L’organisation de l’Euro 2016 de football en France va coûter, selon les calculs d’Hexagones, environ 2,5 milliards d’euros d’argent public et non 290 millions comme annoncé en 2010. Ce summum du foot-business a été voulu par Michel Platini, pressenti pour succéder à Sepp Blatter à la FIFA.
Le nom de Michel Platini est sur toutes les lèvres depuis la démission-surprise de Sepp Blatter de la présidence de la FIFA le 2 juin, quelques jours seulement après sa réélection. Le président emblématique de l’organisation aux 209 États membres a été balayé par une double enquête judiciaire américaine et suisse qui met au jour des pratiques de corruption à échelle industrielle, apparemment courantes depuis des décennies pour l’attribution de l’épreuve-reine du premier sport mondial, la Coupe du monde.
Le président de l’UEFA s’était présenté dès la réélection controversée de Sepp Blatter comme une alternative à ce système. « Je suis dépité, j’en ai marre, je suis dégoûté », déclarait publiquement Michel Platini le 28 mai alors que le Suisse venait de repousser sa proposition de passer la main avant le scrutin. Cette posture de « monsieur Propre » et de déçu du foot-business, mise en exergue par des articles de presse favorables en France, résiste cependant mal à l’examen des pratiques de l’UEFA.
La puissance financière de l’organisation dépasse de loin celle de la FIFA. La saison 2013-2014 a marqué un record sur ce plan avec plus de 1,7 milliard d’euros de recettes, alors même qu’il ne s’y déroulait pas d’Euro.
Ce montant est le double de celui de la saison 2006-2007, année de l’élection de Michel Platini à la tête de l’organisation. Si la FIFA vit du trésor de la coupe du monde, l’organisation européenne a deux poules aux œufs d’or avec l’Euro et la Ligue des champions, qui bénéficient de l’explosion des montants des droits de retransmission.
Michel Platini, qui a appris le métier à partir de 1998 quand il est devenu conseiller de Sepp Blatter au moment de son accession à la présidence de la FIFA, s’est inspiré de ses méthodes en Europe. L’Euro de 2016 en France, quatrième épreuve majeure de football organisée en France depuis les années cinquante, après les Euros de 1960 et 1984 et la Coupe du monde 1998, constituera à cet égard un aboutissement.
Premier commandement du foot-business : multiplier le nombre de matchs, ce qui augmente mécaniquement les rendements des différents marchés. Deuxième commandement : protéger les équipes des pays les plus riches et les plus susceptibles de provoquer un fort engouement populaire.
Le championnat d’Europe en France sera ainsi le premier à 24 équipes et non plus à 16, comme depuis 1996. Sportivement, cette réforme, qui permet à près de la moitié des 54 pays membres de l’UEFA de disputer le tournoi, enlève beaucoup d’intérêt aux matchs de qualification. Sauf catastrophe nucléaire, aucune des équipes sérieuses, voire moyennes, du continent ne pourra rater l’accession à la phase finale. C’est assez similaire aux phases de poule de la Ligue des champions : presque aucun grand club ne peut manquer l’accession aux huitièmes de finale dans la formule d’un « mini-championnat » à six matchs contre des équipes disposant souvent du dixième de leur budget.
L’organisation des 51 matchs de l’Euro en France nécessitera un déploiement de moyens considérables, l’UEFA demandant huit stades importants de 30 000 à 50 000 places. La France n’a pas mégoté et a emporté le morceau en 2010 grâce à un activisme forcené de Nicolas Sarkozy, sur le fondement d’un dossier de candidature proposant onze stades, dont quatre neufs (Nancy ayant abandonné, le chiffre est depuis passé à dix). Alors que la crise financière battait déjà son plein, la France avait obtenu de justesse l’organisation de l’épreuve devançant d’une seule voix la Turquie dans le vote du comité exécutif de l’UEFA.
« Ce n’est pas l’engagement de la Fédération ou de la Ligue, mais l’engagement de tout un peuple, déclarait à cette époque Nicolas Sarkozy. Nous pensons en France que le sport, c’est une réponse à la crise. C’est justement parce qu’il y a une crise, qu’il y a des problèmes, qu’il faut mobiliser tout un pays vers l’organisation de grands évènements ».
Il était alors question officiellement d’un coût global de 1,7 milliard d’euros, dont seulement 290 millions d’euros de fonds publics, pour construire quatre nouveaux stades à Lyon, Lille, Bordeaux et Nice, et en rénover six autres : Stade de France, Parc des Princes, Lens, Saint-Etienne, Toulouse, Marseille.
