On va remarcher sur la Lune…
«Une capsule Apollo dopée aux stéroïdes, lancée par des fusées inspirées des moteurs de la navette.» C’est ainsi que Michael Griffin, le patron de la Nasa, vient de présenter au contribuable américain «l’architecture» du système detransport spatial post-navette. Une architecture qui répond au message donné lors de son intronisation à la tête de l’agence: plus vite, plus sûr et moins cher pour remplacer la navette. Seule solution, affirmait-il, pour tenir le calendrier demandé par George W. Bush: un retour sur la Lune avant 2020.
Dotée d’une tour d’éjection au décollage, elle copie le système de sécurité des Soyouz russes. Elle reviendra sur Terre en utilisant un bouclier et des parachutes, mais, après changement de bouclier, devrait pouvoir repartir une dizaine de fois. C’est à la mise au point du CEV et de sa fusée porteuse que les crédits de la Nasa seront prioritairement consacrés dans les années à venir. De quoi donner raison à ceux qui voudraient en finir le plus vite possible avec la navette. Quitte à ne pas achever la station et laisser tomber les engagements prisavec les Européens et les Japonais dont les labos attendent une mise en orbite.
Elle sera chargée de mettre en orbite terrestre le module lunaire avec lequel le CEV aura rendez-vous, avant son départ vers notre satellite. Les astronautes voyageront trois jours, pour un premier séjour lunaire de trois ou quatre jours. Laissant leur capsule en orbite, ils descendront sur la Lune avec le module, avant de remonter à la rencontre de la capsule et de regagner la Terre. Ce nouveau système de transport spatial, affirme Griffin, devrait permettre l’installation «d’une base permanente sur la Lune».
- Parachutes.
Dotée d’une tour d’éjection au décollage, elle copie le système de sécurité des Soyouz russes. Elle reviendra sur Terre en utilisant un bouclier et des parachutes, mais, après changement de bouclier, devrait pouvoir repartir une dizaine de fois. C’est à la mise au point du CEV et de sa fusée porteuse que les crédits de la Nasa seront prioritairement consacrés dans les années à venir. De quoi donner raison à ceux qui voudraient en finir le plus vite possible avec la navette. Quitte à ne pas achever la station et laisser tomber les engagements prisavec les Européens et les Japonais dont les labos attendent une mise en orbite.
- Rendez-vous.
Elle sera chargée de mettre en orbite terrestre le module lunaire avec lequel le CEV aura rendez-vous, avant son départ vers notre satellite. Les astronautes voyageront trois jours, pour un premier séjour lunaire de trois ou quatre jours. Laissant leur capsule en orbite, ils descendront sur la Lune avec le module, avant de remonter à la rencontre de la capsule et de regagner la Terre. Ce nouveau système de transport spatial, affirme Griffin, devrait permettre l’installation «d’une base permanente sur la Lune».
Les dessous politiques de la machine à rêves
Bush, tel Kennedy, cherche avant tout à assurer le leadership des Etats-Unis.
Bush, tel Kennedy, cherche avant tout à assurer le leadership des Etats-Unis.
Reprendre pied sur la Lune en 2018. Et viser Mars… sans date. L’annonce du plan de la Nasa mettant en musique technologique la «vision» de George Bush relance la machine à rêves. Mais pour quoi faire? L’origine des cosmonautes, c’est la triple alliance d’ingénieurs de talent (Korolev, von Braun), de caractères impétueux (Gagarine, Glenn) et de militaires (les maréchaux soviétiques, les généraux américains) proposant un deal aux politiques. Payez-nous fusées et capsules, nous vous apporterons la gloire (pour vos citoyens) et la crainte (chez vos ennemis).
Après le tir de Gagarine, le patron de la Nasa, James Webb, envoie un rapport à Kennedy: «C’est l’homme, et non la machine, qui captivera l’imagination du monde.» L’objectif ne se veut ni militaire ni scientifique: il s’agit d’affirmer le leadership des Etats-Unis sur le monde. Peu après son élection, Kennedy lance son défi, «poser un homme sur la Lune et le faire revenir, avant dix ans». Avec l’éclatant succès d’Apollo, quand la gigantesque fusée lunaire Novaexplose à Baïkonour, les Etats-Unis emportent la compétition. Ce qui fit Apollo peut-il se reproduire? C’est l’espoir des industriels (Boeing) qui s’assureraient de fructueux contrats venant les consoler des croupières qu’Airbus leur taille sur le marché des avionscivils. Mais aussi celui des partisans de la conquête spatiale, persuadés que l’expansion de notre technologie dans l’espace ne peut se limiter aux engins automatiques.
Ils ne rejoignent pourtant qu’en apparence le propos de Bush. Pour le Président, dans la logique de Kennedy, il faut autre chose que la Station spatiale internationale (ISS). Décidée en 1984 par Reagan pour que Freedom l’américaine réponde à Mir la soviétique, puis relancée en 1992 afin que l’effondrement del’URSS ne disperse pas des ingénieurs maîtrisant une technologie dangereuse, l’ISSn’a pas remplacé Apollodans «l’imagination du monde». Devenu routinier, le rêve s’est frelaté. Une routine de façade: sortir du puits gravitationnel terrestre, ou y pénétrer sans mal, exige une débauche d’énergie dont la perte de contrôle détruisit Challenger (1986) et Columbia (2003).
