l ne s'écoule plus un jour sans que la police n'apporte la preuve de l'efficacité de ses fichiers. Le 11 avril 2008, la cour d'assises du Gard a condamné un ancien pompier à la réclusion criminelle à perpétuité pour le viol et le meurtre, en 1987, d'une lycéenne de 16 ans. L'homme a été confondu par son empreinte ADN prélevée dix-neuf ans après les faits et comparée à celles, archivées, qui avaient été trouvées sur sa jeune victime.
La première banque de données génétiques est britannique
Quatre millions et demi de Britanniques, soit 5,2 % de la population, sont fichés génétiquement, ce qui fait de cette banque de données génétiques la première du monde. Depuis quatre ans, la loi autorise la police britannique à prendre l'empreinte génétique des personnes qu'elle arrête, même si elles sont relâchées sans inculpation. Cette loi de 2004, condamnée par les organisations de défense des droits civiques, autorise aussi le stockage, sans limitation de durée, des données dans une base créée en 1995. En Allemagne, le fichier d'empreintes ADN, créé en 1998, comprend plus de 672 000 références. Près de 10 000 nouvelles empreintes y sont enregistrées chaque mois.
Au total, les polices d'au moins trente pays, dont vingt en Europe, ont constitué ce type de fichiers, en théorie à partir de segments dits "non codants" de l'ADN, sur lesquels on ne peut extraire d'informations physiologiques ou morphologiques, hormis le marqueur du sexe.
[-] fermer
Pour les policiers, l'ADN est un précieux auxiliaire pour traquer les criminels - ou pour innocenter une personne. Mais depuis 2003, le prélèvement d'ADN a été généralisé à la quasi-totalité des délits. Et les récalcitrants s'exposent à des poursuites en cas de refus. Résultat : près de 30 000 empreintes s'ajoutent chaque mois, faisant naître des inquiétudes.
A quelques jours d'intervalle, les fichiers de police et de gendarmerie se sont trouvés au coeur de vifs débats. Le 22 avril, la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, a décidé la mise en sommeil, puis la modification du logiciel Ardoise destiné à alimenter les fichiers de police. Alertées sur la présence de mentions telles que "homosexuel", "permanent syndical" ou "SDF", des associations avaient saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde).
Le 18 avril, ces fichiers ont fait parler d'eux au plan européen : moyennant la levée de visas auxquels sont toujours soumis les ressortissants de certains pays européens, les Américains demandent un accès au Système d'information Schengen (SIS) qui comprend les empreintes digitales des demandeurs d'asile, ainsi que les fichiers des personnes recherchées et des véhicules volés. Les Européens, dont les Français, ont réclamé la réciprocité.
FUSION DES DEUX PRINCIPAUX FICHIERS
Tous fichés ? En France, les fichiers, nombreux, existent dans tous les domaines, administratifs, judiciaires, immigration... Ils croissent chaque jour un peu plus au rythme des développements informatiques, et des réformes. Le rapprochement de la police et de la gendarmerie, prévu au 1er janvier 2009, aboutira à la fusion des deux principaux fichiers, du STIC (police) et du Judex (gendarmerie).
La création, le 1er juillet, d'une nouvelle direction centrale du renseignement intérieur donnera lieu aussi à de nouveaux fichiers, issus de la fusion entre la DST et les RG. Tout ce qui a trait au terrorisme, et à la protection des intérêts vitaux de la France ira dans un fichier RI protégé par le secret défense ; tout le reste, en gros tout ce qui concerne le renseignement en milieu "ouvert", sera versé dans un nouveau fichier joliment baptisé Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale).
Les durées de conservation de ces informations ne sont pas mineures. Dans le cas du STIC et du Judex, les données concernant les personnes majeures sont en principe conservées vingt ans (quarante ans en cas d'infractions graves), cinq ans pour les mineurs (dix à vingt ans selon la gravité des faits), et quinze ans pour les victimes. Le délai, dans le FNAEG, est de quarante ans pour les personnes condamnées, mortes et disparues ; vingt-cinq ans pour les mis en cause et la parentèle des disparus.
Un rapport sur les fichiers de police et de gendarmerie, commandé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, soulevait la question de leur mise à jour. "Certaines fiches du STIC ou du Judex ne sont pas toujours actualisées. (...) Il peut par conséquent arriver que dans le cadre d'une enquête administrative, un emploi soit refusé à une personne sur la base d'une information concernant sa mise en cause dans une infraction, alors même que celle-ci a fait l'objet d'un non-lieu..."
