À contre-Coran
15 avril 2009 - Louise Mailloux
http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=1525
Algérienne d’origine, exilée en France avec sa famille pour échapper à la mort, elle vit au Québec depuis 1997. Djemila Benhabib vient de publier son premier essai Ma vie à contre-Coran. Une femme témoigne sur les islamistes dans lequel elle raconte la
terreur qu’elle a vécu avec la montée de l’intégrisme religieux et met à nu les
différentes stratégies des islamistes pour imposer leur dictature. L’auteure
nous met aussi en garde contre notre trop grande tolérance vis-à-vis ceux qui
cherchent patiemment à saper les bases de notre démocratie pour imposer leur
vision fasciste et obscurantiste de l’islam.
Citoyenne du monde, féministe et laïque, Djemila Benhabib est tissée de la même étoffe que les Taslima Nasreen, Wafa Sultan, Chadortt Djavann et Ayaan Hirsi Ali. Ces femmes, toutes de culture musulmane, reprennent le flambeau des Lumières, et au nom de la défense des droits humains, osent avec une farouche détermination, s’attaquer à l’intégrisme islamique. Et cela, au péril de leur vie.
Nouvelles issidentes de l’Histoire, elles mériteraient toutes de pouvoir jouir ici en
Occident de la même sécurité, du même soutien, de la même admiration, du même
respect et de la même attention médiatique auxquels les Sakharov et Soljenitsyne
ont eu droit, à une époque pas si lointaine.
Ce livre de Benhabib, nous l’attendions depuis longtemps. Tous les « Tremblay » du Québec l’attendaient.
Puisse-t-il ouvrir une brèche dans la pensée unique de nos bien-pensants qui
étouffent invariablement toute critique de l’islamisme.
« J’ai écrit ce livre pour que les gens sachent ce qu’est l’islam politique, une idéologie de mort qu’on veut nous imposer. »
En Algérie, vous avez risqué votre vie en refusant de porter le voile, alors qu’ici on le présente comme un choix personnel?
« Le voile n’est pas qu’un simple vêtement, il fait partie d’un
« package », d’un système de valeurs qui est rétrograde, archaïque et barbare à
l’égard des femmes parce que le voile, c’est aussi la répudiation, la polygamie,
le mariage forcé et arrangé, l’excision, la non-mixité, les châtiments corporels
comme la flagellation, la lapidation. Or on nous le présente comme indépendant
de tout cela. Mais c’est faux. Le voile, c’est l’emblème de l’intégrisme. »
Il y a des gens qui pensent qu’il faut tolérer le voile parce qu’il fait partie de votre culture?
« Moi le voile, cela ne fait pas partie de ma culture, ni de la tradition. Ma grand-mère ne se voilait pas, enfin oui, elle se voilait parce que ce sont des sociétés encore fortement patriarcales, mais elle ne portait pas le voile islamique tel que le font aujourd’hui les militantes islamistes. On a vu l’apparition de ce voile dans les années 80 avec Khomeini. C’est lui qui a imposé le port du voile islamique tel qu’on le voit
aujourd’hui. Donc il n’est pas du tout ancré dans notre culture, bien au contraire, le voile islamique est venu chasser du décor visuel ce que nos femmes
portaient comme un truc traditionnel. Il n’est donc pas une spécificité
culturelle, mais bien un geste politique d’adhésion à l’islamisme politique.
C’est tout. »
Et que répondre à Amir Khadir, affirmant que les femmes iraniennes ont porté le voile comme un étendard politique pour s’opposer au Shah?
« C’est bizarre, parce que moi, toutes les Iraniennes que j’ai rencontrées, sont des femmes qui ont dû s’exiler parce que leur vie était en danger et qu’elles ne cadraient pas avec le régime islamiste. Alors c’est bien étrange que M. Khadir n’en parle pas. Est-ce à dire qu’il n’est pas au courant de la situation? Je ne le pense pas. Saviez-vous que la législation iranienne prescrit l’emprisonnement jusqu’à 12 mois, des amendes et la flagellation pour des infractions relatives au code vestimentaire?
