La révolution verte à marche forcée
Si la loi en discussion était votée, usines et raffineries devraient réduire leurs émissions de 80% d'ici à 2050. "Pour le salut de notre nation, j'espère que vous avez raison, mais je crains que vous n'ayez tort." Le représentant républicain du Texas à la Chambre,
Joe Barton, vient d'avouer sa défaite, ce jeudi soir, après l'adoption du projet de loi intitulé American Clean Energy and Security
Act.
Après quatre jours de débats intenses marqués par le rejet de près d'une centaine d'amendements, essentiellement déposés par les républicains, le pavé de 946 pages a reçu la bénédiction de la commission de l'Energie et du Commerce par 33 voix contre 25.
L'émissaire du président Obama pour les négociations sur le réchauffement climatique, Todd Stern, confiait hier au JDD, juste avant qu'il ne s'envole pour Paris: "Nous venons d'accomplir un pas de géant."
Des voitures consommant 30% de carburant en moins en 2016
Le texte adopté constitue bien, à lui seul, une révolution des mentalités aux Etats-Unis. Non seulement parce que, pour la première fois depuis l'échec de la ratification des accords de Kyoto, il reconnaît implicitement que le réchauffement climatique doit être combattu, mais parce qu'il fixe des objectifs chiffrés. La loi, si elle est votée, obligera les usines, les raffineries et les centrales thermiques américaines à réduire de 80 % d'ici à 2050 leurs émissions de dioxyde de carbone et de six autres gaz à effet de serre. Elle introduit - c'est inédit - la notion des "permis de
pollution" qui seront offerts par l'Etat, achetables aux enchères ou
échangeables sur le marché. Elle crée également une "banque d'énergie propre" qui accordera des prêts pour favoriser les innovations dans le domaine des énergies renouvelables et instaurera le programme de "casse contre cash" afin que les Américains puissent échanger leur voiture polluante contre une ristourne de 500 à 4 300 dollars pour acheter un véhicule plus
"propre".
[size=9]Le président de la commission, le Californien Henry Waxman a bien compris que ce virage à 180 degrés de l'Amérique restait fragile puisque le texte doit être adopté par la chambre des
Représentants en séance plénière puis par le Sénat. Même si des centaines de milliards de subventions seront accordées aux compagnies d'électricité pour que la facture ne repose pas sur les seules épaules des consommateurs, il aura à se battre contre des élus des Etats industriels frappés de plein fouet par la récession, comme le républicain Mike Pence, pour qui ce projet est "une
véritable déclaration de guerre contre le Midwest". Les démocrates auraient pu voir plus large mais, comme le souligne l'expert environnemental Jake Schmidt, "personne ne veut assister à un remake de Kyoto" où trop d'ambition passe pour de la provocation. Raison pour laquelle Waxman, en accord avec la Maison-Blanche, a revu de 20 à 17% la baisse des émissions de carbone par rapport à 2005. C'est aussi pour dépassionner le débat que les mesures
concernant spécifiquement la pollution automobile ont été annoncées séparément, en vérifiant qu'elles faisaient l'objet d'un large consensus. Obtenir des constructeurs qu'ils fabriquent tous des voitures consommant 30 % de carburant en moins à l'horizon 2016, personne n'aurait parié sur un tel programme avant que les Big Three de Detroit ne se retrouvent au bord de la
faillite.
"Nous sommes prêts à prendre la tête de cette course"
En attendant le vote définitif du Congrès, l'ambassadeur Todd Stern reste prudent. C'est un vieux routier de la cause. C'est lui qu'avait choisi Al Gore pour représenter les Etats-Unis à Kyoto
et à Rio. L'Union européenne et la Chine ont déjà pris des longueurs d'avance qu'il juge "impressionnantes". Mais "nous avançons enfin et nous sommes prêts à prendre la tête de cette course", dit-il confiant. Le mois dernier à Washington, Jean-Louis Borloo lui avait accordé l'indulgence réservée aux élèves retardataires mais prometteurs. Todd Stern sait qu'il est attendu devant le
tableau noir.