Dans ce rapport, qui reste un ouvrage de référence en la matière (Fichiers de police et de gendarmerie. Comment améliorer leur contrôle et leur gestion ?, La Documentation française, 2007), les auteurs Alain Bauer et Christophe Soullez plaidaient pour une plus grande transparence.
Isabelle Mandraud
La première banque de données génétiques est britannique
Quatre millions et demi de Britanniques, soit 5,2 % de la population, sont fichés génétiquement, ce qui fait de cette banque de données génétiques la première du monde. Depuis quatre ans, la loi autorise la police britannique à prendre l'empreinte génétique des personnes qu'elle arrête, même si elles sont relâchées sans inculpation. Cette loi de 2004, condamnée par les organisations de défense des droits civiques, autorise aussi le stockage, sans limitation de durée, des données dans une base créée en 1995. En Allemagne, le fichier d'empreintes ADN, créé en 1998, comprend plus de 672 000 références. Près de 10 000 nouvelles empreintes y sont enregistrées chaque mois.
Au total, les polices d'au moins trente pays, dont vingt en Europe, ont constitué ce type de fichiers, en théorie à partir de segments dits "non codants" de l'ADN, sur lesquels on ne peut extraire d'informations physiologiques ou morphologiques, hormis le marqueur du sexe.
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Pour les policiers, l'ADN est un précieux auxiliaire pour traquer les criminels - ou pour innocenter une personne. Mais depuis 2003, le prélèvement d'ADN a été généralisé à la quasi-totalité des délits. Et les récalcitrants s'exposent à des poursuites en cas de refus. Résultat : près de 30 000 empreintes s'ajoutent chaque mois, faisant naître des inquiétudes.
A quelques jours d'intervalle, les fichiers de police et de gendarmerie se sont trouvés au coeur de vifs débats. Le 22 avril, la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, a décidé la mise en sommeil, puis la modification du logiciel Ardoise destiné à alimenter les fichiers de police. Alertées sur la présence de mentions telles que "homosexuel", "permanent syndical" ou "SDF", des associations avaient saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde).
Le 18 avril, ces fichiers ont fait parler d'eux au plan européen : moyennant la levée de visas auxquels sont toujours soumis les ressortissants de certains pays européens, les Américains demandent un accès au Système d'information Schengen (SIS) qui comprend les empreintes digitales des demandeurs d'asile, ainsi que les fichiers des personnes recherchées et des véhicules volés. Les Européens, dont les Français, ont réclamé la réciprocité.
FUSION DES DEUX PRINCIPAUX FICHIERS
Tous fichés ? En France, les fichiers, nombreux, existent dans tous les domaines, administratifs, judiciaires, immigration... Ils croissent chaque jour un peu plus au rythme des développements informatiques, et des réformes. Le rapprochement de la police et de la gendarmerie, prévu au 1er janvier 2009, aboutira à la fusion des deux principaux fichiers, du STIC (police) et du Judex (gendarmerie).
La création, le 1er juillet, d'une nouvelle direction centrale du renseignement intérieur donnera lieu aussi à de nouveaux fichiers, issus de la fusion entre la DST et les RG. Tout ce qui a trait au terrorisme, et à la protection des intérêts vitaux de la France ira dans un fichier RI protégé par le secret défense ; tout le reste, en gros tout ce qui concerne le renseignement en milieu "ouvert", sera versé dans un nouveau fichier joliment baptisé Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale).
Les durées de conservation de ces informations ne sont pas mineures. Dans le cas du STIC et du Judex, les données concernant les personnes majeures sont en principe conservées vingt ans (quarante ans en cas d'infractions graves), cinq ans pour les mineurs (dix à vingt ans selon la gravité des faits), et quinze ans pour les victimes. Le délai, dans le FNAEG, est de quarante ans pour les personnes condamnées, mortes et disparues ; vingt-cinq ans pour les mis en cause et la parentèle des disparus.
Un rapport sur les fichiers de police et de gendarmerie, commandé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, soulevait la question de leur mise à jour. "Certaines fiches du STIC ou du Judex ne sont pas toujours actualisées. (...) Il peut par conséquent arriver que dans le cadre d'une enquête administrative, un emploi soit refusé à une personne sur la base d'une information concernant sa mise en cause dans une infraction, alors même que celle-ci a fait l'objet d'un non-lieu..."
Dans ce rapport, qui reste un ouvrage de référence en la matière (Fichiers de police et de gendarmerie. Comment améliorer leur contrôle et leur gestion ?, La Documentation française, 2007), les auteurs Alain Bauer et Christophe Soullez plaidaient pour une plus grande transparence.
Isabelle Mandraud