Mais vous savez, en politique, il y a des choix à faire. Et si M. Khadir a choisi de parler des femmes voilées, c’est peut-être parce qu’il les soutient? Pourquoi ne parle-t-il pas des femmes opprimées, laïques et féministes? Il y en a beaucoup. Ne les a-t-il pas rencontrées? »
Devrait-on, comme le veut Françoise David, accepter le port du voile dans les institutions publiques pour empêcher l’exclusion sociale et économique de ces femmes musulmanes? « Écoutez, le Québec ce n’est pas un bazar. Le Québec est une société qui s’est donné démocratiquement des institutions laïque et égalitaire et, par conséquent, lorsqu’on pose des gestes, on doit constamment les inscrire dans ce cadre-là. On doit respecter les choix de la collectivité et le bien commun. Cela doit primer sur tous les autres choix que l’on fait. On a un contrat social à respecter. Et
ceux qui disent qu’on peut accepter le port du voile dans les institutions
publiques violent le consensus social. La laïcité, c’est notre ciment, et tant
et aussi longtemps que les Québécois décideront de faire du Québec un État
laïque, alors il va rester laïque, et tous les citoyens doivent respecter cette
laïcité-là. »
Et la laïcité ouverte, cela signifie quoi pour vous?
« Moi, dès qu’on ajoute un adjectif à la laïcité, cela me dérange. Pour moi, il
n’y a que la laïcité, et c’est un concept qui est très clair. C’est l’égalité
entre les croyants, les agnostiques et les athées. Et l’État doit veiller à
cela. Sur la place publique, on est égaux. C’est tout, et je ne vois pas
pourquoi on lui associe le terme de fermée ou d’ouverte. »
On va dire de cela que c’est de l’intégrisme laïque, non?
« Écoutez, moi j’ai vécu les prémisses d’un État intégriste. Je n’en ai vécu que les prémisses et je peux vous dire que de vivre dans un tel état de peur permanente, c’est un cauchemar. Ma réflexion, elle se nourrit d’un vécu, et j’en suis arrivée à penser que nous ne pouvons vivre librement que sous un État laïque. Parce que j’ai déjà vécu sous des régimes oppressifs où il m’était interdit de dire que je n’étais pas
croyante. Je ne pouvais pas le dire parce que je risquais ma vie. Cette violence-là, je l’ai vécue. »
Des femmes voilées se disent féministes à la « manière musulmane » et prétendent que nous n’avons pas à leur imposer « notre » féminisme qui n’est somme toute qu’une invention de l’Occident. Les féministes du Québec sont divisées sur cette question. D’après vous, peut-il y avoir plusieurs féminismes?« Pour moi le féminisme, c’est s’insurger contre les injustices à l’égard des femmes, et vouloir les réparer. Et ici, je ne me pose pas la question de savoir si cette femme est afghane ou péruvienne. Je dis que lorsqu’il y a une injustice, il faut mettre fin à celle-ci.
Aujourd’hui, dans les pays musulmans et arabes, la plupart des femmes vivent dans l’injustice. Et cela, il faut le dire. Ce sont dans ces pays-là où, par exemple, les crimes d’honneur sont les plus élevés. Ce sont dans ces pays-là, où les femmes se font fouetter et lapider, dans ces pays-là, où elles se font répudier et maltraiter. Alors, on n’invente rien. On part de la réalité. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec cette réalité? On se ferme les yeux, en disant que l’Afghanistan, cela ne nous regarde pas? Ce n’est pas la voie que j’ai choisie. Pour ma part, à chaque fois que je vois une injustice, je la dénonce parce que c’est mon devoir de citoyenne du monde de le faire. Mon combat, c’est un combat universel pour les droits humains. »
15 avril 2009 - Louise Mailloux
http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=1525
Algérienne d’origine, exilée en France avec sa famille pour échapper à la mort, elle vit au Québec depuis 1997. Djemila Benhabib vient de publier son premier essai Ma vie à contre-Coran. Une femme témoigne sur les islamistes dans lequel elle raconte la
terreur qu’elle a vécu avec la montée de l’intégrisme religieux et met à nu les
différentes stratégies des islamistes pour imposer leur dictature. L’auteure
nous met aussi en garde contre notre trop grande tolérance vis-à-vis ceux qui
cherchent patiemment à saper les bases de notre démocratie pour imposer leur
vision fasciste et obscurantiste de l’islam.
