Arrestation de 13 migrants et une bénévole de l'association Terre d'Errance + un bénévole de Boulogne sur Mer
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COMMUNIQUÉ - Arrestations à Norrent-Fontes
25 février 2009
Quatorze personnes ont été arrêtées par la police mercredi matin à
Norrent-Fontes : treize migrants érythréens, interpellés sur le camp, et une bénévole de l’association Terre d’errance.
Monique Pouille a été arrêtée chez elle, sa maison a été perquisitionnée.
Elle a été emmenée et enfermée avec les migrants au centre de rétention administrative de Coquelle. Elle a 59 ans, elle est mère au
foyer. Depuis plusieurs années, elle apporte son aide aux migrants. C’est ce qui lui a valu cette arrestation.
Le même jour et pour les mêmes raisons, Pierre, de Boulogne-sur-mer, a été également arrêté. Jean-Pierre Lenoir, quant à lui, devait comparaître pour outrage suite à son engagement auprès des migrants de Calais. L'audience a été reportée.
En fin d’après-midi, quelques dizaines de personnes, venues de Steenvoorde, de Calais, de Boulogne, de Dunkerque et de Norrent-Fontes se sont rassemblées aux abords du centre pour exprimer leur désarroi, leur colère et soutenir les personnes enfermées.
Monique a été retenue pendant huit heures et libérée en fin d’après-midi, ainsi que Pierre. À l’heure où nous écrivons, les migrants sont toujours enfermés à Coquelles.
Les membres de Terre d’errance ne comprennent pas. Ce qui est reproché à Monique, à Pierre. Ce qui est reproché aux migrants. Ce que veut l’État dans cette histoire. Ce que vont devenir ces hommes et ces femmes qui ont dû fuir leur pays et qui ici se retrouvent prisonniers de l’arbitraire et des frontières.
Le gouvernement semble toujours incapable de reconnaître la réalité du drame que vivent ces réfugiés, celui d’une impossibilité d’aller et d’être où que ce soit, vivant dans le froid, seuls sous l’incessante menace policière.
Nous n’avons pas honte d’aider les migrants qui passent par Norrent-Fontes.
Nous sommes heureux de les rencontrer. Nous ne faisons que répondre aux carences de l’État. Pourquoi nous répond-il ainsi ?
La réunion d’information prévue le samedi 28 février à 17 h 30 à
Norrent-Fontes est maintenue.
Rendez-vous à la salle paroissiale. Nous répondrons à vos questions, vos propositions de soutien, vos idées…
Terre d'errance remercie toutes les associations qui se joignent à elle, à l'heure où nous écrivons ces lignes : le C'sur, Salam, Terre d'Errance Steenvoorde…
Arrestation de Monique Pouille
Réaction de Lily Boillet, Présidente de Terre d'errance
25 février 2009
Monique, Jérémy et les migrants interpellés aujourd'hui sont les victimes d’un fantasme, celui d’une politique qui ne connaît et ne comprend pas les migrants, et se contente d’imaginer des bandes organisées qui séviraient dans la région pour manipuler de pauvres migrants et migrantes victimes malgré eux d'une traite humaine. On voudrait faire croire à la population que les migrants sont stupides, ou incapables, ou effrayés, comme des enfants, qu’ils n'auraient pas choisi de venir et de tenter le passage pour l'Angleterre. Ils seraient transportés et abusés par des passeurs cruels et
cupides qui les poussent vers un eldorado inexistant alors qu'ils pourraient rester ici.
Cette version officielle, pour ceux qui sont au plus près des migrants et migrantes, est aussi éloignée de la réalité que la dernière phrase de M. Séguéla est éloignée de la vie des Français (« si 50 ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie »). Le pouvoir gouverne par la peur et avec des idées fausses une population qu’il ne comprend plus. À quel point s’est-il coupé
d’elle pour en arriver à de tels écarts ?
Les migrants et migrantes sont contraints de s’organiser par eux-mêmes pour survivre et atteindre un pays qu'ils espèrent plus indulgent pour leur dossier d'asile. Leur vie en Italie est violente et misérable.
La France joue avec eux comme avec des balles, boucle tout le système pour éviter qu'ils puissent demander l'asile ici. Ensuite, on leur reproche de se déplacer de façon illégale !
L'Europe quant à elle se targue de vouloir protéger le droit d'asile mais elle fait tout pour que les réfugiés ne puissent pas entrer chez elle, y déposer leur demande et y vivre dignement.