L’effort est grand –des dizaines de milliards de dollars; le rendement politique, faible. Il faut donc un nouvel objectif: la Lune. Mais dans quel but? Les mystiques parlent de ressources, d’industrie… Fariboles. La seule activité intelligente à développer sur la Lune seréduit à la science. Point de vue imprenable sur l’Univers, où le vide et le froid sont gratuits. En outre, bien mieux que la station, la Lune permet de valider les technologies spatiales du grand bond en avant martien. Beaucoup trop sérieux et de trop longue haleine pour une décision à la Kennedy. Imaginer qu’en 2018 les Etats-Unis repartent à la conquête de la Lune sur le mode Apollo, avec astronautes au garde à vous devant un drapeau planté sur un sol symboliquement annexé confine au ridicule. Retourner sur la Lune, y installer une base scientifique permanente, se préparer à explorer Mars pour y découvrir l’enfance du système solaire et l’unicité, ou non, de la vie sur Terre…
Voilà qui ressemble à un programme de coopération scientifique, pacifique, sans volonté de domination, ouvert à tous, exigeant un financement régulier, en rapport avec ces objectifs. Bush, ou tout autre de ses successeurs voulant imiter Kennedy et sa démonstration de force, ne le conduira donc pas. L’Union européenne le pourrait, si elle le voulait, par un programme rationnel, progressif, structuré par des objectifs de connaissances scientifiques… Et où le drapeau de l’ONU s’imposerait un jour. SYLVESTRE HUET
Après le tir de Gagarine, le patron de la Nasa, James Webb, envoie un rapport à Kennedy: «C’est l’homme, et non la machine, qui captivera l’imagination du monde.» L’objectif ne se veut ni militaire ni scientifique: il s’agit d’affirmer le leadership des Etats-Unis sur le monde. Peu après son élection, Kennedy lance son défi, «poser un homme sur la Lune et le faire revenir, avant dix ans». Avec l’éclatant succès d’Apollo, quand la gigantesque fusée lunaire Novaexplose à Baïkonour, les Etats-Unis emportent la compétition. Ce qui fit Apollo peut-il se reproduire? C’est l’espoir des industriels (Boeing) qui s’assureraient de fructueux contrats venant les consoler des croupières qu’Airbus leur taille sur le marché des avionscivils. Mais aussi celui des partisans de la conquête spatiale, persuadés que l’expansion de notre technologie dans l’espace ne peut se limiter aux engins automatiques.
Ils ne rejoignent pourtant qu’en apparence le propos de Bush. Pour le Président, dans la logique de Kennedy, il faut autre chose que la Station spatiale internationale (ISS). Décidée en 1984 par Reagan pour que Freedom l’américaine réponde à Mir la soviétique, puis relancée en 1992 afin que l’effondrement del’URSS ne disperse pas des ingénieurs maîtrisant une technologie dangereuse, l’ISSn’a pas remplacé Apollodans «l’imagination du monde». Devenu routinier, le rêve s’est frelaté. Une routine de façade: sortir du puits gravitationnel terrestre, ou y pénétrer sans mal, exige une débauche d’énergie dont la perte de contrôle détruisit Challenger (1986) et Columbia (2003).
L’effort est grand –des dizaines de milliards de dollars; le rendement politique, faible. Il faut donc un nouvel objectif: la Lune. Mais dans quel but? Les mystiques parlent de ressources, d’industrie… Fariboles. La seule activité intelligente à développer sur la Lune seréduit à la science. Point de vue imprenable sur l’Univers, où le vide et le froid sont gratuits. En outre, bien mieux que la station, la Lune permet de valider les technologies spatiales du grand bond en avant martien. Beaucoup trop sérieux et de trop longue haleine pour une décision à la Kennedy. Imaginer qu’en 2018 les Etats-Unis repartent à la conquête de la Lune sur le mode Apollo, avec astronautes au garde à vous devant un drapeau planté sur un sol symboliquement annexé confine au ridicule. Retourner sur la Lune, y installer une base scientifique permanente, se préparer à explorer Mars pour y découvrir l’enfance du système solaire et l’unicité, ou non, de la vie sur Terre…
Voilà qui ressemble à un programme de coopération scientifique, pacifique, sans volonté de domination, ouvert à tous, exigeant un financement régulier, en rapport avec ces objectifs. Bush, ou tout autre de ses successeurs voulant imiter Kennedy et sa démonstration de force, ne le conduira donc pas. L’Union européenne le pourrait, si elle le voulait, par un programme rationnel, progressif, structuré par des objectifs de connaissances scientifiques… Et où le drapeau de l’ONU s’imposerait un jour. SYLVESTRE HUET