Citoyenne du monde, féministe et laïque, Djemila Benhabib est tissée de la même étoffe que les Taslima Nasreen, Wafa Sultan, Chadortt Djavann et Ayaan Hirsi Ali. Ces femmes, toutes de culture musulmane, reprennent le flambeau des Lumières, et au nom de la défense des droits humains, osent avec une farouche détermination, s’attaquer à l’intégrisme islamique. Et cela, au péril de leur vie.
Nouvelles issidentes de l’Histoire, elles mériteraient toutes de pouvoir jouir ici en
Occident de la même sécurité, du même soutien, de la même admiration, du même
respect et de la même attention médiatique auxquels les Sakharov et Soljenitsyne
ont eu droit, à une époque pas si lointaine.
Ce livre de Benhabib, nous l’attendions depuis longtemps. Tous les « Tremblay » du Québec l’attendaient.
Puisse-t-il ouvrir une brèche dans la pensée unique de nos bien-pensants qui
étouffent invariablement toute critique de l’islamisme.
« J’ai écrit ce livre pour que les gens sachent ce qu’est l’islam politique, une idéologie de mort qu’on veut nous imposer. »
En Algérie, vous avez risqué votre vie en refusant de porter le voile, alors qu’ici on le présente comme un choix personnel?
« Le voile n’est pas qu’un simple vêtement, il fait partie d’un
« package », d’un système de valeurs qui est rétrograde, archaïque et barbare à
l’égard des femmes parce que le voile, c’est aussi la répudiation, la polygamie,
le mariage forcé et arrangé, l’excision, la non-mixité, les châtiments corporels
comme la flagellation, la lapidation. Or on nous le présente comme indépendant
de tout cela. Mais c’est faux. Le voile, c’est l’emblème de l’intégrisme. »
Il y a des gens qui pensent qu’il faut tolérer le voile parce qu’il fait partie de votre culture?
« Moi le voile, cela ne fait pas partie de ma culture, ni de la tradition. Ma grand-mère ne se voilait pas, enfin oui, elle se voilait parce que ce sont des sociétés encore fortement patriarcales, mais elle ne portait pas le voile islamique tel que le font aujourd’hui les militantes islamistes. On a vu l’apparition de ce voile dans les années 80 avec Khomeini. C’est lui qui a imposé le port du voile islamique tel qu’on le voit
aujourd’hui. Donc il n’est pas du tout ancré dans notre culture, bien au contraire, le voile islamique est venu chasser du décor visuel ce que nos femmes
portaient comme un truc traditionnel. Il n’est donc pas une spécificité
culturelle, mais bien un geste politique d’adhésion à l’islamisme politique.
C’est tout. »
Et que répondre à Amir Khadir, affirmant que les femmes iraniennes ont porté le voile comme un étendard politique pour s’opposer au Shah?
« C’est bizarre, parce que moi, toutes les Iraniennes que j’ai rencontrées, sont des femmes qui ont dû s’exiler parce que leur vie était en danger et qu’elles ne cadraient pas avec le régime islamiste. Alors c’est bien étrange que M. Khadir n’en parle pas. Est-ce à dire qu’il n’est pas au courant de la situation? Je ne le pense pas. Saviez-vous que la législation iranienne prescrit l’emprisonnement jusqu’à 12 mois, des amendes et la flagellation pour des infractions relatives au code vestimentaire?
