Révélations dans Mediapart :
Les juges sont après tout des humains comme les autres. Ils ont des origines, une couleur de peau, un âge, une classe sociale, une histoire personnelle, une vie familiale, des humeurs et des sensibilités.
Le journal revient sur un mouvement d’étude de la justice, dit « réaliste », qui « souligne l’importance de paramètres a priori sans lien avec les affaires dans les décisions qui sont rendues ». Mouvement auquel Les cahiers de la justice conscraient un dossier fin 2015 : « Des juges sous influence ».
Ainsi, nous apprend Mediapart, des chercheurs israéliens ont voulu vérifier le proverbe américain « La justice dépend de ce que les juges ont mangé au petit déjeuner. » (« Justice is what judges ate at breakfast. »)
Après une étude portant sur 1 112 cas, ils se sont aperçus que plus l’heure du petit déjeuner était lointaine dans la matinée, moins les juges accordaient de libertés conditionnelles (de 65 % à 0 %). Après avoir déjeuné, ils se montraient de nouveau plus ouverts (encore 65 % de demandes acceptées). Avant de se refermer au fil de l’après-midi quand leur estomac se vidait et leur fatigue augmentait (0 % en fin de journée).
Ainsi, qu’a-t-il bien pu se passer à table, le matin de l’acquittement du policier Damien Saboundjian, l’assassin d’Amine Bentounsi ? Mediapart rappelle qu’« il est d’autres types d’influence, qui relèvent du contexte... » Ainsi, Arnaud Philippe a cherché à « mesurer les conséquences des contenus des journaux télévisés de 20 heures (regardés par 13 millions de personnes) dans les jours précédant les verdicts des cours d’assises ».
« Les peines sont significativement plus élevées lorsqu’il y eut d
Trop humains
es reportages sur les faits criminels la veille. Cette différence est de 83 jours, soit presque trois mois de plus que la moyenne. » De la même façon, « les peines prononcées le lendemain de sujets sur les erreurs judiciaires sont significativement plus faibles que les autres jours. De l’ordre de 80 jours ». En revanche, les autres mauvaises nouvelles, « telles que le chômage, les catastrophes naturelles, les grèves, etc., n’ont aucun impact sur les verdicts ».
Enfin, un biais intéressant parce que touchant au coeur de la procédure pénale française. Julien Goldzlagier rappelle que le droit français « qui tient pour avantage le bénéfice du dernier mot, a pris soin de gratifier la défense du privilège de l’ultime parole ».
La logique, qui s’inscrit dans le respect du contradictoire et de la présomption d’innocence, veut que la défense puisse répliquer à tout argument soulevé par la partie poursuivante « et trouve sa raison dans le présupposé psychologique selon lequel l’esprit du juge se trouve plus sensible à l’argumentation qui lui a été présentée en dernier ».
En réalité les « études montrent que l’ordre de parole, contrairement à l’idée reçue, jouerait en défaveur de la défense ». Du fait de « l’ancrage »…
L’idée est que les individus, lorsqu’ils doivent procéder à une évaluation quantitative dans un contexte d’incertitude (par exemple la durée d’une peine), procèdent selon une démarche d’ajustement à partir d’une valeur initiale, désignée comme « une ancre ». Et dans la procédure française, c’est le procureur qui donne cette valeur initiale.
La proximité entre les réquisitions du ministère public et la décision finale du juge a donc été démontrée par English et Mussweiler : le même dossier fictif a été soumis à de jeunes magistrats. Dans certains cas, on leur a dit que le procureur avait requis deux mois de prison. Les juges ont alors prononcé un enfermement de 18 mois. À d’autres (et pour les mêmes faits), que le procureur avait requis 34 mois de prison. Ils ont « condamné » à 28 mois. Ces études montrent que l’ordre de parole, contrairement à l’idée reçue, jouerait en défaveur de la défense.
https://lundi.am/Cauchemars-et-faceties-17
Les juges sont après tout des humains comme les autres. Ils ont des origines, une couleur de peau, un âge, une classe sociale, une histoire personnelle, une vie familiale, des humeurs et des sensibilités.
