par bye Sam 10 Avr - 4:20
Bonjour à tous,
Au festival de COZES (Charentes
Maritimes), Idrissa Touré n'est pas venu présenter son film.
Le Consulat de France lui ayant refusé le visa d'entrée. Il a 17
ans, encore au lycée.
Son père est un grand cinéaste reconnu :
Moussa Touré réalisateur de TGV (avec Oumar Seck, Isseu Niang, Bernard
Giraudeau, Phlippine Leroy-Beaulieu, ...), TOUBAB BI, NOUS SOMMES NOMBREUSES sur
le viol comme "arme de guerre" au Congo.
Il prépare un film sur le naufrage
du JOOLA, plus importante tragédie maritime au monde à ce jour.
Moussa
Touré fait l'objet d'une surveillance étroite par le pouvoir politique
sénégalais et interdit de séjour au Congo, à cause de ses
films.
Dans le même festival de COZES 2010 (26 mars - 02
avril), le président du jury était... Moussa Touré. Le documentaire de son
fils était en hors-compétition.
La liberté de circulation est
acceptée pour les biens et oeuvres de l'esprit, mais pas pour ceux qui les
produisent.
La lettre ouverte (plus bas) ne concerne pas seulement la
question migratoire, elle ouvre sur la question de l'identité
nationale.
Bonne journée,
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Subject: Lettre ouverte au consul Général de la france au sénégal
Date:
Thu, 8 Apr 2010 11:00:25 +0000
Chers amis je vous invite a aller sur
le site de sununews pour la lire la lettre du docteur Ibrahim Guèye. Si vous n'y
allez pas aujourd'hui, je l'ai copiée collée la voici
Lésé par
une politique aveugle de fermeture des frontières, alors qu’il souhaitait de la
manière la plus naturelle partager un moment fort de sa vie avec sa propre mère,
le docteur Ibrahim Guèye exprime ici son sentiment de frustration aux autorités
concernées.
Paris, le
31 Mars 2010
Lettre
ouverte à Son Excellence Monsieur le Consul Général de France à Dakar
Son
Excellence Monsieur le Consul Général
L’indifférence que vous avez affichée ne me laisse pas d’autre choix que
de vous adresser une lettre ouverte pour protester vivement contre le tort que
vous avez causé à ma mère et à moi-même.
Mon
histoire est la suivante. Ma mère a déposé une demande de visa de court séjour
pour venir assister à ma soutenance de thèse de doctorat en droit à Paris. La
soutenance était initialement prévue le jeudi 7 janvier 2010. Après avoir déposé
son dossier le 30 décembre 2009, vos services lui ont donné rendez-vous le 4
janvier, vu qu’elle avait fait une réservation pour le 5 janvier
2010.
Le moment
venu, elle s’est vue refuser le droit d’aller assister à la soutenance de thèse
de son fils.
Le
rendez-vous du 7 janvier n’eut hélas pas lieu. La nature s’en est mêlée,
empêchant un avion qui devait transporter un membre du jury de décoller de
Toulouse car il y avait une intempérie de neige. La soutenance fut reportée au
jeudi 28 janvier 2010.
Ma pauvre
mère reconstitua un dossier, en espérant que le coup du sort qui a fait reporter
ma soutenance du 7 janvier allait produire le coup de miracle qui fera en sorte
qu’elle puisse assister son fils en étant présente à ses côtés, le jour de sa
soutenance de thèse.
Un
rendez-vous est à nouveau pris pour le 19 janvier et le 21 janvier vos services
lui ont encore dit non malgré toutes les dispositions qu’on a prises, malgré le
fait qu’elle ait été invitée par l’Ecole doctorale de mon université, malgré
toutes les garanties que nous vous avons données.
Son
Excellence Monsieur le Consul, en vertu de quelle logique une mère n’a-t-elle
pas le droit d’assister à la soutenance de thèse de son
fils ?
Votre
refus injuste et injustifié signifie qu’elle n’est pas digne de fouler le sol
français pour assister à un événement qu’elle attendait depuis plus de huit
ans.
Votre
comportement traduit l’idée qu’une mère française serait plus mère de son enfant
que ne l’est une mère sénégalaise, une mère africaine.
