par bye Ven 23 Mai - 22:42
La loi sur les OGM, intégrant, dans le droit français, la directive européenne 2001-2018 de coexistence des cultures, était adoptée en 1° lecture par l'Assemblée Nationale le 9 avril, et en seconde lecture le 17 avril, par le sénat. Une loi qui - libéralisme oblige - protège le fort contre le faible. Le Sénat ayant adopté dans les mêmes termes tous les articles de la loi à l'exception du 1°, seul celui-ci devait être à nouveau discuté par les députés les 13 et 14 mai. Il devait s'agir d'une simple formalité, or le projet de loi est finalement rejeté, par 136 voix contre 135, après l'adoption "surprise" d'une motion de procédure déposée apr le PCF.
Avides de sensationnel, certains organes de presse parlent de "revers symbolique majeur", de "camouflet pour l'Elysée" évoquent même "la fronde".Faudrait-il comprendre que la division et l'abstentionnisme - ou plutôt la désertion - de la majorité vont provoquer un changement de société ? Faudrait-il croire que les jeux d'intrigue et de défiance de parlementaires excédés par la rigidité de l'hyperprésidence envers le locataire de l'Elysée puiisent accoucher d'un coup d'Etat ?
Que les réactionnaires et les spéculateurs se rassurent: la tempête n'a même pas eu lieu dans un verre d'eau, seulement dans un verre à coudre. A la suite du rejet, le 1° ministre a en effet annoncé qu'il convoquerait une commission mixte paritaire chargée de trouver un texte de compromis qui sera présenté au vote des 2 assemblées. La seule conséquence dommageable pour le pouvoir en place sera donc un retard de calendrier. Et dans l'attente d'un nouveau texte, la même situation perdurera.
Des risques sous-estimés
Le projet de loi actuel prévoit la liberté de produire avec ou sans OGM, il estime donc possible la coexistence de nombreux contre-exemples constatés, malgré des nuisances avérées. Les scientifiques s'opposent sur ce point, mais on constate curieusement que les plus optimistes sont le plus souvent financés par les industriels! par ailleurs, non seulement les indemnisations prévues pour les agriculteurs dont les cultures sont contaminées sont dérisoires, mais c'est à la victime de prouver la pollution !
Des consommateurs floués
la loi votée consiste essentiellement en une succession d'amendements non contraignants, faisant fi du principe de précaution, et destinés à faire illusion. Une récolte contaminée peut être commercialisée pourvu qu'elle soit suffisamment diluée pour se situer à moins de 0,9 % de contamination, les consommateurs n'étant pas avertis en dessous de ce seuil. Alors que 80 % des consommateurs refusent les OGM!
Une répression accrue
Pour mieux dissuader toute initiative de désobéissance, la loi instaure " un délit de fauchage ", les sanctions contre les faucheurs sont aggravées: 2 ans d'emprisonnement s'il s'agit de cultures, 3 si la parcelle est destinée à la recherche, et 75 000 € d'amende. Plusieurs procès ont déjà eu lieu depuis le début de l'année 2008 ( Orléans, Orne, Besançon, Nièvre, Eure et Loir,..); d'autres se tiendront prochainement ( Toulouse en juin, Carcassonne et Bordeaux en juillet ).L'objectif recherché n'est pas seulement la criminalisation de la dissidence, mais l'asphyxie financière d'individus, d'associations, de syndicats.
Par ailleurs, depuis quelques années, 1 000 maires ont signé des arrêtés visant à empêcher la culture des OGM; ces arrêtés ont été annulés par les préfets ou les tribunaux administratifs au motif que les maires ne peuvent prendre dse décisions contraires à un texte qui leur est juridiquement supérieur! Vous avez dit "démocratie de proximité"?
Quelles luttes ?
Non les OGM ne sont pas susceptibles de relever les " défis alimentaires et environnementaux". Ils n'ont pas permis de réduire les quantités de pesticides. Quant au problème de la faim, il faut savoir que l'agriculture mondiale fournit au moins 120 % des besoins de l'humanité; il ne s'agit donc pas d'augmenter la production, mais d'en assurer la distribution, c'est-à-dire de sortir du capitalisme fondé sur la concentration !
Les OGM sont à la fois une réponse que l'agriculture capitalisme tente de trouver aux problèmes qu'elle a elle-même créés ( pesticides, fragilité des animaux d'élevages industriels...) et qui lui permettra de poursuivre ses pratiques aberrantes
, sa fuite en avant, et un nouvel instrument destiné à augmenter la dépendance à la fois des agriculteurs et des consommateurs, permettant le contrôle total de la chaîne alimentaire, du laboratoire à notre assiette.
Les firmes biotechnologiques visent en effet le monopole de la production de semences en lançant sur le marché des espèces dont elles détiennent les brevets. C'est la détention de ces brevets qui permet notamment au complexe génético-industriel d'empêcher la souveraineté alimentaire des peuples, d'imposer une technologie dont, visiblement, les populations ne veulent pas. Les OGM ne se justifient que par l'existence des droits de propriété intellectuelle. cette course au brevet est l'aboutissement d'un processus qui a débuté il y a 5 siècles, celui de l'appropriation et de la privatisation des grands écosystèmes. De la propriété privée des moyens de production à celle des moyens de reproduction, la boucle est bouclée!
Outre el fait qu'il comporte des risques pour la santé, ce "commerce illégal du colonialisme moderne", cette " biopiraterie ", ce "hod-up sur le vivant" a déjà des conséquences dramatiques pour les agriculteurs; des économies risquent d'être ruinées du fait du remplacement des produits naturels par des produits fabriqués par des transgéniques. Ces conséquences légitiment totalement les actions de désobéissance civile comme le fauchage de parcelles ensemencées en OGM . mais ces opérations resteront sans effet ( comme d'ailleurs la demande d'un moratoire ou l'étiquetage des produits ) si elles ne s'inscrivent pas dans une lutte plus vaste.
Il y aurait danger à laisser dépolitiser la question des OGM. Ce qui est en jeu, c'est non seulement le libre choix et la qualité d'une alimentation, non seulement un mode de production agro-industriel, c'est le système qui a rendu possibles ces OGM, le système capitaliste lui-même.
le Monde Libertaire