Les enfants malades des pesticides ( suite et fin )
Les concentrations moyennes annuelles de PM10
ont diminué entre 1996 (date du début de leur surveillance) et 1999. On
n'observe pas de tendance nette à la baisse de 1999 à 2006
(actuellement autour de 20 μg/m3 sur les stations urbaines ; les
niveaux mesurés sont plus élevés à proximité de trafic routier), malgré
la réduction des émissions dans la plupart des secteurs.
Il
est admis que les particules fines d'un diamètre inférieur à 2,5
micromètres (PM2,5) présentent une activité biologique plus grande que
les grosses particules car elles peuvent atteindre les alvéoles
pulmonaires et franchir les barrières épithéliales (particules
ultrafines). Certains travaux ont estimé qu'environ 1 300 et 1 900
décès par cancer du poumon pourraient être évités chaque année dans 23
villes européennes si les niveaux moyens de PM2,5 étaient ramenés
respectivement à 20 et à 15 μg/m3. Par ailleurs, à
partir des
concentrations de PM2,5 relevées chez des individus vivant dans quatre
agglomérations françaises (Paris, Grenoble, Rouen et Strasbourg), des
auteurs évaluent à 10 % les cancers du poumon attribuables à
l'exposition aux PM2,5.
La
nouvelle directive européenne sur la qualité de l'air (publiée en juin
2008) introduit un seuil applicable aux poussières PM 2,5 qui n'étaient
pas réglementées jusqu'à présent. La valeur cible de 25 μg/m3 en 2010
deviendra contraignante à partir de 2015.
Recommandation :
Réduire les expositions aux particules fines et ultrafines
Suivant
les avis de différentes institutions (3), établir en France, pour les
PM2,5, des valeurs limites journalière de 25 μg/m3 et annuelle de 10
μg/m3 proposées par l'OMS Europe, à échéance de 2020, avec un plan
annuel de réduction contraignant
Prendre
les mesures nécessaires pour réduire les concentrations ambiantes et
donc les émissions sur les sites industriels et sur des stations de
proximité relative au trafic routier où les valeurs limites en moyenne
annuelle et journalière sont dépassées
Promouvoir
l'utilisation de dispositifs permettant de réduire l'émission de
particules fines et ultrafines des véhicules à moteur et en particulier
des poids lourds, engins lourds, autobus, qui sont les plus forts
émetteurs.
RAYONNEMENTS X ET GAMMA
L'exposition
externe aux rayonnements ionisants est classée comme cancérogène avéré
par le Circ. De nombreuses études ont démontré ou suggéré une
augmentation du risque de plusieurs types de cancer (cancer du poumon,
leucémie, cancer de la thyroïde, cancer du sein, mésothéliome, tumeurs
cérébrales) avec
l'exposition aux rayonnements ionisants (X et
gamma). L'excès de risque par unité de dose est généralement plus élevé
pour une exposition durant l'enfance qu'à l'âge adulte. En particulier,
il a été montré que les examens radiologiques répétés, que cela soit
dans l'enfance ou à l'âge adulte, augmentent le risque de cancer du
sein, et pourraient augmenter celui d'autres cancers.
Les
professionnels concernés par l'exposition aux rayons X ou gamma sont
les travailleurs de l'industrie nucléaire, les radiologues et
techniciens radiologistes. Plus de 250 000 personnes sont surveillées
annuellement en France pour l'exposition externe
aux rayonnements
ionisants. Plus de 95 % des travailleurs surveillés reçoivent moins de
1 mSv (limite de dose annuelle recommandée
pour le public), et
quelques dizaines dépassent 20 mSv (valeur limite d'exposition pour la
dose annuelle moyenne des travailleurs sous rayonnement, établie sur
une période de 5 ans).
Dans
l'environnement général, différents systèmes permanents permettent une
surveillance continue des débits de dose dans l'air ou l'eau, complétée
par des campagnes spécifiques. Ces données servent de bases à des
estimations de l'exposition de la population française aux rayonnements
ionisants.
Environ 60 à 73
millions d'examens diagnostiques radiologiques sont réalisés chaque
année en France, soit environ un examen par personne. Il est noté une
augmentation de 5 à 8 % du nombre d'examens réalisés par an. Entre 1983
et 1996, la fréquence des
examens radiologiques a augmenté de 10 %
tandis que la dose moyenne par examen augmentait sur la même période de
20 % et la dose collective annuelle de près de 50 %. L'examen
scanographique est à l'origine de près de 40 % de la dose collective
reçue.
Recommandation :
Surveiller les expositions aux rayonnements X et gamma
Compléter
l'enregistrement national individuel des expositions professionnelles
des travailleurs exposés, limité actuellement aux expositions externes.
