le même jour contre les autorités à
cause du « chômage, du renchérissement du coût de la vie, de la corruption
et du clientélisme ». Là aussi, les jeunes désœuvrés ont réagi violemment
à une manipulation des résultats d’un concours de recrutement à la
Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), principal employeur de la région,
au profit de certains notables. On déplore au moins un mort et plusieurs
blessés. A Redeyef comme à Sidi Ifni, le chômage et autres revendications
d’ordre social sont à l’origine de la révolte. Et pour éviter l’effet
boule de neige, l’armée tunisienne s’est vite déployée dans la ville pour
« empêcher toute menace à l’ordre public ». Mais le mur de la peur est
tout de même tombé. La Tunisie, qui est réputée être une grande caserne,
fait désormais face à une « armée » de chômeurs (le taux officiel est de
14%) qui ne recule devant rien pour se faire entendre. Qu’ils soient
Algériens, Marocains ou Tunisiens, les jeunes révoltés n’ont désormais
qu’un seul exutoire : la rue. Moralité, les maux de la jeunesse au Maghreb
n’ont pas de nationalité. A défaut d’une union maghrébine qui aurait pu
booster les économies des trois pays, on assiste plutôt à la « naissance »
d’un rassemblement maghrébin de la colère. C’est le terrible boomerang de
la jeunesse de la région aux régimes des trois pays.