Mais vous savez, en politique, il y a des choix à faire. Et si M. Khadir a choisi de parler des femmes voilées, c’est peut-être parce qu’il les soutient? Pourquoi ne parle-t-il pas des femmes opprimées, laïques et féministes? Il y en a beaucoup. Ne les a-t-il pas rencontrées? »
Devrait-on, comme le veut Françoise David, accepter le port du voile dans les institutions publiques pour empêcher l’exclusion sociale et économique de ces femmes musulmanes? « Écoutez, le Québec ce n’est pas un bazar. Le Québec est une société qui s’est donné démocratiquement des institutions laïque et égalitaire et, par conséquent, lorsqu’on pose des gestes, on doit constamment les inscrire dans ce cadre-là. On doit respecter les choix de la collectivité et le bien commun. Cela doit primer sur tous les autres choix que l’on fait. On a un contrat social à respecter. Et
ceux qui disent qu’on peut accepter le port du voile dans les institutions
publiques violent le consensus social. La laïcité, c’est notre ciment, et tant
et aussi longtemps que les Québécois décideront de faire du Québec un État
laïque, alors il va rester laïque, et tous les citoyens doivent respecter cette
laïcité-là. »
Et la laïcité ouverte, cela signifie quoi pour vous?
« Moi, dès qu’on ajoute un adjectif à la laïcité, cela me dérange. Pour moi, il
n’y a que la laïcité, et c’est un concept qui est très clair. C’est l’égalité
entre les croyants, les agnostiques et les athées. Et l’État doit veiller à
cela. Sur la place publique, on est égaux. C’est tout, et je ne vois pas
pourquoi on lui associe le terme de fermée ou d’ouverte. »
On va dire de cela que c’est de l’intégrisme laïque, non?
« Écoutez, moi j’ai vécu les prémisses d’un État intégriste. Je n’en ai vécu que les prémisses et je peux vous dire que de vivre dans un tel état de peur permanente, c’est un cauchemar. Ma réflexion, elle se nourrit d’un vécu, et j’en suis arrivée à penser que nous ne pouvons vivre librement que sous un État laïque. Parce que j’ai déjà vécu sous des régimes oppressifs où il m’était interdit de dire que je n’étais pas
croyante. Je ne pouvais pas le dire parce que je risquais ma vie. Cette violence-là, je l’ai vécue. »
Des femmes voilées se disent féministes à la « manière musulmane » et prétendent que nous n’avons pas à leur imposer « notre » féminisme qui n’est somme toute qu’une invention de l’Occident. Les féministes du Québec sont divisées sur cette question. D’après vous, peut-il y avoir plusieurs féminismes?« Pour moi le féminisme, c’est s’insurger contre les injustices à l’égard des femmes, et vouloir les réparer. Et ici, je ne me pose pas la question de savoir si cette femme est afghane ou péruvienne. Je dis que lorsqu’il y a une injustice, il faut mettre fin à celle-ci.
Aujourd’hui, dans les pays musulmans et arabes, la plupart des femmes vivent dans l’injustice. Et cela, il faut le dire. Ce sont dans ces pays-là où, par exemple, les crimes d’honneur sont les plus élevés. Ce sont dans ces pays-là, où les femmes se font fouetter et lapider, dans ces pays-là, où elles se font répudier et maltraiter. Alors, on n’invente rien. On part de la réalité. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec cette réalité? On se ferme les yeux, en disant que l’Afghanistan, cela ne nous regarde pas? Ce n’est pas la voie que j’ai choisie. Pour ma part, à chaque fois que je vois une injustice, je la dénonce parce que c’est mon devoir de citoyenne du monde de le faire. Mon combat, c’est un combat universel pour les droits humains. »