
Premier exemplaire d’une série de cinq nefs il constitue le paiement «en nature» de la contribution de l’Agence spatiale européenne (ESA) aux frais de fonctionnement de l’ISS. Il peut apporter près de dix tonnes de fret, carburant, eau, vivres, équipements. Durant les six mois où il demeure attaché, il peut également remonter l'orbite de la station.
Ce succès technique, avec l'amarrage du laboratoire Columbus en février dernier, permet à l'Europe et l'ESA de jouer un rôle important dans la station spatiale. Cette dernière mérite maintenant son qualificatif d'internationale puisque des centres de contrôle répartis aux Etats-Unis, Russie, Europe et Japon (dont le laboratoire Kibo est en partie arrivé là-haut) coopèrent désormais à sa gestion quotidienne.
L’amarrage final du Jules Verne fut la conclusion d’une longue série d’opérations réalisées depuis le tir, destinées à démontrer que le cargo n'allait pas mettre en péril la sécurité de l’équipage de la station. Mais également d’un long et coûteux (1,3 milliard d’euros) programme industriel décidé en 1995.


La réussite des ingénieurs européens, du Cnes et d’Astrium, le fabricant du Jules Verne, contribue à donner une dimension véritablement internationale à l’ISS alors qu’elle était surtout américano-russe. Les laboratoires européen - Columbus - et japonais - Kibo -, arrivés en février et mars augmentent considérablement sa «surface utile». Et donnent l’espoir aux Agences spatiales de terminer son assemblage d’ici 2010, date de la mise à la retraite des navettes. Ici, la visite guidée de la station par Jean-François Clervoy, astronaute.
Paradoxe : ce succès relance le débat sur l’avenir de la station. Les accords entre Agences prévoient sa maintenance jusqu’en 2015. Mais faudra t-il alors la bazarder, en la laissant retomber dans l’atmosphère ?

Mais la Nasa doit réaliser le programme «Bushien» de retour sur la Lune décidé pour des raisons plus politiques que scientifiques : démontrer au monde, comme à l’époque d’Apollo, que les Etats-Unis sont toujours le «leader» du monde. Un choix lourd qui suppose de développer deux nouvelles fusées - Ares-I et Ares-V-, le vaisseau Orion et l’engin lunaire Altaïr. Puis de s’élancer vers l’astre de la nuit pour y poser des astronautes dès 2020. Est-ce financièrement compatible avec le maintien des opérations sur l’ISS ? Si le budget de la Nasa, environ 15 milliards de dollars par an, reste en l’état, cela semble peu réaliste. Et rien ne laisse supposer que les Etats-Unis veuillent augmenter encore leur budget spatial, déjà bien supérieur à celui de l’Europe.
Faudra t-il lâcher la proie - l’ISS - pour l’ombre - une éventuelle participation à cette aventure lunaire, aux conditions dictées par les Etats-Unis? Avec des coûts et des délais largement inconnus... Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l’ESA, faisait remarquer, à Kourou lors du tir du Jules Verne, qu’une installation lunaire «ne bénéficierait pas de l’absence de gravité… la principale caractéristique de la station orbitale». Les deux sites ne sont donc pas équivalents, tant pour la science que pour la préparation de vols plus lointains, vers Mars. Surtout, il préconisait aux gouvernements européens de ne pas sacrifier l'utile - la surveillance de la Terre, du climat, les missions scientifiques - aux vols habités. Comme les technologies spatiales supposent de longues durées de développement. Les décisions qui dessineront les grandes lignes des activités des années 2020, du moins pour les vols habités, seront prises d’ici 2010. Des révisions déchirantes sont donc au programme… et d’intenses discussions entre partenaires.