Le problème est que cette présentation était trompeuse, en raison notamment du recours à la formule du « partenariat public-privé » (PPP) pour les constructions de Lille, Bordeaux et Nice et l’aménagement de Marseille. C’est en prenant en compte les dépenses publiques dissimulées dans ce cadre qu’Hexagones a établi le véritable coût de l’Euro pour les deniers publics, soit 2,5 milliards d’euros (voir encadré).
Alors que les contribuables français se sont vu imposer sous Nicolas Sarkozy, comme sous François Hollande, une austérité budgétaire faite de réductions drastiques de dépenses publiques et d’augmentations massives d’impôts, l’État et les collectivités locales se sont donc lancés dans une frénésie de dépenses. Ce chiffre de 2,5 milliards pose de nombreux problèmes.
Le recours aux PPP
Il faut d’abord questionner le recours à la procédure du PPP, devenue un véritable tour de passe-passe de l’État pour dissimuler ou minimiser l’engagement de l’argent des contribuables, et pas seulement pour l’Euro 2016. Cette formule a déjà été utilisée sous Nicolas Sarkozy pour le chantier du nouveau ministère de la Défense, celui du futur palais de justice de Paris, ou encore les nouvelles maisons d’arrêt.
Le PPP consiste à laisser au privé la responsabilité d’avancer l’argent nécessaire à la construction, ce qui permet à l’État ou aux collectivités d’éviter de creuser leur dette, et d’apparaître comme le financeur du projet. L’équipement est ensuite repayé chaque année par l’État ou par les collectivités publiques pendant 20 ans, voire 30 ans, avec une facture cumulée qui peut finalement représenter trois à quatre fois la somme initialement investie.
Au terme de ce contrat, les acteurs publics deviennent propriétaires d’un équipement nécessairement dégradé, où il faudra parfois investir aux fins de rénovation. C’est cependant une véritable mine d’or pour les géants du BTP… et les clubs privés de Ligue 1, futurs occupants des stades.
Les députés avaient d’ailleurs quelque peu toussé avant d’approuver les modifications législatives demandées en urgence pour permettre ce mode de financement, ainsi qu’on peut le lire dans un rapport parlementaire de 2011.
http://www.hexagones.fr/article/2015/06/10/la-grande-gabegie-financiere-de-l-euro-2016
Le nom de Michel Platini est sur toutes les lèvres depuis la démission-surprise de Sepp Blatter de la présidence de la FIFA le 2 juin, quelques jours seulement après sa réélection. Le président emblématique de l’organisation aux 209 États membres a été balayé par une double enquête judiciaire américaine et suisse qui met au jour des pratiques de corruption à échelle industrielle, apparemment courantes depuis des décennies pour l’attribution de l’épreuve-reine du premier sport mondial, la Coupe du monde.
Le président de l’UEFA s’était présenté dès la réélection controversée de Sepp Blatter comme une alternative à ce système. « Je suis dépité, j’en ai marre, je suis dégoûté », déclarait publiquement Michel Platini le 28 mai alors que le Suisse venait de repousser sa proposition de passer la main avant le scrutin. Cette posture de « monsieur Propre » et de déçu du foot-business, mise en exergue par des articles de presse favorables en France, résiste cependant mal à l’examen des pratiques de l’UEFA.
La puissance financière de l’organisation dépasse de loin celle de la FIFA. La saison 2013-2014 a marqué un record sur ce plan avec plus de 1,7 milliard d’euros de recettes, alors même qu’il ne s’y déroulait pas d’Euro.
Ce montant est le double de celui de la saison 2006-2007, année de l’élection de Michel Platini à la tête de l’organisation. Si la FIFA vit du trésor de la coupe du monde, l’organisation européenne a deux poules aux œufs d’or avec l’Euro et la Ligue des champions, qui bénéficient de l’explosion des montants des droits de retransmission.
Michel Platini, qui a appris le métier à partir de 1998 quand il est devenu conseiller de Sepp Blatter au moment de son accession à la présidence de la FIFA, s’est inspiré de ses méthodes en Europe. L’Euro de 2016 en France, quatrième épreuve majeure de football organisée en France depuis les années cinquante, après les Euros de 1960 et 1984 et la Coupe du monde 1998, constituera à cet égard un aboutissement.