La reconstitution des doses dues à des contaminations internes
permettrait d'améliorer l'estimation réelle des doses d'exposition des
travailleurs
Effectuer un suivi
des pratiques radiologiques en France compte tenu du nombre de
personnes concernées. Il est particulièrement important de mieux
préciser les expositions des populations sensibles que sont les
enfants, ainsi que les doses reçues pour
pouvoir évaluer le risque sanitaire à long terme et pour cibler des actions de réduction des expositions
Etablir
un enregistrement national individuel des examens radio-diagnostiques
sur le modèle du fichier existant pour les travailleurs exposés aux
rayonnements ionisants
Mettre en
place un carnet des doses absorbées pour chaque individu. Les
informations dosimétriques figurent dans le compte rendu de l'examen
utilisant les rayonnements ionisants (JO du 29 septembre 2006).
PESTICIDES
Les
pesticides regroupent différentes familles chimiques destinées à
différents usages (insecticides, herbicides, fongicides...), variables
en fonction des contextes agricoles. Le Circ a classé l'application
professionnelle
d'insecticides non arsenicaux dans les activités relevant du groupe
cancérogène probable (groupe 2A). L'arsenic est classé comme
cancérogène certain, le captafol et le dibromure d'éthylène comme
cancérogènes probables (groupe 2A) et dix-huit molécules, dont le DDT,
sont classées comme cancérogènes
possibles (groupe 2B). Près d'un
millier de molécules ont été mises sur le marché en France ; les
risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données
toxicologiques et épidémiologiques suffisantes.
Les
expositions professionnelles aux pesticides ont été plus
particulièrement mises en cause dans les hémopathies malignes
lymphoïdes. Des études en populations agricoles suggèrent leur
implication dans les tumeurs cérébrales et dans les cancers
hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des
testicules, de l'ovaire).
Chez
l'enfant, l'utilisation domestique de pesticides, notamment
d'insecticides domestiques, par la mère pendant la grossesse et pendant
l'enfance a été régulièrement associée aux leucémies et, à un moindre
degré, aux tumeurs cérébrales.
La
plupart des études souffrent cependant d'une forte imprécision sur
l'exposition aux pesticides, souvent réduite à la notion d'utilisation
ou non de pesticides ou des grandes familles telles que insecticides,
fongicides, herbicides. La réalité de l'exposition en milieu agricole
est beaucoup plus complexe, du fait de la diversité des secteurs, des
cultures, des tâches et du matériel utilisé.
Les
pesticides sont retrouvés dans tous les compartiments de
l'environnement et peuvent donc conduire à une exposition de la
population générale par les aliments, l'eau de boisson, l'air intérieur
et extérieur et les poussières de la maison. Les données sur les
risques sanitaires liés à ces contaminations demeurent trop
parcellaires pour pouvoir être prises en compte dans la définition des seuils dans les différents milieux.
Recommandations :
Réduire les expositions aux pesticides
Agir
à la fois sur le type de pesticides et sur les modes d'utilisation de
ces produits pour réduire l'exposition selon les objectifs du plan
interministériel de réduction des risques liés aux pesticides 2006-2009
Renforcer l'information des utilisateurs de pesticides à usage professionnel ou domestique, et la formation des professionnels
Développer
une meilleure connaissance de la contamination des compartiments de
l'environnement (air, eau, sol et denrées alimentaires)
Concernant
le suivi des populations exposées, documenter les expositions via les
différents milieux d'apport ; distinguer les différentes formes de
pesticides utilisés et le type d'usages, évaluer les quantités
utilisées, préciser les périodes d'emploi ;
utiliser les marqueurs
d'exposition. Ces données devraient permettre de mieux appréhender le
risque lié à l'utilisation de ces produits
Recherches pour une meilleure maîtrise de la gestion du risque
Les
effets des expositions chroniques à de faibles doses de polluants et
ceux des mélanges demeurent un problème non résolu. De même, la
possibilité d'interaction entre différents polluants (synergie,
opposition, indépendance) peut être cruciale pour les contaminants
souvent associés (par exemple pesticides et dioxines) ou les
contaminants présents dans des particules (constituants de particules
atmosphériques). Enfin, de nombreux polluants peuvent avoir des effets
multiples et il est nécessaire d'envisager l'ensemble des mécanismes
d'action possibles.
L'exposition
de la population générale à un ou des agents chimiques ou physiques
soupçonnés d'être cancérogènes, est le plus souvent une exposition à de
faibles doses. La question du risque aux faibles doses peut être
illustrée par l'exemple des expositions aux radiations ionisantes.