Alors quels autres choix ont-ils que de traverser clandestinement les frontières ? Quant à ceux qui sont prisonniers des impasses administratives, à qui on a refusé la possibilité de se stabiliser dignement, quels autres choix ont-ils que d'aider à entrer en Angleterre ceux qui y ont encore une chance ?
Quels autres choix ont les bénévoles que de se tenir au plus près de tous les migrants pour s'assurer de leur bien être, non seulement physique mais surtout psychologique, pour comprendre leur histoire et leur situation, leur rendre leur liberté de parole et de choix dans ces zones de non-droit que sont les « jungles ». Des jungles qui prospèrent depuis des années précisément du fait de mauvaises lois et de mauvaises gestions, et non pas parce que quelques citoyens offrent à tel homme ou à telle femme une couverture ou une douche. La police débarque chez des citoyens qui triment
tous les jours pour sauvegarder le sens des mots Droits de l'Homme, Respect, Liberté, Égalité, Fraternité. Comment en est-on
arrivé là ?
Monique, tous les jours, apporte un peu de réconfort aux migrants et migrantes qui pour la première fois, depuis parfois plusieurs années d'errance en Europe, rencontrent une oreille attentive, une épaule réconfortante, des mots d'encouragement, d'amitié et d'espoir.
Tout cela n'a pas de prix.
Aucun prix.
Depuis quelques mois, je rencontre ces mêmes hommes et femmes, les migrants, ici en Angleterre. Je me rends bien compte que les gestes de Monique et de tous ceux qui agissent avec elle, n’ont aucun prix.
Jamais ils ne tarissent d'éloges sur les bénévoles français qu'ils ont
rencontrés, jamais ils n'oublient la question « et Mama Monica ? Comment va-t-elle ? Dis-lui merci, encore et encore, ha elle me manque !
Sans elle, sans tous les bénévoles, on n’aurait pas tenu. On serait devenu des chiens comme ils disent !»
L’espoir… Nous ne faisons que leur donner un peu d’espoir et quelques signes de fraternité. L’espoir, ils espéraient qu’il ne serait plus le seul moteur de leur vie, quand ils seraient enfin en Europe, après avoir dû fuir tout ce qui faisait leur vie, après avoir survécu à la traversée du désert et de la mer, au racket et aux viols en Libye. Mais ils ont découvert ici la barbarie administrative, les mensonges du droit d'asile, le droit au rabais des étrangers.
Abandonnés par l’Europe, ils souffrent à nouveau de conditions de vie indignes, sous le harcèlement policier, les APRF, les OQTF, les expulsions, les gardes à vue, l'humiliation. Ils ont dû se faire à
l'idée de vivre dans la jungle, entre la gale, la tuberculose et la
violence policière.
À Norrent-Fontes, ils ont croisé Mama Monica et reçu les conseils de Jérémy, juste quelques mots qui disent : « tu existes, je te vois, je ne t'oublie pas, tu mérites mon amitié, tu mérites ce que je mérite moi ». Ces mots-là sont vitaux, pour eux et pour nous tous. Et c’est pour cela qu’on place Monique en garde à vue et qu’on interroge Jérémy, que la police écoute leurs conversations, qu’elle perquisitionne les maisons.
Le même jour à Calais, Jean-Pierre Lenoir devait être jugé pour outrage car il a soutenu (pacifiquement !) des migrants afghans raflés en pleine nuit dans la jungle calaisienne à grand renfort d’hélicoptère.
Un autre citoyen, qui vit à Boulogne, a été arrêté le même jour puis
libéré, pour avoir lui aussi porté secours à des migrants.
Que cherche l’État ? Faire disparaître les migrants ? Convaincre tout le monde qu’ils n’existent pas ?
Décourager ceux qui les aident ? Ils ne font que pallier, autant que faire se peut, aux carences de l’État et défendre ses valeurs, puisqu’il les abandonne. Peut-être dira-ton plus tard qu’ils ont sauvé son honneur.
Quand le légal insulte la justice, il est du devoir de chacun de lui
résister.
Lily Boillet
Présidente de Terre d’Errance
ARRESTATION DE MONIQUE POUILLE
Réaction de l'abbé Michel Delannoy, membre de Terre d’Errance
26 février 2009
De qui se moque-t-on ?
L’interpellation ce matin de Monique Pouille à son domicile à
Norrent-Fontes, la perquisition de sa maison et sa mise en examen à la PAF de Coquelles sont une insulte à l’investissement de tous les bénévoles qui oeuvrent au sein des associations humanitaires.