Premier commandement du foot-business : multiplier le nombre de matchs, ce qui augmente mécaniquement les rendements des différents marchés. Deuxième commandement : protéger les équipes des pays les plus riches et les plus susceptibles de provoquer un fort engouement populaire.
Le championnat d’Europe en France sera ainsi le premier à 24 équipes et non plus à 16, comme depuis 1996. Sportivement, cette réforme, qui permet à près de la moitié des 54 pays membres de l’UEFA de disputer le tournoi, enlève beaucoup d’intérêt aux matchs de qualification. Sauf catastrophe nucléaire, aucune des équipes sérieuses, voire moyennes, du continent ne pourra rater l’accession à la phase finale. C’est assez similaire aux phases de poule de la Ligue des champions : presque aucun grand club ne peut manquer l’accession aux huitièmes de finale dans la formule d’un « mini-championnat » à six matchs contre des équipes disposant souvent du dixième de leur budget.
L’organisation des 51 matchs de l’Euro en France nécessitera un déploiement de moyens considérables, l’UEFA demandant huit stades importants de 30 000 à 50 000 places. La France n’a pas mégoté et a emporté le morceau en 2010 grâce à un activisme forcené de Nicolas Sarkozy, sur le fondement d’un dossier de candidature proposant onze stades, dont quatre neufs (Nancy ayant abandonné, le chiffre est depuis passé à dix). Alors que la crise financière battait déjà son plein, la France avait obtenu de justesse l’organisation de l’épreuve devançant d’une seule voix la Turquie dans le vote du comité exécutif de l’UEFA.
« Ce n’est pas l’engagement de la Fédération ou de la Ligue, mais l’engagement de tout un peuple, déclarait à cette époque Nicolas Sarkozy. Nous pensons en France que le sport, c’est une réponse à la crise. C’est justement parce qu’il y a une crise, qu’il y a des problèmes, qu’il faut mobiliser tout un pays vers l’organisation de grands évènements ».
Il était alors question officiellement d’un coût global de 1,7 milliard d’euros, dont seulement 290 millions d’euros de fonds publics, pour construire quatre nouveaux stades à Lyon, Lille, Bordeaux et Nice, et en rénover six autres : Stade de France, Parc des Princes, Lens, Saint-Etienne, Toulouse, Marseille.
Le problème est que cette présentation était trompeuse, en raison notamment du recours à la formule du « partenariat public-privé » (PPP) pour les constructions de Lille, Bordeaux et Nice et l’aménagement de Marseille. C’est en prenant en compte les dépenses publiques dissimulées dans ce cadre qu’Hexagones a établi le véritable coût de l’Euro pour les deniers publics, soit 2,5 milliards d’euros (voir encadré).
Alors que les contribuables français se sont vu imposer sous Nicolas Sarkozy, comme sous François Hollande, une austérité budgétaire faite de réductions drastiques de dépenses publiques et d’augmentations massives d’impôts, l’État et les collectivités locales se sont donc lancés dans une frénésie de dépenses. Ce chiffre de 2,5 milliards pose de nombreux problèmes.
Le recours aux PPP
Il faut d’abord questionner le recours à la procédure du PPP, devenue un véritable tour de passe-passe de l’État pour dissimuler ou minimiser l’engagement de l’argent des contribuables, et pas seulement pour l’Euro 2016. Cette formule a déjà été utilisée sous Nicolas Sarkozy pour le chantier du nouveau ministère de la Défense, celui du futur palais de justice de Paris, ou encore les nouvelles maisons d’arrêt.
Le PPP consiste à laisser au privé la responsabilité d’avancer l’argent nécessaire à la construction, ce qui permet à l’État ou aux collectivités d’éviter de creuser leur dette, et d’apparaître comme le financeur du projet. L’équipement est ensuite repayé chaque année par l’État ou par les collectivités publiques pendant 20 ans, voire 30 ans, avec une facture cumulée qui peut finalement représenter trois à quatre fois la somme initialement investie.
Au terme de ce contrat, les acteurs publics deviennent propriétaires d’un équipement nécessairement dégradé, où il faudra parfois investir aux fins de rénovation. C’est cependant une véritable mine d’or pour les géants du BTP… et les clubs privés de Ligue 1, futurs occupants des stades.
Les députés avaient d’ailleurs quelque peu toussé avant d’approuver les modifications législatives demandées en urgence pour permettre ce mode de financement, ainsi qu’on peut le lire dans un rapport parlementaire de 2011.
http://www.hexagones.fr/article/2015/06/10/la-grande-gabegie-financiere-de-l-euro-2016