François CLEMENCEAU, 24 Mai 2009
Source : http://www.lejdd.fr/cmc/international/200921/la-revolution-verte-a-marche-forcee-_211174.html
2008 Le Journal du Dimanche
Si la loi en discussion était votée, usines et raffineries devraient réduire leurs émissions de 80% d'ici à 2050. "Pour le salut de notre nation, j'espère que vous avez raison, mais je crains que vous n'ayez tort." Le représentant républicain du Texas à la Chambre,
Joe Barton, vient d'avouer sa défaite, ce jeudi soir, après l'adoption du projet de loi intitulé American Clean Energy and Security
Act.
Après quatre jours de débats intenses marqués par le rejet de près d'une centaine d'amendements, essentiellement déposés par les républicains, le pavé de 946 pages a reçu la bénédiction de la commission de l'Energie et du Commerce par 33 voix contre 25.
L'émissaire du président Obama pour les négociations sur le réchauffement climatique, Todd Stern, confiait hier au JDD, juste avant qu'il ne s'envole pour Paris: "Nous venons d'accomplir un pas de géant."
Des voitures consommant 30% de carburant en moins en 2016
Le texte adopté constitue bien, à lui seul, une révolution des mentalités aux Etats-Unis. Non seulement parce que, pour la première fois depuis l'échec de la ratification des accords de Kyoto, il reconnaît implicitement que le réchauffement climatique doit être combattu, mais parce qu'il fixe des objectifs chiffrés. La loi, si elle est votée, obligera les usines, les raffineries et les centrales thermiques américaines à réduire de 80 % d'ici à 2050 leurs émissions de dioxyde de carbone et de six autres gaz à effet de serre. Elle introduit - c'est inédit - la notion des "permis de
pollution" qui seront offerts par l'Etat, achetables aux enchères ou
échangeables sur le marché. Elle crée également une "banque d'énergie propre" qui accordera des prêts pour favoriser les innovations dans le domaine des énergies renouvelables et instaurera le programme de "casse contre cash" afin que les Américains puissent échanger leur voiture polluante contre une ristourne de 500 à 4 300 dollars pour acheter un véhicule plus
"propre".
[size=9]Le président de la commission, le Californien Henry Waxman a bien compris que ce virage à 180 degrés de l'Amérique restait fragile puisque le texte doit être adopté par la chambre des
Représentants en séance plénière puis par le Sénat. Même si des centaines de milliards de subventions seront accordées aux compagnies d'électricité pour que la facture ne repose pas sur les seules épaules des consommateurs, il aura à se battre contre des élus des Etats industriels frappés de plein fouet par la récession, comme le républicain Mike Pence, pour qui ce projet est "une
véritable déclaration de guerre contre le Midwest". Les démocrates auraient pu voir plus large mais, comme le souligne l'expert environnemental Jake Schmidt, "personne ne veut assister à un remake de Kyoto" où trop d'ambition passe pour de la provocation. Raison pour laquelle Waxman, en accord avec la Maison-Blanche, a revu de 20 à 17% la baisse des émissions de carbone par rapport à 2005. C'est aussi pour dépassionner le débat que les mesures
concernant spécifiquement la pollution automobile ont été annoncées séparément, en vérifiant qu'elles faisaient l'objet d'un large consensus. Obtenir des constructeurs qu'ils fabriquent tous des voitures consommant 30 % de carburant en moins à l'horizon 2016, personne n'aurait parié sur un tel programme avant que les Big Three de Detroit ne se retrouvent au bord de la
faillite.
"Nous sommes prêts à prendre la tête de cette course"
En attendant le vote définitif du Congrès, l'ambassadeur Todd Stern reste prudent. C'est un vieux routier de la cause. C'est lui qu'avait choisi Al Gore pour représenter les Etats-Unis à Kyoto
et à Rio. L'Union européenne et la Chine ont déjà pris des longueurs d'avance qu'il juge "impressionnantes". Mais "nous avançons enfin et nous sommes prêts à prendre la tête de cette course", dit-il confiant. Le mois dernier à Washington, Jean-Louis Borloo lui avait accordé l'indulgence réservée aux élèves retardataires mais prometteurs. Todd Stern sait qu'il est attendu devant le
tableau noir.
François CLEMENCEAU, 24 Mai 2009
Source : http://www.lejdd.fr/cmc/international/200921/la-revolution-verte-a-marche-forcee-_211174.html
2008 Le Journal du Dimanche