Monique depuis plusieurs années ne compte pas son temps et son énergie pour que recule la honte des camps de réfugiés qui s’implantent dans notre région. Les droits de l’homme sont
bafoués encore une fois par cette interpellation. Monique relève, avec d’autres bénévoles, le défi d’une humanité qui se doit d’être
respectée. Une attention, un sourire, un encouragement, une compréhension, l’apport de denrées alimentaires, de couvertures, de bois de chauffage etc. sont-ils répréhensibles au regard de la loi ?
Ah oui ! dira-t-on, et les portables qu’elle rechargeait chez elle ? Ah oui… ces fameux portables qui permettent de rester en contact avec la famille, de parler à un ami, qui permettent d’écouter la musique de son pays, qui apportent une relative sécurité dans un moment où l’on n’est plus rien. Qu’y a-t-il de dérangeant à recharger des portables ?
On nous dira que certains de ces portables appartiennent aux passeurs. Et alors ? De qui se moque-t-on ?
Est-ce que, quand vous aidez quelqu’un qui est dans la misère, vous lui demandez ses papiers, vous lui demandez s’il aide au passage des clandestins ? Il n’est pas du rôle de l’association et de ses membres d’enquêter sur qui est qui. La police, la gendarmerie sont bien au courant des agissements des uns et des autres. Là encore c’est la politique du chiffre qui prime. M. Besson a
demandé qu’on intensifie la lutte contre les réseaux mafieux, et la police arrête une simple habitante qui a un coeur d’or et qui n’en peut plus de voir des jeunes qui ont l’âge de ses fils passer devant sa maison en bravant le froid. Il est certainement plus facile de rester au chaud chez soi devant son écran que d’agir. Heureusement que dans notre monde il y a encore des Monique, des Jérémy aussi.
Monique n’a rien fait de mal. Par ailleurs, elle n’a jamais refusé de
dialoguer avec la gendarmerie et les renseignements généraux, elle agit, comme tous les membres de Terre d’errance, en toute transparence.
La police dit vouloir lutter contre les passeurs ? Mais qui sont-ils ?
A-t-elle cherché à le comprendre ?
Ils sont le fruit d’une politique honteuse de l’immigration en Europe et dans le monde qui n’offre aucun secours à des hommes et des femmes qui n’aspirent qu’à la paix, à une vie décente. Si l’on refuse
l’intégration de ceux qui aspirent à la liberté, si l’on ferme les
frontières, si l’on durcit les politiques d’accueil de ceux qui fuient leurs pays, il ne faut pas s’étonner de voir les réseaux mafieux
se multiplier. Les jeunes qui s’embarquent dans ces filières à
Norrent-Fontes ou ailleurs le font pour envoyer de l’argent à leur famille dans le besoin et pour se procurer un peu de bien-être tant est difficile la vie de ceux qui sont rejetés sur les routes depuis plusieurs années. Ce ne sont pas ceux-là qu’il faut arrêter. C’est bien mal connaître le terrain que d’incriminer ces jeunes victimes.
Jérémy a également été entendu par la police hier. À l’heure où l’on se plaint de l’apathie des jeunes,de leur désintéressement des questions de société, voilà un jeune qui en responsable prend à coeur le sort de ces migrants qui pour beaucoup ont le même âge que lui. Et on lui jette la pierre ! Mais de qui se moque-t-on encore ? Où va notre société ? Une société où les pauvres sont maltraités et où les riches jonglent avec des millions qu’ils ont parfois détournés sans être inquiétés !
Monique, Jérémy et beaucoup d’autres bénévoles qui oeuvrent à
Norrent-Fontes, à Steenvoorde, à Calais et ailleurs devraient recevoir la médaille de l’encouragement au bien, une médaille qu’ils n’attendent d’ailleurs pas.
Mesdames et Messieurs les hommes et femmes politiques qui avaient reçu mandat des électeurs allez-vous laisser faire des choses si outrageuses sans que votre respect soit atteint ?
Et nous, citoyens de tous bords, de toutes races, de toutes appartenances religieuses, allons-nous encore longtemps rester témoins de tels agissements sans manifester notre
mécontentement ?
Nous voulons une société plus juste dans l’accueil des populations, dans le partage des richesses, il est grand temps de le manifester ;
Abbé Michel Delannoy,
membre de l’association Terre d’Errance