Les
résultats épidémiologiques concernant la survenue de cancers après
exposition aux radiations proviennent de populations ayant reçu des
expositions externes élevées, corps entier, et sur une courte période.
Des hypothèses sont alors nécessaires pour appliquer les relations
dose-réponse estimées à des populations
soumises à des expositions
de type différent (exposition chronique, exposition de faible niveau,
contaminations internes par ingestion ou inhalation...). De nombreuses
incertitudes persistent, en particulier sur les effets des expositions
chroniques à faibles doses et sur les effets des expositions internes.
En dessous de 100 mSv, les effets des rayonnements ionisants ne sont
pas démontrés mais les risques potentiellement associés représentent un
enjeu majeur de santé publique dans la mesure où une part importante de
la population générale est soumise à ces faibles doses. Cette situation
non scientifiquement tranchée conduit à des positions qui peuvent être
divergentes (à partir de mêmes données) pour la gestion du risque. Le
système de radioprotection actuel repose sur un modèle d'extrapolation
linéaire aux faibles doses compatible avec les connaissances
disponibles. La prise en compte dans ces
modèles de facteurs tels
que l'âge à l'exposition, le délai depuis l'exposition ou le débit de
dose apparaît de plus en plus pertinente dans l'évaluation des risques
de cancers aux faibles doses de rayonnements ionisants.
Tous
les individus ne réagissent pas de la même façon aux expositions à des
agents cancérogènes. Il existe une immense diversité génétique d'un
individu à l'autre, due au caractère
polymorphe du génome humain.
L'efficacité des enzymes impliquées dans la réparation de l'ADN, ainsi
que des enzymes qui jouent un rôle dans le métabolisme des cancérogènes
(activation ou détoxification en vue de l'élimination de l'organisme)
dépend des variations nucléotidiques présentes dans le génome
(polymorphismes génétiques). Ces différences d'efficacité des
enzymes
sont susceptibles de moduler les effets génotoxiques des facteurs
environnementaux. La situation est encore plus complexe dans le cas des
cancers hormono-dépendants, puisque de nombreuses enzymes polymorphes
sont impliquées dans le métabolisme hormonal.
Les
interactions gène-environnement ont déjà fait l'objet de nombreux
travaux, en particulier dans les cancers liés au tabac comme le cancer
du poumon. Les interactions mises en évidence dans ces études sont peu
nombreuses et rarement reproduites dans la littérature internationale.
Les avancées récentes sur les techniques de génotypage (biopuces)
permettent actuellement l'analyse simultanée de plusieurs centaines de
milliers de
polymorphismes dans les études épidémiologiques. Ces
technologies qui peuvent être utilisées dans le cadre d'études de
grande envergure au niveau international. Elles devraient permettre
d'aborder les interactions entre les facteurs environnementaux et les
polymorphismes génétiques dans toute leur complexité, à condition
toutefois qu'un effort majeur soit également fait sur la
caractérisation de l'environnement.
Recommandations :
Renforcer la recherche épidémiologique, toxicologique et moléculaire
Promouvoir
une recherche étiologique de qualité, sans restriction thématique, dans
le domaine des risques environnementaux de cancer, en soutenant le
recrutement de nouveaux chercheurs et la formation sur ces
problématiques
Soutenir les études sur les effets des expositions à faibles doses à des agents reconnus comme cancérogènes à fortes doses
Soutenir les travaux permettant une analyse des risques intégrée vie entière
Poursuivre
et renforcer les recherches qui permettent d'améliorer la
quantification des associations entre les expositions et les risques
(établissement de relations dose-effet, modélisation)
Poursuivre
et renforcer les recherches qui concourent à la connaissance des effets
d'expositions conjointes (synergies, additivités, antagonismes)
Poursuivre
et renforcer les recherches épidémiologiques d'envergure sur les
interactions entre facteurs génétiques et facteurs environnementaux
Susciter et soutenir la recherche fondamentale sur les mécanismes d'action cancérogène des polluants
Développer
des démarches toxicologiques nouvelles adaptées à la situation de
l'exposition aux mélanges de composés à l'état de trace. Ceci fait
appel à une stratégie d'éco-toxico-pharmacologie adaptée, capable de
décrire les mécanismes d'action, les passages transbarrières ou les
interactions cellulaires
Développer
les outils et les compétences en modélisation des risques, notamment
pour l'établissement des relations dose-réponse et la prise en compte
de la toxicodynamie et de la toxicocinétique.
(Source: Expertise collective de l'Inserm)
Source : http://www.continentalnews.fr/actualite/sante,7/les-enfants-malades-des-pesticides,3988.html