Le journal revient sur un mouvement d’étude de la justice, dit « réaliste », qui « souligne l’importance de paramètres a priori sans lien avec les affaires dans les décisions qui sont rendues ». Mouvement auquel Les cahiers de la justice conscraient un dossier fin 2015 : « Des juges sous influence ».
Ainsi, nous apprend Mediapart, des chercheurs israéliens ont voulu vérifier le proverbe américain « La justice dépend de ce que les juges ont mangé au petit déjeuner. » (« Justice is what judges ate at breakfast. »)
Après une étude portant sur 1 112 cas, ils se sont aperçus que plus l’heure du petit déjeuner était lointaine dans la matinée, moins les juges accordaient de libertés conditionnelles (de 65 % à 0 %). Après avoir déjeuné, ils se montraient de nouveau plus ouverts (encore 65 % de demandes acceptées). Avant de se refermer au fil de l’après-midi quand leur estomac se vidait et leur fatigue augmentait (0 % en fin de journée).
Ainsi, qu’a-t-il bien pu se passer à table, le matin de l’acquittement du policier Damien Saboundjian, l’assassin d’Amine Bentounsi ? Mediapart rappelle qu’« il est d’autres types d’influence, qui relèvent du contexte... » Ainsi, Arnaud Philippe a cherché à « mesurer les conséquences des contenus des journaux télévisés de 20 heures (regardés par 13 millions de personnes) dans les jours précédant les verdicts des cours d’assises ».
« Les peines sont significativement plus élevées lorsqu’il y eut d
Trop humains
es reportages sur les faits criminels la veille. Cette différence est de 83 jours, soit presque trois mois de plus que la moyenne. » De la même façon, « les peines prononcées le lendemain de sujets sur les erreurs judiciaires sont significativement plus faibles que les autres jours. De l’ordre de 80 jours ». En revanche, les autres mauvaises nouvelles, « telles que le chômage, les catastrophes naturelles, les grèves, etc., n’ont aucun impact sur les verdicts ».
Enfin, un biais intéressant parce que touchant au coeur de la procédure pénale française. Julien Goldzlagier rappelle que le droit français « qui tient pour avantage le bénéfice du dernier mot, a pris soin de gratifier la défense du privilège de l’ultime parole ».
La logique, qui s’inscrit dans le respect du contradictoire et de la présomption d’innocence, veut que la défense puisse répliquer à tout argument soulevé par la partie poursuivante « et trouve sa raison dans le présupposé psychologique selon lequel l’esprit du juge se trouve plus sensible à l’argumentation qui lui a été présentée en dernier ».
En réalité les « études montrent que l’ordre de parole, contrairement à l’idée reçue, jouerait en défaveur de la défense ». Du fait de « l’ancrage »…
L’idée est que les individus, lorsqu’ils doivent procéder à une évaluation quantitative dans un contexte d’incertitude (par exemple la durée d’une peine), procèdent selon une démarche d’ajustement à partir d’une valeur initiale, désignée comme « une ancre ». Et dans la procédure française, c’est le procureur qui donne cette valeur initiale.
La proximité entre les réquisitions du ministère public et la décision finale du juge a donc été démontrée par English et Mussweiler : le même dossier fictif a été soumis à de jeunes magistrats. Dans certains cas, on leur a dit que le procureur avait requis deux mois de prison. Les juges ont alors prononcé un enfermement de 18 mois. À d’autres (et pour les mêmes faits), que le procureur avait requis 34 mois de prison. Ils ont « condamné » à 28 mois. Ces études montrent que l’ordre de parole, contrairement à l’idée reçue, jouerait en défaveur de la défense.
https://lundi.am/Cauchemars-et-faceties-17