Si vous
nous avez traité de la sorte, c’est parce que nous appartenons à un pays pauvre.
Mais la pauvreté n’est pas une tare et une mère issue d’un pays pauvre a le
droit d’aller voir son fils pour une si bonne raison. De toute façon, une mère a
toujours le droit de rendre visite à son enfant sans avoir à fournir de motif.
Son
Excellence Monsieur le Consul, la liberté d’aller et de venir est un droit
universel, comme aménagé dans l’article 13 alinéa 2 de la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 qui
dispose : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son
pays ».
Quand je
pense que la France a la prétention d’aller enseigner aux peuples du monde
entier ce que c’est que les droits humains parce qu’elle serait le pays des
droits de l’Homme, permettez-moi de vous dire que c’est une bien regrettable
façon de donner l’exemple.
Être issu
d’un pays pauvre est certes un handicap, ce n’est point une tare. Etre
ressortissant d’un pays riche est certes un avantage, en aucun cas un mérite.
Surtout quand on sait que la France a été construite avec, aussi, la force des
fils d’Afrique, qui ont défendu l’honneur de votre patrie en versant leur sang.
Je passe sur nos ressources et nos richesses qui ont été pillées par qui vous
savez.
Il n’est
pire forme de mépris que de dire à une personne qui vient demander un visa à vos
services, « nous refusons, nous ne vous disons pas pourquoi et vous
n’avez pas à demander pourquoi non plus ». Le pouvoir discrétionnaire
dont se prévalent vos services pour refuser toute justification et toute
explication ne saurait justifier le mépris et l’humiliation. Votre politique en
la matière gagnerait à avoir plus d’humanité, de logique, de panache et de
grandeur.
Vous avez
humilié une mère, vous avez blessé et frustré son fils qui, au soir du 28
janvier 2010, a trouvé que son grade de docteur avait un goût amer parce qu’il
aurait légitimement aimé avoir sa mère à ses côtés. Cette façon de rabaisser
tout un peuple en leur montrant chaque jour que vous ne voulez pas d’eux chez
vous ne grandit point la France.
Peut-on
sérieusement croire qu’une femme de 62 ans risque d’émigrer en France en
laissant ses enfants, son domicile et tous ses proches au Sénégal ?
Mieux, ce
n’est point élégant de pendre les 40 000 FCFA des gens (environ 60 euros) sans
les leur rembourser si vous savez au moment même du dépôt du dossier que vous
n’avez pas l’intention d’honorer leur demande. Vous vous dites sans doute que
vous allez décourager les pauvres Africains en tapant sur le
portefeuille.
Mais, Son
Excellence Monsieur le Consul, nous avons, comme tous les peuples du monde le
droit de voyager, de découvrir, de visiter. Ce n’est pas un privilège qui est
réservé aux Français et aux riches.
Vous
savez Monsieur le Consul, la roue de l’histoire, elle tourne et un jour viendra,
sans doute, où les choses changeront.
Il nous
suffit d’avoir des dirigeants respectables et pas complexés pour défendre nos
droits et notre honneur. On ne l’attend certainement pas de ceux qui nous
gouvernent aujourd’hui !
Permettez-moi de vous laisser méditer cette phrase de
Montesquieu : « Si je savais une chose qui fut utile à ma
nation mais nuisible à une autre, je ne la proposerais pas à mon Prince parce
que je suis homme avant d’être français, parce que je suis (nécessairement)
homme mais je ne suis français que par
hasard ».
Être
homme est la constante qui nous unit et qui devrait nous réunir ; être
Européens, Africains, Français ou Sénégalais est le fruit du
hasard !
Son
Excellence Monsieur le Consul, tous les peuples ont une égale dignité, et priver
une mère du plaisir d’assister à la soutenance de thèse de son fils sans aucun
motif, sans aucune raison, juste pour le plaisir est un acte qui n’honore pas la France.
Je vous prie de croire, Son Excellence Monsieur le Consul, à mon sentiment de respect
pour l’HOMME que vous êtes.
Ibrahim GUEYE
Docteur en droit- Paris